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«Un film utile et nécessaire»
ENTRETIEN AVEC L'ACTEUR BENOÎT MAGIMEL
Publié dans L'Expression le 16 - 02 - 2008

«Il était hors de question d'avoir un parti pris, seulement du point de vue humain.»
Né le 11 mai 1974, ce trentenaire a déjà un beau parcours derrière lui. A douze ans déjà, en 1989 il a fait une apparition remarquée dans La vie est un long fleuve tranquille. Les rôles s'enchaînent pour lui. On le retrouve dans Les voleurs, d'André Téchiné, Les enfants du siècle de Diane Kurys (où il rencontra sa femme Juliette Binoche).
Claude Chabrol fait aussi appel à lui pour La fleur du mal en 2003, et pour la Demoiselle, en 2004. On le voit aussi aux côtés de Jean Réno, et il reprend le rôle de Vincent Cassel dans Les Rivières pourpres II, d'Olivier Dahan. Après L'Ennemi intime, de Florent Emilio Siri, il partage ensuite l'affiche de La Fille coupée en deux de Claude Chabrol avec Ludivine Seignier et François Berléand.
L'homme au tempérament impulsif, dit-on, est un talentueux acteur, un des meilleurs, et désormais metteur en scène de sa génération. Dans L'Ennemi intime (présenté en avant-première mercredi dernier à la salle Ibn Zeydoun, à Alger), il est le lieutenant Terrien, arrivé en 1956, pour protéger les villageois en Kabylie. Mais ceci n'est que la façade d'une guerre qui ne dit pas son nom. Très vite, l'homme se voit pris dans l'engrenage de cette machine à tuer, l'obligeant à commettre des actes irréparables pour sa conscience d'homme.
Face à l'horreur et à l'abject, l'injustice et le sentiment d'impuissance surtout, et de vengeance, il est transformé en cette boule de haine qui donne, à son tour, l'ordre de tuer, massacrer et torturer...Un rôle qui lui colle toujours à la peau. Un rôle fort, même après avoir tourné trois autres films...Dans l'entretien qu'il nous a accordé à l'hôtel Sheraton, Benoît Magimel parle de ce film l'Ennemi intime comme de cette guerre, avec un réel intérêt et autant de passion pour la vérité, afin de réprimer, selon lui, ce silence fait de violence et de souffrance qui est en chacun de nous.
L'Expression: Benoît Magimel, on sent chez vous une certaine attirance pour les rôles à forte densité psychologique...
Benoît Magimel: Je me rappelles que quand j'étais gamin, j'aimais bien faire rire les membres de ma famille. J'ai débuté ma carrière avec La vie est un long fleuve tranquille. Un film assez drôle et ça me plaisait assez. Très vite, je me suis rendu compte que la comédie est un domaine extrêmement difficile. Pour moi, c'est l'art suprême. Faire pleurer c'est plus simple que faire rire. Le rire, c'est la grâce. Les grands réalisateurs de comédies, ça ne court pas les rues. C'est encore plus rare. Tout cela pour dire que j'avais besoin d'un enjeu. Quand j'interprète un rôle, j'ai besoin de «manger», de nourriture, d'avoir de la densité, quelque chose d'épais. Ce qui n'exclut pas la légèreté. C'est simplement le besoin d'un enjeu, que dans l'histoire, le personnage soit confronté à quelque chose de fort. Ce n'est pas une ligne, mais c'est naturellement vers quoi je me tourne, en fait.
Vous avez beaucoup tourné avec Florent Siri. Est-ce sa façon de diriger les acteurs que vous aimez?
Je crois qu'on se connaît bien. C'est plus simple de travailler avec des gens qu'on connaît. Au-delà de l'amitié que l'on se porte, je pense qu'on a une sensibilité assez proche. On aime le cinéma dans toute sa largeur. On adore tous les genres de films. On est très curieux. Et on apprécie notre travail mutuel. La première fois que j'ai rencontré Florent, j'avais 18 ans. J'ai commencé à me lancer dans le cinéma de façon plus concrète, plus consciente et il m'a permis de découvrir un cinéma que je ne connaissais pas. Il m'a aussi permis de m'éveiller à la mise en scène. On a été assez complémentaires, je crois, lui de par sa méconnaissance de l'acteur et moi celle de la mise en scène. Très vite, on s'est beaucoup apporté l'un à l'autre. Je regarde toujours comment le cinéaste met en scène une séquence quand je tourne un film; quel point de vue il choisit, quels sont les partis pris. On se rend compte que chaque film, chaque univers a un processus particulier. Florent et moi, nous avons, je pense, l'envie d'approcher à la fois des films très différents tout en gardant une sensibilité assez unique. Il n'y a pas de hasard dans ce qu'on fait. C'est pour cela, comme j'ai dit tout à l'heure, qu'il a mis beaucoup de temps avant d'accepter le film et je crois que c'est tout à son honneur. Le sujet est tellement colossal, tellement délicat, il l'a approché avec beaucoup d'humilité, beaucoup de pudeur et ça se ressent dans le film...Il était hors de question d'avoir un parti pris ou de prendre parti pour quelqu'un, seulement du point de vue humain.
Justement, pourquoi avez-vous été attiré par ce scénario?
