Le blocus des champs pétroliers aura duré trois mois mais la Compagnie nationale de pétrole libyenne (NOC) a annoncé, hier, la reprise des exportations de brut depuis deux terminaux, marquant un très léger et très incertain dégel dans la crise politique qui secoue le pays. Dans son communiqué, la société a indiqué «la levée de l'état de force majeure sur les terminaux de Marsa Brega et Zouetina», au nord-est du pays. «Le tanker Ebla est en route pour aller charger des hydrocarbures», a-t-elle souligné, laissant entendre qu'elle met fin à la situation de «force majeure» décrétée chaque fois que les exportations de brut sont bloquées par les nombreuses milices qui dictent leur volonté. Cette mesure permet à la NOC dans de telles conditions exceptionnelles de se dédouaner de toute responsabilité pour le non-respect des contrats de livraison de pétrole. Fin juin, elle a estimé les pertes libyennes à plus de 3,5 milliards de dollars à cause de ces fermetures brutales, depuis mi-avril, de sites pétroliers majeurs, dont Marsa Brega et Zouetina. «Au cours des derniers jours, des contacts avec les gardes des installations pétrolières et le président de la commission de l'énergie au Parlement (...) ont abouti à la conviction qu'il est nécessaire de reprendre les exportations d'hydrocarbures», a par ailleurs assuré le patron de la NOC, Mustafa Sanalla, dans le communiqué de la société pétrolière libyenne. Les fermetures sont le fait de milices armées relevant de l'armée autoproclamée nationale du maréchal Haftar et agissant pour le compte des responsables de l'est (Benghazi et Tobrouk). En avril dernier, leur exigence concernait le transfert du pouvoir au profit du gouvernement de Fathi Bachagha, cantonné à Syrte après le refus du chef du gouvernement rival basé à Tripoli, Abdelhamid Dbeibah, de se retirer. Qui plus est, un différend est intervenu entre Mustafa Sanalla, patron de la NOC, et le ministre du Pétrole et du Gaz du gouvernement Dbeibah, Mohamad Aoun, une querelle qui n'a pas manqué d'influer sur le vecteur le plus sensible de l'économie libyenne à un moment où Sanalla demeure l'interlocuteur privilégié des partenaires étrangers de la Libye en matière d'énergie. Cela fait plusieurs mois, en effet, que Mohamad Aoun tente de le limoger mais sans succès au grand dépit de son successeur désigné, un dirigeant de la banque libyenne Farhat Bengdara, que Dbeibah a effectivement investi par décret. Le contexte est d'autant plus équivoque que le Premier ministre investi par le Parlement en mars dernier, Fathi Bachagha, a annoncé, récemment, qu'il entrera avec son équipe gouvernementale dans la capitale «dans les prochains jours». Le processus parrainé par l'ONU bat de l'aile et tous les ingrédients d'un rebond critique de la crise se profilent pour un peuple libyen de plus en plus exaspéré par le blocage systématique du processus de sortie de crise.