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La censure, les ciseaux et le porte-plume
FAUT-IL TOUT DIRE?
Publié dans L'Expression le 26 - 04 - 2007

Mostéfa Lacheraf allait s'installer à Paris avant de rentrer au bercail quand de nouveaux censeurs chassèrent et emprisonnèrent pour délit d'opinion d'autres écrivains et hommes politiques: Mohamed Harbi, Mohamed Boudia, Mourad Bourboune, Hocine Zahouane.
Yasmina Khadra avait dénoncé, dernièrement, très violemment, les cas de censure dont seraient l'objet ses romans en Algérie, notamment L'Attentat et Les sirènes de Bagdad. Qu'en est-il au juste de ce phénomène qui a toujours marqué les lieux diserts de la culture de l'ordinaire?
La censure a toujours marqué le paysage culturel et politique. L'Algérie a connu les lieux malfamés de cette pratique qui affadit l'homme et réduit l'espace culturel et politique à des espaces prompts au garde-à-vous. Ces derniers temps, les langues commencent à se délier, à travers une «réhabilitation» paradoxale de Ben Bella, pour évoquer un 19 juin qui ne fut, en fin de compte qu'un simple putsch pour une question de pouvoir faisant écrire et dire aux uns sans convaincre les autres qu'il s'était agi d'un «sursaut» ou d'un «redressement» révolutionnaire alors que la Révolution avait, depuis longtemps, pris la clé des champs en broyant ses propres acteurs. Mais la censure a toujours été présente, déjà bien avant l'indépendance, avant qu'elle reprenne du service après 62 sous les différents gouvernements.
Il n'est nullement possible de parler de livre sans évoquer la question de la censure qui traverse le paysage culturel national avant et après l'indépendance. Déjà, avant 1962, toute parole différente était considérée comme subversive, à tel point que les journaux parisiens étaient souvent interdits d'entrée parce que considérés comme peu recommandables. La colonisation freinait toute voix autonome. Des pièces étaient interdites, des livres édités à Paris n'étaient même pas en vente à Alger, la langue arabe était indésirable. On pensait qu'une fois, l'indépendance acquise, les choses allaient changer. Au Congrès de Tripoli, les forts en gueule arrêtaient les autres comme on avait orienté les débats futurs qui ne pouvaient quitter les arcanes du conformisme idéologique dominant.
Normal!
Les rédacteurs de la Charte de Tripoli balisaient le terrain. Cette nouvelle situation allait être fatale à certains intellectuels qui durent quitter le pays. Mostéfa Lacheraf allait s'installer à Paris avant de rentrer au bercail quand de nouveaux censeurs chassèrent et emprisonnèrent pour délit d'opinion d'autres écrivains et hommes politiques: Mohamed Harbi, Mohamed Boudia, Mourad Bourboune, Hocine Zahouane, membre du bureau politique du FLN, qui avait refusé de faire partie, après le coup d'Etat de Boumediene, d'un Conseil de la révolution qu'il considérait comme illégal et factice.
A l'époque, personne ne parlait de multipartisme. Les organes de presse animés par Mohamed Harbi (Révolution Africaine) ou Abdelhamid Benzine et Boualem Khalfa (Alger-Républicain) ou même Mohamed Boudia (Alger ce soir) apportaient, certes, une information de qualité, mais évitaient royalement de suggérer une quelconque tendance au multipartisme. Mais il faut reconnaître que ces journaux étaient dirigés par de véritables intellectuels. Bachir Boumaza, alors ministre de l'Information veillait au grain.
Pour une simple inversion de légendes, le quotidien Alger ce soir paya un prix très fort: sa liquidation. D'ailleurs, le PRS de Boudiaf ou le FFS de Aït Ahmed n'avaient pas pignon sur colonnes de la presse. Même un débat sur la culture nationale, parti d'une interview de Lacheraf dans Les Temps modernes, reproduite par Révolution Africaine, grâce à Mohamed Harbi, aurait été arrêté sur instruction de Ben Bella.
Aucun membre de l'équipe de cet hebdomadaire n'avait protesté contre cet affligeant cas de censure. Celle-ci était considérée comme normale. Le coup d'Etat de 1965 allait asphyxier la scène culturelle et médiatique. De nombreux intellectuels ont quitté le pays. D'autres se sont tus ou ont continué à éditer leurs oeuvres à l'étranger. Mais malgré ce malaise, certaines résistances marquaient le terrain. Révolution et Travail, organe central de l'Ugta a connu une suspension d'une année en 1968. Le secrétaire général de la Centrale syndicale était écarté par la suite et interdit de parole.
