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Le jour où le rossignol s'est tu
ABDELLAH GUETTAF (28 JANVIER 2011)
Publié dans L'Expression le 28 - 01 - 2019

Difficile était pour ses admirateurs le fait qu'ils n'assisteront désormais plus à ces soirées où une voix langoureuse chantait avec tant de passion, de chaleur et de générosité le chaâbi.
C'est avec un coeur en émoi que les fans de Abdellah Guettaf évoquent son art. Le destin a voulu qu'un coup de frein soit donné à cet art au moment où il était au summum, un certain 28 janvier 2011, jour où «El Meddah» a été rappelé par son Créateur. Difficile était pour ses admirateurs le fait qu'ils n'assisteront désormais plus à ces soirées où une voix langoureuse chantait avec tant de passion, de chaleur et de générosité le chaâbi. La réalité est là, et il fallait bien l'admettre: le rossignol s'est tu pour toujours. Même en quittant ce bas monde, il l'a fait comme un guerrier dans un champ de bataille. Il meurt les armes à la main. Appelé à animer un récital au Centre culturel de Baraki, il s'est présenté sur scène telle une superstar. Il a eu droit à une standing ovation bien méritée. Nul ne savait que cette ovation allait être la dernière pour le baisser de rideau d'une carrière difficile à égaler. Quelques minutes après, il s'installe sur sa chaise, accompagné de son orchestre. La soirée commence et tout le monde la suit attentivement, comme à l'accoutumée. Une «touchia moual», trois «nesrafates»... puis s'en va. Il ne pouvait plus tenir, étant victime d'un AVC. Il rendra l'âme à l'hôpital Aït Idir, malgré les efforts consentis par les médecins et l'intervention chirurgicale «réussie». La loi du plus fort, celle de Dieu Le Tout-Puissant, finira par prendre le dessus. Lors de ses funérailles, au cimetière d'El Alia, ses amis, proches et admirateurs ne pouvaient retenir leurs larmes, indiquant qu'ils ont perdu un homme avec un grand «H» avant d'avoir perdu un interprète hors du commun. Qu'avait-il de si particulier? «Il disait toujours que nous ne sommes que de simples visiteurs sur cette terre, et qu'il faut travailler pour la vie éternelle. Sa devise était de donner, sans calculs, sur terre pour espérer être récompensé une fois chez son Créateur», témoigne son neveu, Krimou Guettaf. Tout le monde l'estimait pour sa modestie et surtout ces mots qu'il savait, si particulièrement, choisir à chaque occasion. Son professionnalisme, son amabilité et son esprit confraternel ne laissaient personne indifférent.
Au fil des années, il est parvenu à se placer dans ce quarteron de choix qui représentait le chaâbi, sans pour autant que cela flatte son ego. Tout le monde l'appelait «Cheikh», mais lui, il refusait cela, indiquant qu'il n'est qu'un «Meddah Errasoul». En tant qu'interprète, il n'a, certes, pas bénéficié de la médiatisation que valait son travail, mais lui, il ne se souciait guère de cela. Son autosatisfaction était de voir le nombre de ses admirateurs s'accroître à travers les quatre coins du pays. On l'admirait pour son humanisme et son dévouement pour la chanson chaâbie, qu'il interprétait avec élégance et passion. L'on estime qu'une personne comme Abdellah n'est autre qu'un privilège pour ce genre musical. Privilège du fait qu'il favorisait la parole à la musique. Le plus important était, pour lui, de faire passer le message de la manière la plus souple. C'est d'ailleurs, ce qui a fini par lui permettre d'innover un style propre à lui, celui d'un goual (diseur). En clair, il se distinguait par l'interprétation des textes qui n'étaient pas prédestinés à être chantés. La générosité divine l'a gratifié d'une voix cristalline, qui lui a permis d'apporter sa pierre à l'édifice.
Au fil des années, il acquiert cette aptitude à chanter des qacidates très peu connues, des fois pas du tout, de la nébuleuse du chaâbi.
«Asmaâ Allah», «Latifa», «Ya Khafi Leltaf», «Al Ââkikia», et on en passe. Ce fut, surtout, le fruit d'un très long travail de recherche dans lequel il s'illustrait d'une manière ineffable. Sa maîtrise parfaite de l'arabe littéraire lui a facilité son travail de recherche pour arriver à se procurer ces qacidates dans leurs versions originales. «Ainsi au début, il s'intéressait à la syntaxe, au lexique et à la forme du poème puis dans un deuxième temps, il décortiquait le texte pour arriver au contenu, au fond et aux différents sens apparents ou ésotériques voulus par l'auteur», rapporte un de ses compagnons. En écoutant ses oeu-vres, d'ailleurs, l'on constate un changement dans les paroles par rapport à celles habituellement chantées.
