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Les déplacés de Médéa et Berrouaghia face à la misère sociale
Ils font face à des conditions de vie très dures
Publié dans Liberté le 28 - 02 - 2009

Les populations déplacées des localités de Médéa vivent encore, la peur au ventre, dans des conditions extrêmement difficiles en dépit d'un effort fourni par les autorités locales dans le domaine du raccordement en électricité et en gaz et l'aide financière accordée pour renouer avec la culture de la terre et retaper les maisons détruites par le terrorisme.
Dans cette région, emportée par un élan de survie, un pan entier de la population a été déraciné de sa terre natale et voué à une errance à la recherche d'endroits plus sécurisés. Au terme de l'année 2000, un bilan officiel fait état de 1,5 million de déplacés dont plus de 30 000 dans la région de Médéa. La situation, en matière de prise en charge par l'Etat de ces familles, a peu changé depuis le début des années 2000. L'on peut même dire que les conséquences de cet exode deviennent un enfer vécu au quotidien. La détresse sociale a causé des maladies respiratoires et déformations des os chez les enfants. Les adultes souffrent davantage de rhumatismes chroniques, de stress, de diabète, d'hypertension ou ont carrément plongé dans la démence. La misère a durci les traits et fait perdre, même aux plus jeunes, leurs dents. De nouveaux foyers de tension sont nés, au risque de voir les difficultés du quotidien amplifier la haine déjà manifeste envers tout ce qui représente l'Etat. À Rebaïa, localité distante de plus de 70 km de Médéa, un père de cinq enfants habitant dans un réduit en parpaing, est au chômage depuis des années. Il se débrouille comme il peut pour subvenir aux besoins de ses enfants que nous avons surpris en train de manger à même le sol, avec les doigts, du berkoukess et un bout de pain moisi. Lui et sa famille ont fui, pendant une année et demie, les exactions des groupes terroristes en se réfugiant à Aïn Ouasséra. Ils ont regagné leur masure en 1997. Depuis, ils tentent tant bien que mal de survivre grâce aux produits de la culture de leur potager. Son père, ployant sous le poids de ses 74 ans, exhibe un fusil Centra en le désignant comme “le maître des lieux”. Les mots sont durs : “Nous n'avons pas eu encore notre indépendance. Nous ne vivons pas. C'est la misère. Avant le terrorisme, nous vivions bien. Nous avions le gaz, l'électricité, l'eau, des voisins. Maintenant, si nous avons besoin d'un paquet de sel, nous ne trouvons pas où l'acheter.” L'endroit est isolé, désertique. La plupart des habitants de ce hameau appelé Châabet Hamma ne sont pas revenus. Si nous n'étions pas partis, ils nous auraient tous égorgés. Avec quoi nous pouvions leur faire face ? Les autorités n'ont donné ce fusil que tardivement, à notre retour.” Le vieux se sent lésé parce que les Patriotes perçoivent une indemnité de 11 000 DA par mois, mais pas les groupes d'autodéfense. La maison d'en face n'est plus que ruine, après l'incendie allumé par un groupe armé. Le toit dégarni de tuiles et les fenêtres dépourvues de persiennes sont recouverts de plastique. Ses propriétaires l'ont quittée. D'autres membres de leur famille la squattent temporairement en attendant que la modeste bâtisse, en cours de construction aux abords de la ville, soit achevée. Des chiens errants aux alentours de l'habitation ne réagissent pas à l'approche d'un étranger. Allongés, ils se laissent mourir comme cédant à la fatalité. Pour aller à l'école, les enfants parcourent, le ventre vide et vêtus de vêtements légers, des kilomètres de boue, souvent ballottés par le souffle du vent et trempés jusqu'aux os par la pluie. Au cours du trajet, ils deviennent une proie facile pour les pervers de tous genres. À la vue de la bouteille de Coca-Cola que nous leur offrons, un sourire illumine le visage de trois d'entre eux. Ils nous l'arrachent des mains et partent en courant.
Quel a été l'apport de l'Etat ?
