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«Matoub Lounès a tant aimé sa patrie»
Yacine Hebbache (écrivain)
Publié dans L'Expression le 24 - 06 - 2020

L'Expression: De tous les grands artistes, pourquoi avoir choisi Matoub Lounès pour l'écriture de votre premier essai?
Yacine Hebbache:
Simplement parce que Matoub est un artiste pas du tout comme les autres. Son génie créateur, son franc-parler et sa voix magique le placent haut dans la catégorie des artistes exceptionnels. Matoub est plus comparable à un personnage bigarré d'un roman ou d'une tragédie qu'à un artiste banal. Ses productions artistiques, ses sorties tapageuses, ses malheurs, ses discours, ses noces, ses divorces, etc. ont fait de lui un phénomène poétique, musical, politique et social. Si sa vie a les allures d'une tragédie romanesque, son oeuvre est abondante à la fois de beauté et de colère, d'imagination et de vérité historique. C'est une sorte de poésie-vérité où sont réunis en même temps son talent incontestable et son courage proche de la témérité. C'est en partant de certaines problématiques qu'il m'a semblé nécessaire d'écrire ce livre.
Avant d'écrire ce livre, quel est le genre de questions que vous vous posiez sur le Rebelle?
Depuis déjà longtemps je me posais beaucoup de questions le concernant: «Quels sont les secrets de sa personnalité emblématique? Dans quel contexte sociopolitique il a vécu, a évolué, a émergé pour devenir le personnage qu'il est? Quelles sont les conditions de mise en oeuvre de ses chansons-poèmes? Quelles sont les origines de sa légende exceptionnelle? Pourquoi et comment est-il devenu un mythe?.» C'est pour essayer de répondre à ces questionnements que j'ai écrit ce livre...
En décidant d'écrire ce livre, n'avez-vous pas eu des appréhensions compte tenu de la stature exceptionnelle de Matoub Lounès, mais aussi à cause de la complexité du personnage?
On ne peut pas ne pas avoir cette sorte de crainte mêlée à une sorte de plaisir quand on aborde un personnage aussi emblématique que le Rebelle. Ecrire un livre sur Matoub n'est pas une mince affaire, a fortiori pour ceux qui ne l'ont pas côtoyé de près. Au début, l'idée peut paraître facilement réalisable. Mais la difficulté commence justement lorsqu'on entame un tel projet. C'est juste pour dire que l'idée de ce livre m'a tout le temps paru belle aventureuse, captivante mais pénible. N'ayant que 18 ans lorsqu'il a été assassiné, je n'ai jamais connu Lounès que par ses oeuvres. Cependant, j'étais depuis l'enfance bercé par ses chansons, chose qui m'a permis de connaître par coeur presque tout son répertoire. J'ai presque cessé de l'écouter maintenant. C'est de l'intérieur que je l'entends chanter. Ces chansons sont en moi, et je les chantonne partout et assez souvent. «Dans quel style d'écriture dois-je élaborer mon exposé? Comment enrichir l'analyse des textes matoubiens? Comment décortiquer les facettes multiples de sa personnalité complexe? Que dois-je apporter de nouveau dans mon travail?» Voilà les questions qui m'ont profondément tracassé.
Qu'est-ce qui vous marque le plus chez Matoub Lounès?
Lorsqu'on est traversé par un tel poète, tout devient marquant chez lui. Si l'art de Lounès fascine, sa personnalité méduse. Si sa spontanéité et son franc-parler ne laissent personne indifférent, sa sensibilité à fleur de peau bouleverse. Sa façon de voir le rôle de l'artiste et sa manière de transmettre son éternel cri de révolte forcent l'admiration. On ne peut pas l'admirer sans admirer en lui l'audace et la générosité... Ce sont là quelques caractères qui m'ont vraiment marqué chez Matoub. Il y a aussi une chose très importante: sa mort. Sa mort à la fois tragique et héroïque est fascinante. Maintenant Matoub est dans l'Histoire même. À jamais il sera proverbial dans les annales de l'honneur et de la bravoure. Ses chants sont devenus des refrains repris sur toutes les lèvres. Je crois que ses vers d'or et de feu, pleins de beauté et de poésie, ses vers faits de génie, ne seront jamais les derniers débris d'une langue vieille de la vieillesse de l'Humanité. Matoub a tant aimé sa patrie et sa patrie a fait de lui un grand poète.
