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Regards sur un regard
Mostefa Lacheraf. Une rencontre marquante
Publié dans El Watan le 18 - 01 - 2007

En guise de présentation, il m'avait d'emblée posé une question : « Connaissez-vous cette femme ? » Surpris et ne trouvant pas de mots justes, je m'étais tu. Mais il n'arrêta pas : « Voyons, ce n'est pas sérieux ! » Il ne m'avait pas laissé le temps de prononcer un mot. Il était visiblement déçu. Je ne comprenais pas, d'autant plus qu'il ne m'avait pas donné le nom de la personne. La femme souriait, elle aussi, un peu gênée. Il daigna enfin me dire son nom : Denise Barrat*.
Soulagé et croyant m'en tirer à bon compte, je sautais sur l'occasion pour donner le titre d'un des livres que l'on devait à la grande dame qui se trouvait là : Espoir et parole, recueil de textes algériens écrits entre 1955 et 1962. Mais, comme s'il ne dissociait pas l'œuvre de la personne, Mostefa Lacheraf ne pouvait admettre que je ne la connaisse pas au point de ne pouvoir la reconnaître. Et il se mit à raconter la contribution de Denise et de Robert Barrat à la révolution algérienne. Ses yeux changèrent subitement de couleur mais restaient immobiles. Ils ne cillaient pas. Un regard droit et franc, comme ses idées tranchées qui reflétaient finalement les longues phrases, parfois alambiquées, de ses textes, à commencer par le légendaire Algérie, nation et société, qui a eu l'honneur d'être classé sur une liste noire de livres à interdire par Augusto Pinochet en 1973 après le coup d'Etat contre Salvador Allende. Ce regard exprimait à la fois une sorte de mélancolie intérieure, mais aussi une extraordinaire force. Mostefa Lacheraf n'était pas quelqu'un qui démissionnait sur le plan des idées. Il était tenace, mais ne pouvait, quand il voyait la cause perdue, continuer à faire du tintamarre. C'est ce qui l'avait incité à présenter sa démission de ministre de l'Education nationale quand il avait senti qu'il risquait l'encerclement. Pour la première fois depuis l'indépendance, la presse osait, sur ordres, attaquer un ministre. Il n'avait pas accepté cette réalité. Même Boumediène n'avait rien pu faire. On avait, à l'époque, mobilisé Abdellah Cheriet qui avait violemment mené campagne contre Lacheraf après ses entretiens dans Le Monde de l'éducation, L'Unité et El Moudjahid où il défendait l'idée du bilinguisme et celle d'une réforme radicale de l'école. Il savait que ses idées étaient en porte-à-faux avec le discours dominant. D'ailleurs, ce grand ami de Kateb Yacine n'avait jamais voulu prendre de poste ministériel. Il avait fallu que Houari Boumediène insiste pour qu'il accepte en 1977 le portefeuille de l'Education nationale dans le dernier gouvernement qu'il dirigea. Le président, acceptant mal les nombreuses attaques contre son ministre, l'avait défendu, allant jusqu'à menacer les responsables qui menaient cette cabale. Mais la maladie qui l'affectait déjà, l'empêcha sans doute de le soutenir plus fortement. Mostefa Lacheraf connaissait le fonctionnement des régimes militaires et savait où se trouvait l'essence du pouvoir. D'ailleurs, ses fameux articles sur les mouvements de libération en Amérique latine et en Afrique font autorité et posent ouvertement la question du pouvoir. Il refusait l'unanimisme ambiant, provoquant parfois de véritables scandales. Il affirma ainsi dès le départ son rejet de certaines idées de Fanon, notamment celles concernant la paysannerie, perçue par l'auteur des Damnés de la terre comme foncièrement révolutionnaire et constituant un noyau nodal du changement. Il fustigeait certains romanciers qui n'arrêtaient pas de célébrer un outrancier « héroïsme guerrier ». Il avait aussi reproché à Mouloud Mammeri, en 1952 après la publication de La colline oubliée de ne pas avoir évoqué l'exploitation coloniale et d'avoir donné une image ethnographique du village Taâza. Contre l'avis général, il osait considérer le film La bataille