Conversant avec les jeunes entrepreneurs au Centre international des conférences, le président de la République a lourdement insisté sur la lutte contre la bureaucratie. Sans doute très au courant des pratiques condamnables dont se rendent coupables beaucoup d'administratifs, le chef de l'Etat sait que la fin de la bureaucratie ne se décrète pas. Abdelmadjid Tebboune a dit franchement son aversion des embûches qu'on met sur le chemin des opérateurs économiques. Il l'a certainement dit plus que n'importe quel président avant lui. Il ne s'est pas suffi de coucher sa condamnation de la bureaucratie sur un discours officiel. Il l'a franchement dit, devant les caméras, dans la langue du peuple. Le monstre bureaucratique, qui a survécu à toutes les tentatives de destruction, n'a pas dit son dernier mot. Les milliers de petits fonctionnaires, chacun dans son coin, n'ont peut-être pas conscience du mal qu'ils font à l'économie nationale en mettant un temps fou pour délivrer une autorisation ou encore en faisant balader les investisseurs d'un guichet à l'autre, jusqu'à les épuiser. Mais dans le lot, il en est qui usent des lourdeurs pour se faire de l'argent. C'est connu que la bureaucratie se nourrit de la corruption et l'inverse est aussi vrai. On peut, sans trop de risques de se tromper, affirmer qu'il y a une part de criminalité économique dans la bureaucratie. Et c'est la faune de bureaucrates corrompus qui représente l'ennemi de l'Algérie d'aujourd'hui. Si le chef de l'Etat a insisté auprès des jeunes sur sa détermination à combattre le monstre, c'est qu'il est très au courant de l'enjeu de l'heure. La situation financière du pays ne lui laisse pas le luxe d'un autre échec dans la guerre contre la corruption et la bureaucratie. L'Algérie doit absolument transformer son essai, dans cette dynamique de relance insufflée par le chef de l'Etat. Il a, d'ailleurs, toujours défendu le principe qui veut que le pays n'a pas besoin de recourir à l'endettement extérieur, ni la production monétaire. Sans pétrole et sans planche à billets, l'Algérie a tous les moyens de s'en sortir et vite. Mais il reste un terrible monstre à abattre. Et même s'il s'attendait certainement à ce que les actions dans les zones d'ombre connaissent des ratés, il a mesuré, à cette occasion, la puissance de la bureaucratie. Tenir tête à la parole présidentielle est, en soi, une démonstration de la force de nuisance de la nébuleuse. Aussi, en changeant de ton et en infligeant des sanctions à des bureaucrates «pris la main dans le sac», le chef de l'Etat a engagé le bras de fer. Les projets dans les zones d'ombre avancent et continuent à faire face à des comportements nuisibles, mais la guerre est bel et bien engagée. Et cette fois, le général en chef n'est pas un ministre, mais le président de la République lui-même, qui va chercher ses armes dans l'allègement des procédures: les jeunes entrepreneurs n'auront plus besoin d'attendre des mois pour démarrer leur projet. Une simple déclaration suffira. Le bureaucrate corrompu perd là, un levier de sa puissance. Plus que cela, et on l'aura largement constaté, le président de la République ne se contente pas de donner des instructions. Il arrête des échéance précises et rapprochées. Il a commencé à le faire avec ses ministres. Les cahiers des charges sur l'importation de véhicules neuves, l'étude du port-Centre et bien d'autres dossiers ont été ficelés en temps et en heure. Avant-hier, il a fixé un délai de deux mois pour traiter tous les blocages rencontrés par les «startuppers» à l'échelle de tout le pays. Cette manière d'agir relève clairement d'une stratégie qui se veut offensive. Il est vrai qu'on ne peut obtenir des résultats instantanément, et le président de la République le sait parfaitement, mais son attitude met la pression sur l'administration et pousse le monstre bureaucratique vers ses derniers retranchements. La guerre sera certainement difficile, mais elle devra absolument être courte. Le temps joue contre le pays. Il est urgent de libérer, en quelques mois, de larges espaces, actuellement, sous emprise de la bureaucratie. Et c'est tout le sens du discours présidentiel qui a conscience que l'Algérie est en course contre la montre. Le pays dispose des compétences humaines et des richesses naturelles pour prendre son envol, mais à condition de se délester du poids de la bureaucratie criminelle.