Le procès tant attendu de l'affaire de l'intendante du lycée Zerrouki de Mostaganem a tenu toutes ses promesses, tant dans le fond, que dans la forme, grâce à la perspicacité d'un président, maîtrisant parfaitement son dossier. C'est à la suite d'une grève déclenchée par le corps enseignant du lycée Zerrouki pour la revendication et la régularisation de leurs salaires, que la directrice de cet établissement avait déposé plainte le 19/09/98, après avoir constaté que les fonds de l'établissement étaient épuisés. L'enquête diligentée par les services de police, les différentes instructions traitées par le parquet, les diverses expertises de l'IGF, ont fait ressortir un détournement de 31791947,80 DA, ce qui a conduit la chambre d'accusation, à enrôler cette affaire en matière criminelle, et B.Fatima principale accusée, et ses quatre complices devaient répondre aux faits qui leur étaient reprochés. A la barre, B.Fatima ne pouvait réfuter les faits qui lui sont reprochés, mais, par contre, elle ne reconnaît avoir détourné que la somme de 3500000 DA. L'intervention du président embarrasse l'accusée et éclaire davantage le tribunal: «comment justifiez-vous la provenance de 4618 g d'or? La facture d'achat d'un diamant de 18 carats pour la somme de 4200 000 francs français anciens? La panoplie d'accessoires électroménager de marque, dont 03 téléviseurs dont l'un est estimé à 20 millions? Plus de 140 retraits à vue de la somme de 20 millions chacun, et ce, à raison parfois de plusieurs retraits par jour?» L'accusée n'a pas trouvé mieux à déclarer qu'elle ne se souvient de rien. La directrice, A. A.Sekkoura, déclare être «étonnée des agissements de l'intendante, tout en se demandant la raison pour laquelle, 5 contrôles effectués au préalable par les services du Trésor, n'ont révélé aucune anomalie ; d'ailleurs l'accusée a bénéficié d'une promotion. Je ne suis ni de près, ni de loin concernée par ce détournement, d'ailleurs je n'ai aucun pouvoir de contrôle sur la gestion financière.» Quant à l'inspecteur des P et T, M. Meghoufel, il éprouve des difficultés à justifier le prêt de 40 millions reçu de la part de l'accusée et déclare avoir perçu cette somme en espèces, alors que l'accusée maintient lui avoir remis deux chèques. Le receveur G.Mustapha, réfute toute complicité, tout en donnant un large aperçu sur les opérations de mouvements de chèques, et les retraits à vue par terminal de la somme de 20 millions. L'agent des P et T, S.Mariem, avoue pour sa part avoir contracté un prêt de 10 millions de la part de l'accusée, sans contrepartie. L'inspecteur de gestion du ministère de l'Education (époux de la directrice du lycée) déclare que durant toute sa carrière, il n'avait pas eu affaire à un tel détournement. A la question de la défense «est-il réglementaire de contrôler votre épouse?» il répondit tout simplement «j'avais été appelé à vérifier l'intendante, et non la directrice, il nous a fallu plus de 10 mois pour découvrir le pot aux roses.» Une intendante, totalisant plus de 20 années de carrière, a mis en pratique ses responsabilités de gestionnaire en matière de manipulation d'argent en espèces qui ne doivent pas dépasser les 1500DA, les mouvements de chèques, qui doivent se faire de compte à compte. La responsabilité du directeur de l'établissement, qui est tenu de contrôler et vérifier la situation financière est engagée. Les rapports d'expertise présentés par l'IGF n'ont fait que ressortir d'une manière explicite les différentes opérations qui ont permis à l'accusée de détourner la somme de 32 millions de dinars. D'ailleurs explique, M.Ameur, le chef de brigade, ce détournement pourrait être évalué à 39 millions de dinars, mais certaines pièces justificatives font défaut. Le ministère public, après avoir donné un large aperçu sur les faits caractérisant la particularité de cette affaire, et mettant en relief les différentes expertises, requiert la perpétuité pour B.Fatima et 10 années de réclusion pour ses quatre complices. Me Ghobrini et Benattia, par une brillante plaidoirie, sont arrivés à éclairer davantage le tribunal sur l'absence de contrôle et de suivi, qui n'ont fait qu'encourager ce détournement. D'ailleurs l'absence de la partie civile (tutelle de l'éducation) fortement remarquée, en dit long sur cette affaire. Comment se fait-il que les contrôles opérés depuis 1988 n'aient donné lieu à aucune irrégularité? Le comble est qu' à la dernière inspection, l'accusée se voit octroyer la note de 16/20, et une promotion? La grande responsabilité n'est-elle pas à situer ailleurs? Ce corps de l'éducation est bien malade dira Me Ghobrini, 129 chèques ont été retirés, sans aucun soupçon. N'est-ce pas de la négligence avérée de la part des premiers responsables de ce secteur? Tout en plaidant coupable ces avocats ont démontré d'une manière magistrale, les facilités accordées à l'accusée par des complicités directes ou indirectes. La défense des 3 agents des P et T et de la directrice du lycée accusée de complicité a plaidé non coupable sollicitant l'acquittement pur et simple. Dix années de réclusion criminelle pour B.Fatima, deux années à l'encontre de l'inspecteur Maghoufel des P et T, et l'acquittement des trois autres accusés, tel a été le verdict prononcé par le tribunal criminel après délibération.