Aucun responsable ne s'est aventuré jusque-là depuis le début de la décennie noire. La criminalité, sous toutes ses formes est en constante évolution dans la wilaya de Médéa, particulièrement dans des agglomérations comme Ksar El-Boukhari et Berrouaghia. Tel est le constat de 2008, établi par les services de sécurité qui expliquent cette hausse par les difficultés sociales et économiques, la promiscuité, l'exiguïté des habitations familiales, la déperdition scolaire et la bidonvilisation. Quelle solution a-t-on apporté pour endiguer l'exode et rétablir la sécurité ? Nos tentatives de joindre le wali ont été vaines. À la direction de la communication de la wilaya de Médéa, on nous répond que tout ce qui touche à la sécurité relève des prérogatives de la commission sécuritaire dont on ne peut se rapprocher sans l'aval du wali. Il s'avère, néanmoins que l'effort des collectivités locales s'est consenti dans le domaine de l'électrification avec un taux de couverture de l'ordre, précise-t-on, de 85%, tandis que 14 communes sur 64 sont raccordées aux conduites de gaz de ville contre 4 en 2000. Il n'en demeure pas moins que la productivité de la région, réputée pour sa vocation agricole, demeure en deçà des attentes. Le plan d'aide aux agriculteurs, mis en place récemment, ne semble pas encourager les habitants à se réconcilier avec le travail de la terre. Au fur et à mesure que l'on s'éloigne du chef-lieu de l'agglomération, les commerces deviennent de plus en plus rares. Certaines localités ne comptent même pas de boulangerie. “Pourtant, affirme notre interlocuteur, la wilaya a réuni tous les moyens pour encourager les gens à retourner chez eux, en dégageant, notamment des enveloppes budgétaires pour la rénovation de leurs habitations et des routes et a même entrepris de leur faciliter les démarches administratives. Ils ont donc bénéficié du plan de développement rural intégré et du programme des Hauts-Plateaux.” Le responsable de la communication renchérit : “Vous savez, notre wilaya a beaucoup souffert du terrorisme. Aujourd'hui, on est à la phase de développement.” La population d'Ouled Larbi est traumatisée par le massacre de 23 personnes appartenant à une seule famille qui a endeuillé leur douar il y a quelques années. Deux personnes ont échappé, presque par hasard, à la tuerie. La mère, qui s'est cachée derrière la porte qu'elle a ouverte, sans le savoir quelques instants plus tôt, aux terroristes et le fils âgé de 25 ans qui était ce jour-là absent de la maison. Tous les deux ont quitté depuis ce lieu sordide pour se réfugier à Zéralda. “Ce jour-là, il était quatre heures du matin quand nous sommes partis secourir les survivants. Il y avait du sang partout. La mère était dans un état de délire complet.” En dépit de la proximité du maquis et des incursions fréquentes des terroristes, beaucoup d'habitants d'Ouled Larbi n'ont pas quitté cet endroit. Ils ont aménagé une guérite, installé des projecteurs et monté la garde à tour de rôle pendant des années. Les services de sécurité ont réussi à déloger les groupes armés de la forêt, longeant la bourgade, en la brûlant presque entièrement. “Mon frère m'a remis la clef d'un appartement près de la ville, mais mon mari m'a dit qu'il était hors de question de laisser derrière lui son père et ses frères”, raconte la femme d'un instituteur. Entre 1994 et 2000, ils ont vécu dans une insécurité totale. “Nous ne fermions l'œil qu'à l'aube. Les terroristes se manifestaient particulièrement le mercredi soir car le jeudi, c'était le souk de Sidi Merouane. Les gens venaient de partout. Ils voulaient qu'on parle d'eux. Cela leur faisait de la publicité.” Durant la nuit, femmes et enfants se regroupent dans une seule maison pour réduire le périmètre de surveillance des hommes. Le douar Ouled Larbi comptait à l'origine 1 000 habitants. Des commerçants et fabricants de tissu essentiellement. Le patriarche de cette famille est moudjahid. “Ils nous ont désarmés en 1993 sous prétexte que nos fusils ne devaient pas tomber entre les mains des groupes armés. J'ai eu ces dernières années plus peur pour mes enfants que pour moi-même. Nous avons néanmoins résisté, car celui qui n'a pas eu le courage pendant la guerre de Révolution ne peut l'avoir maintenant.”