Qu'est-ce qu'on retrouve chez Matoub Lounès l'artiste-poète et qu'on ne retrouve pas chez un autre?
C'est là une occasion pour exposer un des points les plus importants de mon ouvrage. Je vais vous répondre par les éléments ou les traits qui se sont réunis en le personnage de Matoub et qui l'ont prédestiné à devenir un «mythe». Ces éléments, bien entendu, on ne les trouve pas aisément chez un autre. Dès le début de sa carrière artistique, Matoub donnait déjà des signes avant-coureurs d'une légende à venir. Assassiné à l'âge de 42 ans, à l'apogée de sa puissance artistique et intellectuelle, sa musique a atteint un degré de performance très élevé et ses textes poétiques ont obtenu une valeur poétique inestimable. À mon sens, avant de mourir, il a pu et su réunir en lui tous les éléments de base qui vont le consacrer très rapidement dans la galerie des mythes et des héros. Les voici brièvement. Premièrement, le génie précoce et la force intérieure: très jeune encore, Matoub Lounès a fait preuve d'une force intérieure énorme. Son génie poétique précoce associé à son courage exceptionnel lui ont assuré une ascension prodigieuse vers les hautes sphères de la grandeur. Deuxièmement, le courage légendaire et le désir de se sacrifier héroïquement pour son idéal: en effet, c'est cette intelligence unique et ce courage mythique qui ont fait grandir en lui ce désir brûlant de se sacrifier pour ses idéaux. Troisièmement, la non-délimitation de parcours dans l'espace et dans le temps: comme tous les héros que l'humanité a connus à travers les siècles, le passage de Matoub sur la terre semble se situer au-delà de toute délimitation de parcours. Et c'est ainsi que son combat, comme sa vie d'ailleurs, se situe dans l'éternité, et non sur une temporalité terrestre. Quatrièmement, l'invincibilité du héros après sa mort: comme tous les grands de ce monde, la vie de Matoub se prolonge à travers son combat et son oeuvre. C'est parce qu'il a été au coeur de tous les combats démocratiques que notre artiste est aujourd'hui inoubliable, invaincu, invincible. Et enfin cinquièmement, la mort prématurée et la naissance de la légende: c'est justement à ce moment précis qu'on liquide physiquement le héros, que sa légende naît pour s'incruster à jamais dans la mémoire de l'humanité. Les hommes comme Matoub Lounès ne peuvent pas mourir. Le 25 juin 1998, jour de l'assassinat de «Matoub le mortel» est le jour de la naissance de «Matoub l'immortel».
Plus de vingt ans après son assassinat, Matoub reste le chanteur kabyle le plus populaire, pourquoi d'après vous, cette longévité?
Simplement puisqu'«il chante tout haut ce que ses frères ressentent tout bas». Ses fans savent que leur idole est un orfèvre du verbe et un compositeur hors pair. Un verbe original et subversif bien entendu et une composition musicale chaâbie singulière. À mon avis, la notoriété de Matoub est tirée de deux choses principales: l'impeccable maîtrise de son art, d'une part. D'autre part, de la persévérance dans son engagement. Lounès a réussi à porter le message du déni identitaire sur tout le vaste territoire de l'amazighité et de par le monde tout entier. Matoub Lounès est à jamais vivant parmi nous puisqu'il a réussi la transmission de son idéal, de son rêve, de son espoir, de son combat... Quelqu'un a dit que «Jupiter meurt et l'hymne du poète reste». Lounès est un poète éternel puisque simplement génial. Ses chansons ont irrigué toute une génération et son engagement sert d'exemple à tous les patriotes. Son passage sur notre pays était trop court certes, mais féroce et indélébile.
Aujourd'hui, il est clair que Matoub Lounès est un symbole pour une grande partie de la jeunesse kabyle, et pas seulement, puisque tous ceux et toutes celles qui sont épris de liberté le revendiquent à travers le monde. Comme Jugurtha et Abane, Matoub est un héros national. Il est un exemple de dévouement, de fidélité à la terre de ses ancêtres. Un exemple à la fois de grandeur et de modestie. Un poète-chanteur révolutionnaire au vrai sens du mot.


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