Dans son dernier numéro, la publication La voix du front, proche du parti dissous, appelle à la mobilisation générale en «élargissant la contestation à ceux qui sont en dehors de la mouvance islamiste». Le groupe londonien du FIS affirme, en outre, que le débat de la solution à la crise algérienne «réside dans la libération des deux chouyoukh, Abassi Madani et Ali Benhadj, et aucune concession ne doit être faite à leur sujet.» «Si le pouvoir veut réellement amorcer une sortie de crise, ajoute la publication londonienne du FIS, il doit impérativement engager un dialogue aussi bien avec l'aile militaire qu'avec l'aile politique», et quoi qu'il puisse en coûter «tous les militants affiliés au FIS doivent travailler de concert afin d'éviter aux services spéciaux de faire imploser le parti une seconde fois.» La voix du front invite tous les opposants au régime à se «joindre à la contestation» qui prend de l'ampleur jour après jour, tout en stigmatisant les dialoguistes et modérés du parti dissous, tels Rabah Kebir et Madani Mezrag, qui se sont «pliés au jeu du pouvoir» et qui «sont arrivés à une impasse politique évidente». Ainsi donc nous assistons à deux appels à la mobilisation générale, qui se placent aux antipodes l'un de l'autre, voire sont dirigés de manière ostentatoire l'un contre l'autre. D'un côté, nous avons droit, depuis quelques mois, à la mobilisation de la mouvance, dite démocrate, regroupée en conglomérat de six partis et mouvements politiques, dont le RCD, le FM, le CCDR, le MDS, l'ANR, etc. Ce conglomérat avait appelé, rappelons-le, à faire front commun contre ce qu'il qualifie de «retour fulgurant de l'islamisme». Il y a trois jours, le général Khaled Nezzar, un des responsables de l'arrêt du processus électoral et promoteur de la dissolution de l'ex-FIS, a appelé ouvertement «ceux qui ont applaudi» en janvier 1992, à se mobiliser aujourd'hui, pour «faire face au retour de l'islamisme par le biais de Souaïdia, Samraoui, le Maol, l'Internationale socialiste et tous ceux qui les manipulent». Face à cette flambée du «discours démocrate radical», il y a une véritable flambée terroriste qui est en train de (ré) instaurer un climat de tension extrême dans l'Ouest du pays, en même temps qu'un retour remarquable des islamistes modérés au premier plan de la scène médiatique. Cette neutralisation des uns et des autres peut servir, ou ne pas servir le pouvoir, en ce sens qu'elle peut permettre un jeu d'équilibre, un partage des rôles, ou même un rapport de force qui maintiendrait les choses en l'Etat. Toutefois, ce jeu, à la limite du diabolique, peut amener le terrorisme à faire parler de lui en commettant encore le plus d'assassinats possible de citoyens. Cette tendance peut pousser tout le monde vers une situation telle qu'elle déboulonnerait l'Etat par se fondements. Il est clair que la levée de boucliers des deux forces antagonistes obéit à cette logique qui veut que, pour l'Algérie, le choix doit être uniforme, unilatéral et hégémonique.