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Razzia sur les Riads
Marrakech, ou les limites du tourisme industriel
Publié dans Liberté le 07 - 05 - 2009

La crise financière mondiale ne semble pas avoir affecté “la ville rose”, qui continue à recevoir des flux touristiques impressionnants, du moins pour le moment. Mais les spécialistes du tourisme craignent des lendemains sombres pour Marrakech, au regard, non seulement des réalités internationales, mais aussi et surtout de la gestion même du produit Marrakech.
La ville a été rendue célèbre par les noms qui y ont séjourné. De Churchill à Jacques Chirac, en passant par les stars d'Hollywood, la ville doit surtout sa réputation au fait que le roi Hassan II l'ait choisie pour établir son QG en raison de ses ennuis de santé (asthme).
L'hôtel Mamounia est devenu un passage obligé pour toutes les célébrités du monde. Cet établissement, actuellement fermé pour travaux, a fait des émules et, partout autour de la ville, on y trouve des “petites Mamounia” qui poussent comme des champignons.
La ville, qui avait cette particularité d'être la seule oasis située au nord du Sahara, a utilisé cet atout à outrance, faisant pousser des palmiers importés de partout et imposant la couleur rose à toutes les bâtisses. C'est joli, c'est exotique et puisque les touristes en raffolent, il fallait leur mettre plein la vue.
Sur place, les endroits les plus visités restent la mosquée Koutoubia avec son imposant minaret et la place Djamaâ Lefna. Pour le reste, il y a la vieille ville, avec ses dédales, son quartier juif et ses Riads, ces demeures luxueuses cachées par des murs anonymes, qui les rendent invisibles et donc indifférentes des autres, de l'extérieur.
Ce côté mystique et mystérieux de la ville constitue un argument de vente du produit Marrakech, avec toutes les légendes entourant les “sept saints de la ville”, son histoire, son folklore.
Les Riads que comptait la ville ont fait l'objet d'une razzia des promoteurs immobiliers européens qui ont mis le paquet pour tout rafler. Quelques coups de pinceau et cela devient un palace luxueux où tous les plaisirs sont permis. La pression sur l'immobilier est telle que tous les coups sont permis. Avec la complicité de responsables corrompus, tout s'achète. Des quartiers entiers sont passés entre les mains de promoteurs étrangers prêts à tout pour accaparer la ville.
Ce rush des promoteurs immobiliers européens n'a pas concerné que les Riads. C'est toute la ceinture de la ville qui voit pousser de nouveaux immeubles à l'européenne. Marrakech cède au modernisme : des boutiques de grandes marques et autres résidences de luxe sortent de terre et transforment le visage de la “ville rose”. Les autorités locales ont préféré appeler cette nouvelle agglomération Guiliz, histoire de la distinguer de la vieille médina.
Le tourisme industriel a fait que les hôtels se disputent la place aux habitations, au point où des îlots entiers sont squattés par des hôtels. La pression est tellement forte que les nouveaux hôtels sont édifiés toujours un peu plus loin de la ville, ce qui donne lieu à de gigantesques complexes touristiques sans âme. Et tous ces complexes déversent, par le biais d'une noria de bus, leurs flots de touristes, sur la vieille ville, créant des embouteillages monstres.
L'engouement des touristes pour tout ce qui est folklorique, exotique et original est, ici, exploité à l'échelle industrielle. Ainsi, à une trentaine de kilomètres de la vieille ville sont érigés, en plein désert, des palaces ressemblant à ceux des Mille et Une Nuits, où les touristes sont servis à satiété : méchouis, baroud, fantasia, jusqu'au tapis volant d'Aladin.
De gigantesques kheimas sont édifiées dans un décor à la hollywoodienne. Le tout pour accueillir chaque soirée des milliers de touristes à qui on oblige, dès la muraille d'entrée, des photos qui seront payées en cours de soirée. Des mannequins et autres danseuses sont là pour meubler le décor et déplumer davantage les visiteurs d'un soir. À la fin de la soirée, c'est un véritable barrage qui se dresse au sortir des palaces pour vous faire payer les photos prises sans votre accord.
