Bola Ahmed Tinubu a prêté serment hierpour devenir le nouveau président du Nigeria, pays le plus peuplé d'Afrique empêtré dans le marasme économique et une grave insécurité. Agé de 71 ans, le dirigeant d'ethnie yorouba, originaire du sud-ouest du pays, est du même parti que le président sortant Muhammadu Buhari. Cet ancien général de l'armée de 80 ans, un peul du Nord, se retire après deux mandats, comme le prévoit la Constitution, et un bilan jugé très décevant. La victoire de Tinubu à la présidentielle du 25 février est contestée en justice par les deux principaux candidats de l'opposition, Atiku Abubakar et Peter Obi, qui dénoncent des fraudes massives du parti au pouvoir. Surnommé «le faiseur de rois» ou «le parrain», du fait de son immense influence politique, Tinubu avait fait campagne en soulignant que c'était «son tour» de diriger la première économie du continent. Il avait mis en avant son expérience à la tête de Lagos, locomotive du Nigeria, qu'il a gouvernée de 1999 à 2007. Nombreux sont ceux qui affirment que cet habile homme politique et d'affaires a contribué à moderniser et sécuriser la capitale économique de 20 millions d'habitants. Ils espèrent qu'il aura un impact similaire sur le reste du pays. Mais l'ascension du nouveau président a aussi été marquée par maintes accusations de corruption, sans qu'il soit jamais condamné et qu'il a toujours niées. Sa santé est également un sujet de préoccupation. La première élection du sortant, Muhammadu Buhari, en 2015, avait suscité un grand espoir, lui qui promettait de mettre fin à la corruption et l'insécurité rampante. Mais il a a largement déçu. Après huit années au pouvoir, il laisse le Nigeria en proie à d'immenses difficultés économiques (inflation à deux chiffres, explosion de la dette et de la pauvreté) et aux violences massives de groupes terroristes et criminels. Sa présidence a montré «qu'il était possible pour un individu perçu par beaucoup comme incorruptible de diriger une administration qui est néanmoins définie par la corruption et l'incompétence», selon le chercheur Ebenezer Obadare, du groupe de réflexion Council on Foreign Relations, basé à Washington. Les deux hommes diffèrent en termes de style et de réputation, mais ils présentent également des similitudes: tous deux sont musulmans dans un pays divisé entre chrétiens et musulmans, et tous deux ont un âge avancé. Durant ses deux mandats, Buhari s'est rendu à plusieurs reprises au Royaume-Uni pour raisons médicales, tandis que Tinubu a passé du temps à l'étranger pendant la campagne électorale et avant son investiture. Avec les spéculations sur sa santé, les regards se sont tournés vers le futur vice-président Kashim Shettima, ancien gouverneur de l'Etat de Borno (nord-est) âgé de 56 ans. L'un des principaux défis du Nigeria, riche en pétrole, est qu'il échange du brut valant des milliards de dollars contre du carburant importé (en raison des défaillances de ses raffineries) et subventionné. Cette situation a entraîné une énorme perte de revenus et de devises, contribuant à l'explosion de la dette. Selon la Banque mondiale, plus de 80 millions des 215 millions de Nigérians vivent en dessous du seuil de pauvreté. Les Nations unies ont prévenu que plus d'un quart d'entre eux seraient confrontés à un risque élevé d'insécurité alimentaire cette année. Le géant anglophone a beau être l'un des plus dynamiques du continent, notamment grâce à sa florissante industrie culturelle (entre Nollywood et l'Afrobeats, genre musical qui enflamme la planète), il fait aussi face à une grave fuite des cerveaux. Une autre priorité sera de lutter contre l'insécurité, quasi généralisée.