C'étaient de véritables années de plomb. La peur côtoyait l'impuissance. Il n'était même pas possible d'écrire et de s'exprimer dans la presse étrangère et française en particulier. Le quotidien Le Monde ne pouvait, au nom de la défense des libertés individuelles en Algérie, s'offrir le luxe de perdre un marché aussi juteux (plus de 20.000 exemplaires diffusés quotidiennement). Afrique-Asie, dirigé par Simon Malley était, lui aussi, se cachant derrière une vulgate «révolutionnaire», trop gâté à Alger pour pouvoir laisser libre cours à des plumes algériennes non conformistes. Jeune Afrique de Béchir Ben Yahmed n'a changé de discours qu'en 1975 quand il a pris position en faveur du Maroc dans le conflit du Sahara occidental. Cet hebdomadaire devenait d'ailleurs suspect. Le grand écrivain, Mourad Bourboune, dut, quelques années plus tard, claquer la porte de ce journal trop marqué politiquement. Aujourd'hui, cet hebdomadaire a subitement encore changé d'oripeaux pour retrouver ses lecteurs d'Alger. Est-ce innocent ou une affaire de gros sous marquée du sceau d'une communication chèrement payée?
Le terrain était donc miné. Même les «politiques» semblaient étouffés. Chérif Belkacem et Kaïd Ahmed, anciens patrons de l'appareil du FLN et grands adeptes du parti unique, prenaient leurs valises pour s'installer dans l'opposition. Ils se trouvaient ainsi, eux aussi, victimes de la censure. Kaïd Ahmed se mettait à s'attaquer à son ancien compagnon, Boumediene à partir du Maroc alors qu'on disait de Chérif Belkacem qu'il aurait sorti un ouvrage censuré à l'époque grâce à l'intervention d'Alger, Les Folles nuits d'Alger. D'autres anciens ministres ont pris la direction de Paris ou de la Suisse. Le censeur est censuré à son tour.
La presse connaissait des moments difficiles. Toute velléité d'autonomie était bloquée. Ce qui avait condamné beaucoup de journalistes au silence ou au départ.
Mais, malgré cette dure situation, des plumes, quelque peu libres, arrivaient à s'exprimer alors que la grande partie des journalistes, souvent sans titre, se prenaient pour des militants politiques reproduisant à longueur de colonnes le discours politique officiel chantant la révolution agraire, la gestion socialiste des entreprises et la médecine gratuite et délaissant royalement la fonction sacrée du journalisme: informer. Belaïd Abdesslam disait dans ses entretiens avec El Kenz et Bennoune qu'il ne lui était pas permis de répondre à ses détracteurs dans les journaux de l'époque où il était ministre de l'Industrie et de l'Energie. Il était tellement absurde ce moment où El Moudjahid ou Echaâb répondaient dans leurs journaux à des articles que les lecteurs n'avaient pas la possibilité de lire. Tout écrit considéré comme suspect condamnait le journal étranger au pilon.
La télévision est le lieu par excellence où s'opère une censure extrêmement dure. C'est ainsi que les responsables de la télé ont transformé une expression d'un citoyen «ma ranach m'lah» en «rana m'lah» en supprimant tout simplement au montage «ma» et «ch». Tout propos considéré comme peu élogieux à l'endroit du président est supprimé. Ainsi, les mêmes responsables qui faisaient les éloges de Boumediene ont effacé son visage pendant de longues années.
Ils le font aujourd'hui pour Chadli qui disparaît ainsi du petit écran après avoir été l'artisan de la disparition de l'image de son prédécesseur. C'est l'arroseur arrosé. Baâziz a surpris tout le monde en chantant en direct une chanson censurée. Aujourd'hui, ce média lourd, fermé à toute parole différente, vit en vase clos réduisant son journal télévisé aux défilés protocolaires et aux visites ministérielles.
Même la presse «privée», souvent piégée par la singularité de sa situation, n'est pas épargnée par la censure. Même ses prises de position sont empreintes d'un trop plein de subjectivité omettant souvent la parole de l'autre. Cette manière de faire participe de l'effacement d'une source importante dans la recherche de la «vérité». Ce qui est assimilé à une véritable censure. Omettre un fait, c'est tout simplement mentir, c'est-à-dire, orienter sciemment l'information. La censure est-elle obligatoire pour raison morale? La question n'est pas encore tranchée. Chacun défend, avec arguments à l'appui, son point de vue. Les choses ont fondamentalement changé par rapport au passé où il n'était même pas question de parler librement de sujets simples. En 1986, un journaliste ayant couvert les événements de Constantine dans Révolution Africaine avait été descendu en flammes par El Moudjahid, Echaab, L'Unité et An Nasr. Il lui était ainsi demandé par ces journaux de censurer l'événement. Un rédacteur en chef d'Algérie-Actualité a été dégommé en 1984 à la suite des manifestations de lycéens à Oran. La liste est longue.
