Abou Mohammad al-Jolani, le chef islamiste de la coalition rebelle à l'origine d'une offensive fulgurante en Syrie qui a provoqué, selon ses combattants, la chute, hier, du président Bachar al-Assad, est passé d'un vocabulaire «intégriste» à une parole qui se veut modérée pour parvenir à ses fins. Grand, bien charpenté, une barbe noire et l'oeil vif, Jolani a abandonné progressivement le turban des terroristes dont il se coiffait au début de la guerre en 2011 pour un uniforme militaire et parfois pour un costume civil. Depuis la rupture avec al-Qaïda en 2016, il tente de lisser son image et de présenter un visage plus modéré, sans trop convaincre les analystes ou encore les chancelleries occidentales qui classent HTS comme un groupe terroriste. Les Etats-Unis ont qualifié le groupe d'organisation terroriste. Cette désignation est toujours en vigueur et le gouvernement américain a mis à sa disposition une prime de 10 millions de dollars. Né en 1982, Ahmed al-Chareh, vrai nom de Jolani, a grandi à Mazzé, un quartier cossu de Damas, dans une famille aisée. Et il a commencé des études de médecine. Dans la foulée de l'offensive rebelle lancée le 27 novembre, Jolani a commencé à signer de son vrai nom. En 2021, il accorde sa première interview à un journaliste américain sur PBS. Vêtu d'un blazer et les cheveux courts plaqués en arrière, le leader désormais retenu du HTS a déclaré que son groupe ne représentait aucune menace pour l'Occident et que les sanctions imposées à son encontre étaient injustes. «Oui, nous avons critiqué la politique occidentale», a-t-il déclaré. «Mais mener une guerre contre les Etats-Unis ou l'Europe depuis la Syrie, ce n'est pas vrai. Nous n'avons pas dit que nous voulions nous battre.» Il a expliqué dans cette interview que son nom de guerre, Abou Mohammed al-Jolani, était une référence à ses origines familiales dans les hauteurs du Golan (al-Jolan en arabe). Selon lui, son grand-père a été déplacé du Golan après la conquête en 1967 par l'entité sioniste d'une grande partie de ce plateau syrien. D'après le site Middle East Eye, c'est après les attentats du 11-septembre que «les premiers signes de radicalisme commencèrent à apparaître dans la vie de Jolani, lequel commença à assister à des sermons et des tables rondes secrètes dans les banlieues marginalisées de Damas». Après l'invasion américaine de l'Irak en 2003, il part combattre dans ce pays voisin de la Syrie, où il rejoint le groupe al-Qaïda en Irak d'Abou Moussab al-Zarqawi avant d'être emprisonné durant cinq ans. Après le Printemps arabe, il rejoint son pays natal pour y fonder le Front al-Nosra, qui deviendra HTS. En 2013, il refuse d'être adoubé par Abou Bakr al Baghdadi, futur chef de l'EI, et lui préfère l'émir d'al-Qaïda, Ayman al-Zawahiri. Réaliste selon ses partisans, opportuniste selon ses adversaires, il affirme en 2015 ne pas avoir l'intention de lancer des attaques contre l'Occident, contrairement à l'EI. Lorsqu'il rompt avec al-Qaïda, il dit le faire pour «ôter les prétextes avancés par la communauté internationale» d'attaquer son organisation. En 2017, il impose aux terroristes radicaux du nord de la Syrie, une fusion au sein de HTS. Il met en place une administration civile et multiplie les gestes envers les chrétiens dans la province d'Idleb (nord-ouest) que son groupe contrôle depuis deux ans. C'est là où HTS avait été accusé par des habitants, des proches de détenus et des défenseurs des droits humains, d'exactions qui s'apparentent, selon l'ONU à des crimes de guerre, provoquant des manifestations il y a quelques mois.