Ils résistent malgré tout
Chaque famille pouvait, dans cette localité, prétendre à une aide de l'Etat de l'ordre de 500 000 DA, destinés au financement d'une autoconstruction. Certains s'en sont bien sortis. Les matériaux et la main-d'œuvre sont bon marché dans la région. Grâce à une détermination farouche et une gestion rigoureuse des ressources financières de la famille, l'instituteur a réussi à envoyer ses enfants à l'université. Au douar Bouakria, les gens ont commencé à retourner dans leurs terres à partir des années 1998-99, selon un berger, à temps perdu, et conducteur de transport en commun privé. Il ajoute que “depuis qu'on nous a armés, personne ne bouge (comprendre terroristes). L'Etat, ainsi que les groupes d'autodéfense ont joué un rôle dans le rétablissement de la paix. Je ne sais pas ce que sont devenus les terroristes, mais, en revanche, je peux vous dire que personne de chez nous n'est monté au maquis”. Plus dramatique est la situation des déplacés de Berrouaguia. Des bidonvilles se sont greffés aux haouchs, aux portes de cette localité. Les récentes intempéries ont provoqué des éboulements et des inondations et ont plongé les gens dans une détresse plus profonde. Ici, des enfants ont été retirés des eaux et de la boue à partir des toits. Les traces du sinistre sont encore visibles. Le propriétaire des lieux n'a pas les moyens de retaper l'habitation. Pour arrondir ses fins de mois, il loue des pièces délabrées à raison de 2 000 DA par mois à des personnes, comme cette jeune femme qui s'est réfugiée chez lui avec sa fille, après son divorce. Un peu plus loin, Nassima 18 ans, nous accueille au seuil du gourbi qu'elle occupe avec ses grands-parents, son oncle et ses cousines plus jeunes, que nous trouvons en train de faire leurs devoirs sur une meïda.
Nassima suit des cours par correspondance. Elle dit qu'elle est originaire de Cherrata, qu'elle a fui le terrorisme, mais ne révèle rien sur le sort de ses parents, ses frères et sœurs. Elle s'échine, chaque jour, à trouver une nouvelle cache qui la mettra à l'abri des égorgeurs. Sa grand-mère éprouve des difficultés à marcher. Elle souffre d'un rhumatisme chronique. Le froid et l'humidité de ces derniers jours ont accentué les douleurs que cette maladie entraîne. La veille dame tient néanmoins à faire le guide pour montrer les murs en parpaing fissurés, le toit arraché, les portes en zinc, l'eau qui s'infiltre de partout, les couvertures et linge mouillés. Elle évoque le froid glacial de la nuit. Depuis qu'ils ont quitté leur village natal, certains des occupants de ce bidonville ont changé de lieu de résidence plusieurs fois. Où qu'ils aillent, ils sont confrontés aux mêmes difficultés, à la même indifférence de l'administration, à la même souffrance. Certains, la nuit tombée, s'en vont s'abriter dans un hammam, un garage ou autre abri mis à leur disposition par des âmes charitables, abandonnant derrière eux le bidonville maudit. D'autres passent la nuit à guetter le moindre bruit, à apporter du réconfort aux enfants, en les regroupant près d'eux.
Au bout d'une plaine parcourue difficilement tellement nos chaussures s'enlisaient dans un marécage de boue, nous arrivons devant une maison cible d'un attentat à la bombe ayant fauché la vie à une vieille de 85 ans. À quelques mètres de là, se dresse une autre habitation en ruine. Dans l'une de ces pièces, ont été égorgés durant l'année 2000 une mère et ses trois enfants. L'aîné avait à peine 7 ans. Un homme en kachabia nous explique que l'habitation en question est la propriété de sa famille qui l'a quittée à cause de l'insécurité. Les victimes ont squatté la bâtisse pour se mettre à l'abri des terroristes. Mal leur a pris, car ils mourront des mains des assassins qu'ils fuyaient. “Jusqu'à présent, personne ne peut s'aventurer jusqu'ici à la tombée de la nuit sans prendre le risque de se faire tuer.”
Lui et sa famille se sont réfugiés, pendant des années, la nuit venue, dans un garage qu'un boucher mettait à leur disposition à Berrouaghia ville. Aujourd'hui, ils ont loué un plus grand espace, loin de ce lieu sinistre, qui était leur première demeure.
N. H.


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