Drapeaux brandis, déployés aux fenêtres des appartements, l'emblème national aura été à la fête après les deux victoires du onze national dans ces éliminatoires combinées Mondial-Coupe d'Afrique. À Oran, petits et grands ont exprimé leur joie et leur soif de victoire à travers le déploiement de la bannière rouge, blanc, vert. Une attitude que beaucoup d'observateurs ont vite fait d'assimiler à un retour vers un nationalisme mort et enterré par le divorce de toute une génération d'avec ses gouvernants. Cependant, cet aspect festif ne vaut que par cette manifestation corporelle dont la lecture pourrait différer d'une couche sociale à une autre. Pour la nouvelle vague “tchitchi” oranaise, celle du “Lebanon” et des boîtes de nuit du Sheraton et du Sun, la victoire n'est qu'un prétexte pour s'afficher. Couleurs nationales peintes sur les visages, une vocation patriotique en étendard, des jeunes filles défilent en voiture, le drapeau flottant au vent. Pour Nesrine, étudiante, les victoires de l'équipe nationale les ont réconciliées avec l'amour des couleurs. “J'assimile volontiers ces victoires au drapeau national”, dira-t-elle, tout en avouant, un peu confuse, qu'elle n'a jamais levé ou touché un drapeau de sa vie. “I love Algeria”, crie sa copine, une grande fan d'Antar Yahia, qui crie haut et fort son amour du pays. Sur le Front de mer, les mêmes images de liesse se répètent. Un couple d'émigrés, installé à Lyon, ne cache pas sa joie. “C'est beau d'être Algérien”, s'exclame Abdellah, qui ajoutera dans la foulée : “Ils nous ont réconciliés avec l'Algérie.” De là à parler de la renaissance de la flamme nationaliste, il n'y a qu'un pas que beaucoup hésitent à franchir. Pour Sadek, licencié en sociologie, “ce retour vers les couleurs ne peut être que conjoncturel et, passé l'euphorie de la victoire, c'est la réalité du quotidien qui reprendra ses droits”. Pour lui, on est en plein dans un phénomène de mode et comme toute mode, elle a son temps. “Après le patriotisme économique de Ouyahia, on assiste aujourd'hui à un patriotisme sportif.” À El-Barki, l'un des quartiers de l'arrière-cour d'Oran, des jeunes, à peine sortis de l'adolescence, se drapent dans des drapeaux usés, des tongues aux pieds. Houari, une des nombreuses victimes de l'école de Benbouzid, aura un grand sourire à l'évocation du terme de nationalisme. “L'amour du pays, tu parles de quoi ‘chriki' ?”, répondra-t-il avant de nous montrer ses semelles. Pour lui et ses amis, ces victoires ne valent que par leur portée sportive et il ne faut rien voir de “politique” dans leur joie. “On n'a jamais voté et les drapeaux on les a volés lorsqu'on les sortait lors des visites de Bouteflika à Oran”, affirmera Nabil, 25 ans, chômeur professionnel, comme il se définit. “Ce n'est pas que je n'aime pas mon pays mais il ne m'a rien donné”, explique-t-il. À l'USTO, un autre quartier populaire, Majid est drapé de la tête aux pieds dans un drapeau grand format. “One, two, three, viva l'Algérie !”, chante-t-il en brandissant deux doigts en signe de V. Son rêve ? Que l'Algérie se qualifie pour la Coupe du monde et que la chance lui sourie pour tenter sa chance sur un bateau en partance vers l'Espagne.