«C'est parce que certaines paroles ont été déformées pour une raison ou une autre. Abdellah chantait les qacidates dans leurs versions originales. Il ne se lassait jamais dans son travail de recherche», poursuit Krimou Guettaf, le neveu le plus attaché à Abdellah. Ce travail de recherche et de mise à jour a été effectué, essentiellement, durant la décennie noire qu'avait vécue l'Algérie, là où les fêtes animées de soirées chaâbies se faisaient rares. Ceci, avant de revenir avec un nouveau répertoire, qui a régalé. Magistralement, il donnait un cachet particulier aux textes, entre autres, de Lakhdar Benkhlouf, Mohamed Benmesaïb, Boumediène Bensahla, Touhami Medeghri, Abdelaziz El Meghraoui, Mohamed Benali et Mohamed Benslimane.
Né le 18 août 1949 à Hussein-Dey, Abdellah Guettaf, qui a grandi au quartier dit «La Glacière», commençait à l'âge de 15 ans à taquiner déjà allègrement le mandole, accompagné par plusieurs musiciens, dont Lounès Mondi, Benadrouche Mohamed, Saïd Bouda, Hacène Bennouchène et Hamid Mostfaoui, pour ne citer que ceux-là. Sous la férule de Abdelkader Choukri, Abdellah Guettaf commença, après, à affûter ses armes, en l'accompagnant au banjo et, minuit passé, finissant lui-même le reste de la soirée jusqu'à l'aube. A partir de 1969, les bourgeons commencèrent à fleurir. Abdellah, originaire de Medjana de la wilaya de Bordj Bou Arréridj, entame l'animation, seul, des soirées durant, jusqu'à sa dernière de Baraki.
Durant toutes ces années, il en a vu défiler des musiciens hors du commun, qui ont été pour beaucoup dans son éclosion.
L'on citera, entre autres, Krimo Lakehal, Sid Ahmed Papou et Allel Khelfa à la percussion, Hacène Bennouchène et Khaled Benslimane au tar, Mourad Bournane, Smaïl Semrani et Mustapha Touati au banjo guitare, le célèbre Cheïkh Ennamous, Djamel Bensomra et Mahfoud Selmi au banjo ténor, sans omettre Kamel Ferdjellah au violon. Au début des années 90, il se détourna peu à peu du style réservé à l'amour platonique pour se pencher sur les textes de louanges et d'invocations divines. Son principe incontournable, selon ses proches; commencer la soirée après avoir accompli la prière d'El Icha et finir avant la prière de l'aube.
Inspiré tout jeune de El Hadj M'hamed El Anka, Abdellah Guettaf s'est frayé son chemin pour parvenir à exceller dans tous les registres musicaux, aroubi, hawzi, andalous... Outre El Anka, il était très inspiré par d'autres maîtres de la musique chaâbie, notamment Amar El Achab et Amar Ezzahi. Il vouait, surtout, un très grand respect à ce dernier. Et ce respect était mutuel. En 2007, d'ailleurs, une proposition lui avait été faite pour animer une fête conjointe avec Ezzahi, mais Abdellah a refusé, arguant cela par le fait qu'il ne peut se mettre aux côtés de son «maître». Modestie quand tu nous tiens! Et pourtant, ces deux ténors ne se sont jamais rencontrés. La seule fois où Guettaf est allé à la rencontre d'Ezzahi, fut le jour où ce dernier était plongé dans un coma. Une courte visite, où les deux monstres sacrés n'ont échangé aucun mot, mais qui témoigne de la grandeur des deux hommes. Abdellah Guettaf est un exemple pour plusieurs jeunes, qui veulent suivre ses pas. Parmi eux, son neveu Abdelghani Azzouz, l'incontournable Nacer Merzouk, ainsi que le très talentueux Djamel Tadjine. Pour l'anecdote, quand ce dernier animait une soirée dans un endroit pas loin d'une autre (soirée) de Abdellah Guettaf, il écourtait la sienne pour aller assister à celle de son mentor.
Son neveu, Abbès Guettaf, l'a accompagné dans les dernières années de sa carrière à la percussion. «A voir les grands noms qui l'ont accompagné à la percussion, il n'était pas évident pour moi de prendre le relais. Dieu merci, j'ai réussi à le faire grâce surtout au Cheikh, qui ne cessait de me procurer de précieux conseils. Ce fut un grand homme», se remémore-t-il.
A l'adresse de ces jeunes, le conseil de Abdellah Guettaf était toujours le même; «il faut s'inspirer d'un aîné, mais sans pour autant l'imiter, chacun doit avoir un style propre à lui.» Afin de préserver son patrimoine, des fans de Abdellah Guettaf ont créé des groupes sur les réseaux sociaux où sont partagées quotidiennement ses oeuvres. «Cela permettra de faire découvrir ce grand homme à ceux qui n'ont pas eu le privilège de le connaître», affirme-t-on. Et ce sont des vieux, jeunes et moins jeunes qui apprécieront. Comme c'est le cas pour un abonné de l'un de ces groupes sur la Toile, qui, à 16 ans, excelle dans la collection des soirées animées par le défunt et demande souvent les explications des textes difficiles. Grand était Abdellah Guettaf, et grand il le restera. RIP!


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