C'est le président afghan qui a, en personne, annoncé la médiation saoudienne. “J'ai écrit à plusieurs reprises au roi Abdallah pour lui demander de nous aider à ramener la paix en Afghanistan”, a déclaré Hamid Karzaï que Bush a installé à Kaboul quand bien même la procédure avait été qualifiée de démocratique. En fait, l'entrée en scène de l'Arabie Saoudite a été facilitée bien sûr par Washington mais aussi avec l'aval de la France et de la Grande-Bretagne. Le roi Abdallah a reçu le grand mufti d'Afghanistan et une délégation d'oulémas venus de Kaboul durant les fêtes de l'Aïd. Des informations font état de discrets contacts que Riyad a noués avec des émissaires talibans. C'est d'autant plus possible que le talibanisme n'est que l'excroissance du wahhabisme. C'est, en effet, à Riyad qu'est née cette idéologie et c'est l'Arabie Saoudite qui l'a propagé partout où existe une communauté musulmane sunnite. Au début des années quatre-vingt, les services de renseignements saoudiens envoyèrent des légions de moudjahidine, dont Oussama Ben Laden, lutter avec les combattants afghans contre les occupants soviétiques du pays. Des combattants proches aujourd'hui des talibans. Des leaders tribaux afghans, ayant accès à des responsables talibans, sont également venus se faire soigner dans les hôpitaux saoudiens. Riyad est d'autant plus enclin à réactiver ses canaux de communication en Afghanistan, plaide un diplomate occidental, que les pays de la coalition, France et Etats-Unis compris, pensent qu'ils doivent revoir leur stratégie en Afghanistan. Et l'Arabie ne cesse de leur répéter que cette stratégie conduit à l'échec et qu'il fallait ouvrir la voie du dialogue. Karazaï, qui a avoué avoir sollicité le roi Abdallah, a également reconnu avoir dépêché des émissaires aussi au Pakistan. Il nie en revanche que des négociations aient commencé avec ses ennemis talibans, via Riyad. L'hebdomadaire britannique, The Observer, a révélé qu'un ancien membre de haut niveau de la direction taliban avait transmis une liste de onze conditions pour mettre fin à la guerre en Afghanistan, dont un retrait programmé des troupes étrangères, ainsi que la possibilité d'obtenir des ministères clés. Au cours de l'été, le médiateur aurait effectué plusieurs navettes entre Quetta, fief taliban au sud-ouest du Pakistan, Riyad et Kaboul. Une chose paraît certaine, l'Arabie Saoudite a le dossier afghan. La France dont dix soldats avaient été tués par les talibans lors d'un accrochage, a vendu la mèche. Le Premier ministre François Fillon l'a reconnu devant les députés, en défendant début septembre l'engagement français en Afghanistan. “Nous devons explorer des moyens de séparer les djihadistes internationaux de ceux qui agissent plus pour des raisons nationales ou tribales. Des efforts allant dans cette direction sont dirigés par des pays musulmans sunnites tels que l'Arabie saoudite”, ajoutait le Premier ministre. La médiation saoudienne est bien accueillie dans les capitales occidentales ne serait-ce que pour rapatrier leurs contingents de l'Afghanistan. D. B.