Vladimir Poutine prépare sa sortie par la grande porte pour mieux revenir par la fenêtre. Les Russes élisent, aujourd'hui, leur troisième président de l'ère post-soviétique qui succédera au président sortant Vladimir Poutine qui ne peut se présenter pour un troisième mandat, selon la loi fondamentale du pays. M.Poutine, s'est donc préparé une succession sur mesure, en la personne du premier vice-Premier ministre Dmitri Medvedev, qui a vécu durant plusieurs années dans l'ombre du puissant patron du Kremlin, le suivant de Saint-Pétersbourg jusqu'à Moscou. De fait, l'élection de ce jour se présente surtout comme une simple formalité, vidant de tout suspense et de tout contenu politique un scrutin balisé à l'extrême. Quatre candidats sont officiellement en lice, mais cela juste pour la forme. Tout a été fait pour dégager la route du Kremlin à M.Medvedev, et ce n'est pas Guennadi Ziouganov, vieux vétéran du PC, Vladimir Jirinovski, un ultranationaliste présent à toutes les élections russes postsoviétiques, ou l'invité surprise de ce scrutin, le tout jeune et «énigmatique» Andrei Bogdanov -qui réussit à traverser tous les obstacles de l'administration pour se retrouver dans le carré d'as- qui vont peser face au candidat du Kremlin. L'avance de M.Medvedev, dans les sondages est telle -qui le créditent de 61 à 80% des voix (mieux que M.Poutine plébiscité en 2004 par 72% des suffrages)- que la question de savoir si le scrutin de ce dimanche a encore un sens, si ce n'est d'accréditer certaines pratiques naguère label èsqualité de l'ex-Union soviétique. Les trois adversaires de Dmitri Medvedev donnent au scrutin un pluralisme dont il est en réalité parfaitement dépourvu, eu égard aux restrictions que les trois autres candidats ont rencontrés lors de la campagne électorale et leur peu de présence dans les médias lourds dominés par le Kremlin. D'ailleurs, le président de la Commission électorale, Vladimir Tchourov, a reconnu dans une interview à la BBC que le traitement des candidats n'était pas «égal» dans les médias, estimant toutefois qu'il était «juste», mettant en avant la fonction de M.Medvedev pour expliquer son temps d'antenne. Crédité de 9 à 16% des intentions de vote, Guennadi Ziouganov, secrétaire général du PC russe, est condamné à faire de la figuration, ayant raté le rendez-vous avec l'histoire lorsqu'il perdit en 1996 la première présidentielle après l'effondrement du bloc soviétique en se faisant coiffer au poteau par Boris Eltsine au second tour (40,3% contre 53,8%) et de nouveau battre par Poutine en 2000 (29,21% contre 52,94%). M.Ziouganov, 63 ans, n'était pas candidat en 2004. Celui-ci a qualifié le scrutin de «bouffonnerie» menaçant de ne pas y prendre part mais sera, néanmoins, présent aujourd'hui sur la ligne de départ. M.Jirinovski, 61 ans, ultranationaliste, leader du parti Ldpr (libéral-démocrate), crédité de 7 à 13,7% des intentions de vote, est un cas dans le champ politique russe. C'est un Le Pen russe, sans la faconde de l'ultranationaliste français, mais avec plus de brutalité, n'hésitant ni à insulter ses adversaires ni même à les maltraiter physiquement. Il participa à trois scrutins où ses scores ont toujours été médiocres ne dépassant pas les 5%. Se qualifiant de «seul candidat démocratique», Andrei Bogdanov, 38 ans, quasiment inconnu dans l'échiquier politique russe, s'invite à un show présidentiel où manifestement, il n'a rien à faire. Il est crédité de 1% des intentions de vote. M.Poutine a, en fait, tracé une voie royale pour son poulain en mettant tous les atouts et plus, de son côté, afin d'éviter toute mauvaise surprise. Dmitri Medvedev, 42 ans, juriste de formation -originaire comme M.Poutine de Saint-Pétersbourg- occupe le poste de premier vice-Premier ministre et président du conseil d'administration du géant gazier russe Gazprom. C'est, en fait, ce poste à la tête de Gazprom (poste désormais l'apanage d'un certain Vladimir Poutine) qui fait la puissance du personnage. Il est le candidat officiel du parti majoritaire à la Douma (chambre basse du Parlement), Russie unie, et «bénéficie» du soutien du président sortant Vladimir Poutine. Il est crédité de 61 à 80% des intentions de vote. M.Medvedev a déclaré qu'il «nommerait» M.Poutine au poste de Premier ministre, poste que Vladimir Poutine dit «se faire un honneur» d'occuper. Lors de la dernière journée de campagne, le président sortant a lourdement appelé à voter pour Dmitri Medvedev, affirmant: «Le 2 mars, chacune de vos voix sera importante pour le renouvellement du sommet du pouvoir». «Je vous demande, a encore dit M.Poutine, d'aller voter dimanche. Et de voter pour notre futur à tous, ensemble». En fait, Vladimir Poutine a mis tout son poids, qui est énorme, dans la balance et veillé à ce qu'il n'y ait pas de fausse note ce 2 mars. A l'évidence, il n'y en aura pas! Seule inconnue: comment va s'effectuer le partage du pouvoir, d'autant que personne ne s'attend à voir le futur Premier ministre, et futur président du Conseil d'administration de Gazprom, le ci-devant Vladimir Poutine, jouer les seconds rôles ou les faire valoir?