L'après-El Gueddafi très dur pour le peuple libyen Cinq ans après le complot qui mit fin à 42 ans du cycle El Gueddafi, les Libyens ont quasiment perdu espoir de voir un Etat de droit instauré dans un pays divisé, affaibli et menacé par l'expansion jihadiste. Malgré l'annonce dimanche de la formation d'un gouvernement d'union nationale, l'incertitude demeure sur son approbation par le Parlement reconnu internationalement et sur sa capacité à imposer son autorité dans un pays miné par les conflits entre factions rivales. Profitant du chaos politique et sécuritaire qui s'est installé depuis la chute du régime de Mouammar El Gueddafi en 2011, l'organisation jihadiste Etat islamique (EI) a gagné du terrain. La ville de Syrte, sur les bords de la Méditerranée, (450 km à l'ouest de Tripoli), est devenue son sanctuaire, à moins de 300 km de l'Europe. L'EI en a fait une base d'entraînement de jihadistes libyens et étrangers. Les Européens craignent qu'avec son port et son aéroport, Syrte ne devienne une rampe de lancement pour de futures attaques sur son sol. L'EI «voit probablement la Libye comme le meilleur pays où établir son hub régional», relève Ludovic Carlino dans un rapport du cabinet de conseil IHS Country Risk publié ce mois-ci. La présence d'importantes réserves de pétrole, de routes de contrebande bien établies avec l'Afrique mais surtout le chaos qui y règne depuis l'intervention de l'Otan - qui marque son cinquième anniversaire aujourd'hui -, expliquent cet intérêt, selon les analystes. «Les stocks importants d'armes et les frontières poreuses ont fait de la Libye le principal carrefour de transit pour les jihadistes d'Afrique du Nord pour rejoindre la Syrie et l'Irak», précise M. Carlino. Cependant, ce phénomène n'est pas nouveau. «La Libye a une longue tradition jihadiste violente qui remonte à la guerre d'Afghanistan», rappelle le cabinet d'analyse de risques Soufan Group. Le régime El Gueddafi réussissait à contrôler ces mouvements mais avec son effondrement, les factions militantes islamistes, longtemps réprimées, ont tenté de «remplir le vide» politique et sécuritaire dans le pays, ajoute Soufan Les deux autorités qui se disputent le pouvoir depuis plus d'un an et demi se sont montrées incapables d'enrayer la montée jihadiste. La Libye est divisée entre un gouvernement reconnu par la communauté internationale exilé dans l'Est, et un autre basé à Tripoli proche d'une coalition de milices dont certaines islamistes. «Les cinq dernières années ont été une série d'erreurs corrigées par d'autres erreurs», déclare une employée de banque à Trpoli. Sans Constitution depuis 1969, les Libyens attendent depuis des mois que l'Assemblée constituante, élue en 2014, rédige un projet de Loi fondamentale. Si le pays dispose des réserves pétrolières les plus importantes d'Afrique, estimées à 48 milliards de barils, sa production, environ 1,6 million b/j en 2011, a chuté d'un tiers depuis. Cinq ans après la chute d'El Gueddafi, «notre quotidien devient de plus en plus difficile», constate une Tripolitaine. «En plus de l'insécurité qui désintègre le pays, nous devons vivre avec à la hausse des prix des produits de première nécessité, sans soins adéquats, avec de longues coupures d'électricité», déplore-t-elle. Selon l'Organisation mondiale de la santé, 1,9 million des six millions de Libyens ont besoin d'une aide sanitaire d'urgence, alors que le pays manque de personnel de santé, de médicaments et de vaccins. Voyager est aussi devenu un casse-tête, renforçant la sensation d'enfermement. Depuis la destruction de l'aéroport international de Tripoli en août 2014, aucune compagnie aérienne étrangère ne dessert la capitale libyenne. Rares sont les Etats qui ont donné des autorisations d'atterrissage aux compagnies libyennes. La plupart des pays exigent désormais des Libyens des visas mais tous les consulats ont fermé il y a un an et demi à l'exception de celui de Turquie à Misrata (ouest). Mission d'assistance en Libye L'UE modifie et prolonge sa mission en Libye L'Union européenne (UE) a décidé de modifier sa mission d'assistance pour une gestion intégrée des frontières en Libye en vue de prévoir une capacité de planification civile, prolongeant son mandat de six mois supplémentaires, a annoncé lundi soir le Conseil de l'UE. «Le 15 Février 2015, l'UE a modifié sa mission d'assistance pour une gestion intégrée des frontières en Libye (Eubam Libye) en vue de prévoir une capacité de planification civile», a indiqué le Conseil de l'UE dans un communiqué. Ce changement permettra d'apporter «une aide dans la planification d'une éventuelle mission civile de gestion de la crise, du renforcement des capacités et de l'assistance future dans le domaine de la réforme du secteur de la sécurité», a expliqué le Conseil. La capacité de planification civile, a-t-il poursuivi, va coopérer étroitement avec la Mission d'appui des Nations unies en Libye et contribuera aux efforts déployés, en coordination avec les autorités libyennes légitimes et autres interlocuteurs de sécurité reconnus. La mission d'assistance de l'UE a été déployée dans le cadre de la politique de sécurité et de défense commune (PSDC) de l'Union en mai 2013 afin d'aider les autorités libyennes à améliorer et à renforcer la sécurité des frontières du pays. «Son mandat a été prolongé de six mois jusqu'au 21 Août 2016, afin de permettre le soutien de la planification civile accrue», a ajouté le Conseil de l'UE. L'Eubam Libye aide les autorités libyennes à renforcer la gestion des frontières ainsi que la sécurité des frontières terrestres, maritimes et aériennes. Mission civile de gestion des crises dont le mandat comporte un volet «renforcement des capacités», l'Eubam assiste les autorités libyennes au niveau stratégique comme opérationnel. Les experts de l'Eubam ont pour tâche de conseiller, de former et d'encadrer leurs homologues libyens en vue de renforcer les services frontaliers conformément aux normes et aux meilleures pratiques internationales, ainsi que de les conseiller dans la définition d'une stratégie nationale libyenne de gestion intégrée des frontières. Du fait de la situation politique et sécuritaire en Libye, l'Eubam mène ses activités à partir de la Tunisie depuis août 2014. Etant donné que les possibilités de conseiller, d'encadrer et de former les homologues libyens de la mission sont limitées, l'effectif de l'Eubam Libye est ramené à 16 membres internationaux, précise le Conseil.