Quelle était agréable, cette matinée du deuxième jour de Ramadan 1446, lorsqu' au détour d'un virage à El Biar-centre nous tombâmes, nez à nez avec Me Khaled Achour, ancien président de la deuxième plus importante cour du pays, en l'occurrence, El Bahia. Ce juge exemplaire, celui-là même qui allait faire l'objet d'une machination de la chancellerie, et tomber de très haut, avec son ami et collègue, Med Azrou, procureur général. En effet, nous étions en 2006, lors du fameux procès qui vit l'ancien wali d'Oran, comparaître avec une demi-douzaine d'autres cadres locaux pour malversations et autre accusations coupantes. À une question de la présidente du tribunal criminel d'Alger, l'accusé principal Bachir Frik, acculé dans ses derniers retranchements par une juge «remontée» au plus haut point par qui vous savez, finit par cracher devant une assistance qui restera bouche bée, qu'en sa qualité de 1er responsable de la wilaya, il pouvait accorder un logement à tout cadre méritant, sans aucun complexe. -À tous les responsables? Vous êtes sûr de ce que vous avancez? Reprit, avec une arrogance sans pareille, la présidente du tribunal criminel qui allait amener l'accusé là, où elle voulait arriver! -Oui, Madame la présidente. J'ai logé pratiquement tous les hauts cadres qui donnaient satisfaction. -Par exemple? lança la magistrate, qui écouta l'accusé égrener les noms de bénéficiaires, avant de marteler: «Même les magistrats! -Ah, bon, quels magistrats, par exemple? Poussa la présidente. -Et je parle des chefs de la cour d'Oran! Jeta, froidement, dans une salle d'audiences pleine à craquer, comme un oeuf, Bachir Frik, le détenu. De là où nous étions, nous avions remarqué la grimace faite par l'incomparable procureur général, Abdelghafour Kahoul, comme pour reprocher à la collègue d'avoir poussé un peu trop loin le bouchon! Le soir même, les deux excellents magistrats furent priés de plier bagage, et rejoindre leurs domiciles, jusqu'à ce que le conseil de la magistrature frappe! Et si Mohamed Azrou fut reprit à la Cour suprême, Khaled Achour, lui, claqua définitivement la porte de la magistrature, préférant enfiler l'autre «robe noire», celle de la défense, qu'il continue à près de ses quatre- vingts piges, de fréquenter, avec son allure de jeune premier, svelte, sportif, et éternellement jovial, à telle enseigne que Mohamed Azrou, en retraite, le rejoignit en son cabinet dans la ville des «Roses», pour former un sacré duo de magistrats-avocats-au seul service - de la vraie justice!!!