Si la presse vivait une situation angoissante, le monde de l'édition et de l'art connaissait les mêmes réalités. Ainsi, de nombreux écrivains ont été obligés de quitter le pays pour fuir la censure. D'ailleurs, de nombreux auteurs algériens censurés ne pouvaient pas entrer dans le pays. Les livres édités à l'étranger étaient interdits de vente. La Sned veillait au grain. Certes, Tahar Djaout, Rachid Mimouni et Mohamed Mouleshoul publièrent leurs premiers romans dans cette maison mais finirent par la quitter. Le livre de Mimouni Le Fleuve détourné avait été refusé par la Sned avant de connaître un extraordinaire succès de librairie, une fois édité en France chez Laffont. Beaucoup d'écrivains ont été obligés d'éditer leurs oeuvres à l'étranger. Des ouvrages furent carrément censurés comme le recueil de poésie (en arabe) de Abdelali Rezagui, Pérégrinations d'un homme nommé Abdelali. Un journaliste d'un hebdomadaire algérien est allé jusqu'à réclamer l'interdiction d'un ouvrage du poète en langue arabe, Mostafa Ghomari, parce qu'il ne correspondrait pas, selon lui, à la Charte nationale. Au Festival de Mostaganem, les organisateurs avaient mis à la porte en 1975-76 une troupe de Constantine, «Layali Cirta», pour des raisons absurdement «politiques», «en contradiction avec le discours politique du festival», disaient-ils. D'ailleurs, cette rencontre ressemblait dans les années 70 beaucoup plus à une tribune politique qu'à un espace de performances artistiques.
Quelques années après, le FLN chassa de Mostaganem des troupes considérées comme subversives pour imposer son fameux article 120, un véritable coup de massue à la pratique culturelle. Ainsi, les deux extrêmes se rencontraient. La censure était au rendez-vous. Babor Eghraq de Benaïssa est censuré comme d'ailleurs Antigone de Sophocle parce qu'elle pose le problème du pouvoir.
Débat ouvert
Quand Allouache avait tourné Les Aventures d'un héros, le ministre de l'Information et de la Culture de l'époque lui aurait demandé s'il pouvait enlever le cigare (que fumait le héros) parce qu'il faisait penser à Boumediene. Même un ouvrage de Mohamed Salah Yahiaoui, El Massira («La Marche») fut carrément censuré après avoir été écarté de la responsabilité du FLN, lors du fameux congrès extraordinaire de ce parti. Des listes noires d'écrivains algériens interdits de média et d'édition circulaient depuis les années 70. Y figuraient Boudjedra, Bourboune, Kateb Yacine, Bennabi...
La censure caractérise également la réalité politique. Chaque nouveau président tente d'effacer les réalisations de son prédécesseur. Les ministres et les walis faisaient de même à tel point que la notion d'accumulation est inexistante dans le territoire politique algérien. Même l'image de l'autre responsable est souvent gommée.
La censure touche toutes les catégories politiques sans exception dans la mesure où l'exclusion est souvent la caractéristique essentielle des formations politiques. Il y eut même des journalistes et des politiques qui demandèrent le retrait pur et simple des Mémoires de Ali Kafi comme il y avait beaucoup de monde, aujourd'hui converti dans l'opposition, qui avait condamné ou observé le silence après la diffusion du Manifeste de Ferhat Abbas en 1976, lors de la Charte nationale, ce qui avait valu à ses rédacteurs l'«emprisonnement» et la «résidence surveillée».
On a même essayé d'empêcher l'organisation d'un colloque sur Messali el Hadj. Les historiens et les universitaires n'ont même pas réagi contre cette grave attitude. La liberté d'expression devient une entité à géométrie variable comme la notion de démocratie.
La censure est-elle nécessaire dans certaines conditions? Le débat reste encore ouvert dans de nombreux pays. En Algérie, faut-il tout dire? Les choses sont complexes quand il s'agit de la censure. La vie privée des uns et des autres est-elle sujette à exposition dans les médias? Autant de questions qui attendent débats.


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