D'abord, j'ai beaucoup de copains originaires d'Algérie. Personne ne leur a jamais rien raconté, y compris leur famille. Il y avait vraiment ce silence des deux côtés. Cela m'a déjà interpellé. On réalise qu'il y a une réelle souffrance qui est transmise. Il y a une espèce d'héritage de la violence et de la souffrance chez nos parents -on ne sait pas ce que c'est - qui découlent de cette guerre, de ce conflit. Une vraie tragédie qui continue à être transmise de génération en génération. Tant que les choses ne sont pas évoquées, ne sont pas dites avec des mots, tant qu'on n'arrive pas à exprimer concrètement ça, je pense que les choses n'avanceront pas. Pour qu'une société aille bien, dans son ensemble, dans sa diversité, il faut sortir les secrets des tiroirs et dire un peu les choses. En moi, il y avait, à la fois l'envie de l'acteur de faire un film de guerre, je ne peux pas m'en cacher -le thème est assez très fort pour le cinéma-, et celle de parler de quelque chose d'utile et de très important. Très vite, on se rend compte que c'est un film nécessaire. Il y a aussi l'envie d'un citoyen. J'ai envie de dire: J'en ai assez d'entendre les politiques demander à la jeunesse de se tenir bien, d'avoir une certaine morale et ceci et cela...Pour moi, c'est important de dire les choses. Sur l'Algérie comme sur d'autres sujets, il y a une amnésie. Surtout, le passé colonial de la France. Je ne sais quasiment rien de l'Afrique, du Maghreb. On n'apprend rien dans les livres d'histoire. On a l'impression que c'est toute une partie de notre histoire qui est balayée mise aux oubliettes. Cela me dérange. Mon grand-père a fait la guerre d'Algérie et ne m'en a jamais parlé. Autour de moi, c'est pareil. Le cinéma pourrait être cet instrument éveilleur des consciences. C'est une évidence. L'Algérie et la France sont intimement liées. Je voyais qu'on avait fait au cinéma des films très austères, très engagés. En revanche, un film de guerre autour de cette histoire-là n'avait pas encore été fait, dans toute sa largeur. Et j'avais envie qu'on s'adresse au plus grand nombre, surtout aux jeunes.
Quelle a été votre réaction quand vous avez appris que votre personnage allait mourir à la fin? Quelle est sa symbolique?
J'étais pour, en fait, car il n'y a pas d'issue possible. Car il est tellement devenu ce qu'il n'aurait jamais voulu devenir. Il est devenu son propre ennemi. Quelqu'un d'autre. Je crois que cette mort a été une libération: il ne supporte plus ni ce qu'il est devenu ni son reflet. Dans la scène où il tente de renter chez lui, pour voir sa femme et son enfant, il constate combien il est difficile d'aller vers eux. On comprend que quelque part, une page est tournée. On s'est beaucoup inspiré de témoignages de militaires. Ce que je veux dire c'est qu'on parle de la guerre dans sa généralité. Ses conséquences sur l'homme sont dévastatrices. On avait un témoignage sur un soldat qui était parti au Kosovo. Il était un bon père de famille, qui riait tout le temps, adorait ses enfants et sa femme. Il est parti faire la guerre et est revenu, un an plus tard. Il ne supportait plus les cris de ses enfants, ni de sa femme...il n'a qu'une idée, c'est de repartir là-bas. Il y est retourné et y est resté. On s'est inspiré un peu de cette trajectoire. On pensait que c'était une fin essentielle. Cela se finit aussi par l'image d'un enfant, les armes à la main. C'est une façon de dire que les dés sont jetés depuis longtemps.
Pensez-vous qu'un film peut changer l'histoire et de quelle façon? Grâce à des comédiens comme vous peut-être...
Je ne pense pas qu'on puisse changer l'histoire. On se rend compte que l'homme est toujours abruti. Il reproduit constamment les mêmes erreurs. Quand on regarde notre propre histoire, on constate que ce n'est qu'un éternel recommencement, malheureusement. Un film, ça peut permettre d'éveiller et de comprendre un peu mieux. On ne voit jamais des films critiques sur le sujet. Il y a un film de Stanley Kubrick sur la Première- Guerre mondiale qui m'a beaucoup intéressé. Il s'agit de Les sentiers de la gloire qui m'a bouleversé. Et ce n'est pas un Français qui l'a fait, mais un Anglo-Saxon. Je me suis dit: «Ce n'est pas possible. On n'est pas capable de faire des films sur notre propre histoire?» Ce film était censuré pendant trente ans, car il montrait des généraux qui traitaient des soldats avec mépris. On les utilisait comme de la chair à canon, on fusillait les déserteurs...Quand on voit la cruauté, le mépris pour l'homme, c'est un choc. Finalement, ce film dérangeait tellement que le gouvernement français l'a censuré, comme La Bataille d'Alger. Pour de nombreux films sur lesquels on pose un regard critique sur les politiques, ceux qui prennent des décisions, on refuse de les montrer...Vous savez, là, je me suis engagé pour faire un film sur le massacre de Srebrenica, ces 10.000 musulmans bosniaques tués par les Serbes puis enterrés. Une sorte d'épuration ethnique...En tant qu'acteur, j'ai envie de tout faire, des comédies, des films de guerre, des films plus intimes, y compris des films qui permettent peut-être de rendre justice, rendre hommage aux morts, aux gens qui ont souffert et donner la parole. C'est quand même dramatique qu'Indigènes ait permis que d'anciens soldats soient dédommagés. Je trouve ça extraordinaire, mais aussi lamentable qu'on ait attendu autant d'années, alors qu'il ne reste qu'une poignée de survivants aujourd'hui. Il fallait attendre un film porté par Djamel Debbouze pour que Chirac dise: «C'est formidable ce film. On va dédommager ces gens-là!» Ça, c'est vraiment honteux, car cela aurait dû être fait depuis très longtemps.


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