C'est, d'ailleurs, le même concept à la place de Djamaâ Lefna : là où vous posez le regard, là où vous voulez prendre une photo, il faut payer. Même le serveur d'eau vous fera boire dans sa tasse en cuivre pour vous exiger de payer ensuite. Les dresseurs de singes et autres dresseurs de cobras. Il y en a même qui se sont résolus à exhiber des cobras en plastique.
La place de Djamaâ Lefna, célèbre pour son animation populaire, perd, de jour en jour, de son originalité. Jadis, les Marrakchis, après une sieste sacrée, s'y retrouvaient pour s'amuser et donner libre cours à leurs sentiments et leurs talents. Aujourd'hui, les artistes, les magiciens et autres diseurs de bonnes paroles ont cédé la place à de piètres figurants qui s'agitent au regard du premier touriste.
La vieille ville perd, de jour en jour, son charme, croulant sous le poids du tourisme de masse. La mode des Riads a attiré des investisseurs d'un genre nouveau qui ont pris le contrôle de toute la ville au point où il ne reste plus, pratiquement, de Riads à vendre.
Du coup, ces investisseurs, aidés par une administration locale corrompue, se sont rabattus sur des vieilles bâtisses qu'ils ont démolies, pour y construire de faux Riads, et les proposer aux Européens charmés par cette idée d'avoir un palace digne des Mille et Une Nuits pour l'équivalent du prix d'un trois-pièces en banlieue européenne.
L'un des rares Riads de la vieille ville a échappé de justesse à la razzia des investisseurs européens, qui ont tout fait pour l'acquérir, allant jusqu'à acheter tout le quartier qui l'entoure. Propriété d'un ancien vizir, qui l'avait édifié pour ses nombreuses femmes et concubines, il est actuellement un des lieux les plus visités de Marrakech. Il n'a dû son salut qu'à l'intervention d'une des princesses qui connaît les propriétaires de la demeure.
Mais l'affaire des Riads commence à prendre des proportions inquiétantes, poussant le gouvernement marocain à sévir. Pas moins d'une centaine de Riads ont été fermés ces derniers temps. Leurs nouveaux propriétaires les ont transformés en maisons closes. Drogue, prostitution et pédophilie collent, désormais, à l'image des Riads, ces maisons luxueuses, cachées derrière des murailles anonymes.
Cette situation risque de faire tâche d'huile. D'autres villes anciennes du Maroc sont dans la cible des promoteurs immobiliers. À Fès, ancienne capitale du royaume, les propriétaires des Riads se sont organisés en association pour empêcher que leur ville ne subisse le même sort que Marrakech.
Le produit Marrakech continue à drainer de nombreux touristes, surtout durant le printemps, en dépit de la crise financière mondiale, et ce, en raison des tarifs pratiqués par les agences de voyages européennes, qui proposent des séjours, tous frais payés, à moins de 500 euros la semaine.
Le petit aéroport de Marrakech, Manara, est plein à craquer. Dès l'aube, tous les vols affichent complet. La flotte marocaine étant insuffisante, on fait appel à des avions affrétés, sans compter les multiples compagnies charters. Tant pis si le surbooking fait quotidiennement des victimes et si les chaînes interminables se forment devant les guichets et auprès des agents de la police des frontières. L'essentiel c'est que le produit se vende bien, qu'il soit à la portée des bourses européennes.
Mais pour combien de temps ? Personne ne le sait. Les Tunisiens ont déjà usé à fond cette formule jusqu'à essoufflement. Ils sont actuellement en train d'innover en introduisant de nouvelles offres, telles que le tourisme thermal ou encore le tourisme médical.
À force de chercher à ramener le maximum de touristes à Marrakech, on est en train de vider la ville de son âme en la remplaçant par des hôtels et autres résidences-appartements. Au train où vont les choses, la ville se videra de ses habitants, de ses habitations, au profit des nouveaux projets hôteliers et immobiliers.
A. B.


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