Le président de la Commission électorale nationale indépendante (Ceni) a rendu l'âme, samedi, dans un hôpital parisien. Âgé de 57 ans, Ben Sékou Sylla était, certes, malade, mais sa mort a tout de même surpris tout le monde à Conakry. Condamné par contumace à un an de prison ferme suite à des irrégularités constatées lors du premier tour de scrutin en juin dernier et à une plainte déposée par le RPG, parti du candidat Alpha Condé, arrivé en seconde position et qui a dénoncé des “fraudes gigantesques”. Les violences, qui ont fait un mort et cinquante blessés samedi et dimanche derniers, sont en partie une conséquence de sa condamnation mal digérée par les partisans du grand vainqueur du premier tour, l'ancien Premier ministre Cellou Dalein Diallo, qui a engrangé pas moins de 44% des suffrages exprimés. Ben Sékou Sylla était également très respecté pour son parcours militant. Il a été coordinateur national des organisations de la société civile et un leader du mouvement populaire de 2007, réprimé dans le sang par le régime de Lansana Conté. Ces violences ont conduit le gouvernement de transition à suspendre la campagne électorale et à interdire toutes les manifestations de rue. Suite à ces évènements, le Premier ministre de la transition, Jean-Marie Doré, a reçu séparément, lundi, les deux candidats en lice pour le second tour et les a exhortés à peser sur leurs partisans en vue d'un apaisement. À l'issue de la rencontre et jusqu'à mercredi, aucune décision n'a été prise quant au maintien ou non du second tour ce dimanche. Le Premier ministre a également demandé aux dirigeants de la Ceni, toujours contestée par le candidat Alpha Condé, de lui présenter l'état d'avancement des préparatifs du second tour. Pour ce faire, il devait les recevoir hier, et c'est à l'issue de cette rencontre qu'une décision relative au maintien ou au report du scrutin devrait être prise. Mais quelle que soit la décision prise, elle mécontentera l'une des parties. Si Cellou Diallo, fort de ses 44% au premier tour et bénéficiant du désistement à son profit d'un candidat ayant réalisé un score de 13%, souhaite le maintien du second tour à la date prévue du 19 septembre, son adversaire Alpha Condé, lui, qui n'a totalisé qu'un peu plus de 18% des suffrages, aurait tout intérêt à ce que le rendez-vous soit reporté. Son parti a d'ailleurs émis deux conditions pour sa participation : affichage des listes électorales et ouverture de nouveaux bureaux de vote dans plusieurs régions enclavées. D'un point de vue arithmétique, l'affaire semble entendue et l'ancien Premier ministre devrait l'emporter. Mais, Alpha Condé ne l'entend pas de cette oreille. Il invoque son passé d'opposant historique, condamné à mort par Sékou Touré et emprisonné par Condé. Se réclamant de Nelson Mandela et de Barack Obama, le candidat malinké de 72 ans considère que les résultats du premier tour ne sont pas fiables, et joue aussi sur la corde tribale, ne désespérant pas de fédérer l'ethnie de Cellou contre l'ethnie peule, majoritaire dans le pays mais régulièrement tenue hors du pouvoir. De quelque côté qu'on prenne le problème, la Guinée fait face à une gageure. Comment faire pour éviter le vote ethnique qui sèmerait les graines d'affrontements et de drames futurs ? Quand bien même l'élection se tiendrait dans un climat apaisé, ce qui est loin d'être gagné, comment remettre sur pied un pays rendu exsangue par les tyrannies consécutives de Sékou Touré, Lansana Conté et l'inénarrable Moussa Dadis Camara ?