Halima est comme un comprimé effervescent jeté dans le bac d'une piscine, tout le monde en parlait devant le juge mais personne n'a prouvé qu'elle avait vraiment existé. La victime comme les mis en cause en ont parlé mais sans plus. Insaisissable, son spectre a plané sur le procès sans plus... Saïd, tout fier de conduire sa nouvelle 307, faisait le paon dans les rues d'Oran. Il faisait bombonne dans les boulevards du centre-ville, tout guilleret. C'est vrai qu'une voiture de ce gabarit donne de la contenance et de la prestance à son propriétaire. Il s'était ruiné pour l'avoir. Il avait sollicité des connaissances installées à l'étranger pour le change de monnaie. Il avait mis toutes ses économies dans ce bijou. Un jour, «ses roues» l'amèneront du côté de la Corniche. Il roulera, bercé par la musique que diffusait un lecteur CD. A son retour, sur la route, il trouvera une auto-stoppeuse à la beauté éblouissante. Il n'hésitera pas à martyriser ses freins pour s'arrêter. Il l'invite, elle monte. Enivré par la beauté et le parfum de la jeune femme, il décide de tout faire pour l'accrocher à son tableau de chasse. Cette dernière se montrera disposée à satisfaire toutes les lubies de Saïd. Il lui propose de l'accompagner à Mostaganem et de revenir terminer la soirée dans une discothèque de la corniche oranaise. La nuit tombée, le couple atterrit dans un cabaret de la côte. Après un repas copieux, quelques verres, il décide de rentrer à Oran. Mais au retour, Halima lui proposa de prendre la route de la corniche supérieure. Une route sinueuse mal éclairée et où il n'est pas rare de faire de mauvaises rencontres. Subjugué par la beauté de sa conquête, Saïd ne vit aucun inconvénient et décide de partir vers l'inconnu par cette route qui serpente dans la montagne. Au détour d'un virage, Halima lui demande de s'arrêter pour un besoin pressant. Il s'exécute, elle descend, puis plus rien, le néant... il se réveille sur un lit du pavillon des urgences de l'hôpital d'Oran, les côtes brisées, le visage tuméfié et le corps lézardé de plusieurs coups de couteau. Il n'avait plus sa voiture et l'argent qu'il avait dans sa poche avait disparu. Il avait été secouru par des gendarmes en patrouille qui l'avaient trouvé gisant sur le bas-côté de la route. Il racontera quelques jours plus tard aux gendarmes, son aventure, Halima, les doux moments passés avec elle. Il leur donnera sa description mais ses renseignements ne permirent pas de retrouver la jeune femme. Ali, un jeune vacancier se fit prendre lui aussi, «ferré» par l'appât Halima. Il se dirigeait vers Aïn El-Turck quand il fut surpris par l'apparition d'une belle femme qui faisait du stop sur le bas côté de la route. Il stoppa net, l'installa à ses côté et démarra. Au cours de la soirée, elle lui propose de rentrer à Oran par la corniche supérieure. Le besoin pressant est invoqué pour le contraindre à s'arrêter au détour d'un virage tout comme avec Saïd. Il se réveillera quelques heures plus tard, blessé, dépouillé. Les gendarmes intrigués par la multiplication des agressions contre les automobilistes au niveau de la corniche supérieure tendirent une souricière et arrêtèrent une bande de malfaiteurs qui sévissait dans le coin. Présentés à Ali, Saïd et d'autres victimes, ils furent reconnus. Malgré la violence et la rapidité de l'attaque, certains gardaient dans leur subconscient des fragments d'images, de visage, d'intonation de voix qui leur permirent de confondre leurs agresseurs qui reconnurent les faits. Mais restait l'énigme Halima. Les membres du gang tout comme les victimes avaient évoqué son existence et son rôle dans les attaques mais elle restait insaisissable. Durant le procès qui s'est déroulé la semaine dernière à Oran, tous, victimes comme mis en cause, se sont accrochés à ce fantôme dont l'image avait plané dans la salle d'audience. Les avocats des mis en cause tentèrent d'utiliser cet argument pour sauver leurs mandants en insistant sur le doute mais sans résultat car la cour, au terme des débats, retient les crimes de vol avec violence, guet-apens, constitution d'association de malfaiteurs et condamna les mis en cause à des peines allant de 5 à 15 ans de réclusion criminelle. Pour Saïd et Ali, le verdict n'a pas mis fin au cauchemar qu'ils vivent depuis qu'ils ont rencontré sur leur route un fantôme nommé Halima.