«Qu'ils surveillent les frontières avec le Maroc et arrêtent les gros importateurs.» «Un commandant de la police s'est déplacé jusqu'ici pour demander des excuses», confie ce jeune vendeur de pétards à la rue de Chartre. A la vue des extraordinaires étalages pyrotechniques dans cette rue de la Basse Casbah à Alger, on a du mal à s'imaginer que ces mêmes lieux ont été le théâtre d'une descente très musclée des policiers avant-hier. La marchandise a été saisie par les policiers du 3e (Place des Martyrs) et 5e commissariat (Bab El-Oued) et entreposée au niveau du commissariat de Bab El-Oued. Les vendeurs se sont rassemblés devant ce commissariat pour réclamer leur «marchandise» et exprimer leur colère. L'affrontement n'a pas eu lieu et la situation a viré au pétard mouillé. Hier, dans cette rue hautement marchande, les vendeurs de pétards vaquent à leur commerce sans donner l'impression qu'ils courent le moindre risque. Quelques minidéflagrations égayent l'atmosphère lourde de chaleur et de bousculade. Tout le monde fait son marché de «m'hareq»: vieux, enfants et même des femmes. Toutes sortes de pétards et d'articles pyrotechniques sont disponibles. Des «doubles explosions», des pétards superpuissants, des fusées de tout acabit, des feux d'artifices miniatures, etc. L'embarras du choix! Personne ne sait d'où vient cette marchandise. Les vendeurs se contentent de souligner: «Les policiers évitent de saisir les containers au port d'Alger et préfèrent s'attaquer aux petits vendeurs d'ici.» «Qu'ils surveillent les frontières avec le Maroc et arrêtent les gros importateurs au lieu de nous chercher des problèmes», rebondit son voisin. Pourtant la loi est claire et l'importation des matières pyrotechniques est, en théorie, scrupuleusement réglementée... depuis les années 60. La situation sécuritaire de ces dix dernières années devait endurcir cette réglementation. Autre fait à souligner au trait rouge: le mouvement de colère des jeunes de la rue de Chartre, qui «assiègent» un commissariat à Bab El-Oued renseigne sur le bouleversement sociologique qui s'est produit en Algérie. Le mur de la peur et de la crainte de l'uniforme vient de s'écrouler depuis les événements de Kabylie. Troisième remarque à soulever, des animateurs d'associations de quartiers de Bab El-Oued ont estimé que l'opération de «saisie» qui a ciblé les vendeurs de pétards de la rue de Chartre est une pure provocation afin de créer un climat propice à l'émeute à la veille des élections législatives du 30 mai. D'autres observateurs suivent d'autres pistes: il s'agirait d'un conflit entre deux importants importateurs dont l'un aurait «vendu la mèche» aux pouvoirs publics qui ont actionné l'appareil policier. L'un dans l'autre, il ne subsiste qu'une seule certitude: le jour du Mouloud, ça va barder.