d'Alger de Gillo Pontecorvo comme une sorte de regard déformé, trop marqué par la dimension spectaculaire. Il vouait, par contre, une admiration sans faille à Mohamed Zinet et à son film, Tahia ya Didou, comme il avait beaucoup apprécié Omar Gatlato de Merzak Allouache. Il n'aimait pas les demi-mots et les euphémismes. En 1964, après la publication par Révolution Africaine d'un entretien de Mostefa Lacheraf accordé à la revue Temps modernes, Mourad Bourboune, alors président de la commission culturelle du FLN, avait réagi. Lacheraf qualifia celui-ci de « muezzin » et de « petit Jdanov ». A l'époque, Lacheraf était installé à Paris. Retournement de situation, Bourboune, après le coup d'Etat de Boumediène en 1965, prenait le chemin de l'exil tandis que Lacheraf allait occuper des postes de responsabilité. Ces derniers lui valurent de nombreuses critiques de la part d'intellectuels algériens qui lui reprochaient le fait de ne pas avoir dénoncé les nombreuses atteintes à la liberté d'expression du temps de Boumediène. Mostefa Lacheraf avait donc des idées aussi directes que son regard franc et fixe. Dans sa vie politique, il s'accommodait de temps à autre de certaines ambiguïtés comme ses contributions à la rédaction de textes officiels (Charte d'Alger et Charte nationale), considérés par certains comme trop timorés et consensuels. D'ailleurs, par les idées comme le style, les traces de son écriture, si particulière et si riche, sont facilement décelables dans ces documents. Mais d'un autre côté, il portait un regard si singulier et original sur le pays et la société, qu'il se refusa à reproduire les clichés et les stéréotypes, se distinguant le plus souvent de la parole officielle qu'il était censé défendre, mais qu'il trouvait superficielle, alors même qu'il occupait de hautes responsabilités. Paradoxale attitude. Du temps de Chadli, il faisait entendre sa voix particulière et différente dans les sessions du comité central du FLN, malgré le tintamarre assourdissant des faux chantres d'une arabisation à cadence accélérée et des sermonneurs professionnels installant la paranoïa au firmament du pouvoir. Lacheraf, qui était avant tout un poète et un intellectuel, aimait écrire et il ne refusait jamais de collaborer avec les journaux nationaux (El Djeïch, Révolution Africaine, Algérie-Actualité, El Watan) pour y apporter sa contribution. Il tenait en cela à transmettre aux générations nouvelles ses idées mais surtout une connaissance de l'histoire profonde de l'Algérie avec la période coloniale en gros plan. Ce n'était pas pour rien qu'il était mécontent que je ne reconnaisse pas Denise Barrat qui avait tant aidé la révolution algérienne. Car s'il pouvait me le pardonner parce que j'appartenais à une génération plus jeune, il me l'avait reproché surtout en tant que journaliste. Il était patriote jusqu'au fond de l'âme, mais, comme un autre grand poète, Kateb Yacine, comme les Barrat aussi, qui avaient défendu la cause algérienne, mais également celles de la Palestine, du Vietnam et d'ailleurs, il croyait dur comme fer que les révolutions s'inscrivaient dans un ensemble mondial et devaient se soutenir les unes les autres.
* Ndlr : Denise Barrat et son époux, Robert, étaient des catholiques de gauche qui prirent partie, dès le début, pour l'indépendance de l'Algérie, ce qui leur valut plusieurs condamnations et séjours en prison. Robert Barrat fut le premier journaliste français à effectuer un reportage dans les maquis algériens qui parut en 1955 dans le journal France Observateur, ancêtre du Nouvel Observateur. Le couple Barrat a rédigé en 1956 Le livre blanc de la répression en Algérie, réquisitoire documenté sur les agissements coloniaux durant la guerre de libération. Utilisé par la diplomatie algérienne de l'époque dans les rencontres internationales, il a été réédité par les Editions Barzakh (Algerie) et de l'Aube (France) en 2002.


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