Dans ce drame aérien, la lenteur culmine, et l'homme cherche désespérément à donner un sens à sa vie. Mais comment trouver sa voie dans un monde qui préfère l'exclusion à l'intégration, le châtiment au pardon, la mort à la vie ? Les deuxièmes Journées cinématographiques d'Alger se sont ouvertes avant-hier à la Cinémathèque algérienne. Présenté en avant-première, Quelques jours de répit (Algérie/France) d'Amor Hakkar est un drame qui croise le destin de trois personnages, dont chacun cherche à donner du sens à sa vie, à retrouver cette chimère qu'on appelle l'espoir. Même si tout commence bien, il faut l'avouer, Catherine Ringer (du groupe Rita Mitsouko) avait raison, “les histoires d'amour finissent mal… en général”. Quelques jours de répit (1h20), c'est l'histoire de Moshen (Amor Hakkar) et Hassan (Samir Guesmi), un couple d'homosexuels qui ont quitté la République islamique d'Iran pour la France, afin de vivre en toute liberté. Ils entrent clandestinement en France et atterrissent à Saint-Claude. En traversant la ligne de chemin de fer, ils croisent un homme allongé sur les rails. Il les accueille chez lui, mais après leur départ, il se suicide, ce qui affectera grandement Hassan. Arrivant à la gare, Moshen fait la connaissance de Yolande (Marina Vlady) qui lui offre du travail chez elle (repeindre son salon). Alors qu'elle n'attendait plus rien de la vie, menant ainsi une existence spleenétique, Yolande tombe amoureuse de Moshen ; et même si elle finit par apprendre qu'il était en situation irrégulière, ceci n'a rien changé pour elle. Il est ce changement qu'elle attendait tant. Après quelques jours d'idylle pour Yolande, et de répit pour Moshen et Hassan, tout bascule, la réalité finit par rattraper les personnages. Quelques jours de répit qu'on peut par facilité considérer comme étant un hymne à la tolérance (et il l'est !), est bien plus profond que cela. Ce film aérien, sans chichi et sans cliché, s'intéresse au drame de l'homme moderne, qui vit dans un monde ivre de puissance, qui lui vend toutes sortes de concepts (amour toujours, liberté, égalité, intégration, etc.). Difficile d'être le héros de sa vie ! Pourtant, Moshen et Hassan croient (du moins au départ) qu'ils peuvent changer le cours de leur vie, qu'ils peuvent vivre heureux, libres et sans contraintes, mais la réalité les rattrape. Avec le suicide de l'homme qu'ils sauvent des rails, ils réalisent que le bonheur est quelque chose de tellement dur à trouver, que même l'égalité et la liberté n'y peuvent rien. Contrairement au couple iranien, Yolande ne croit plus en rien. Et ce qui est extrêmement intéressant chez elle, est qu'elle ne se pose pas de questions. Sa vie est vide et triste, mais ça ne semble pas la tourmenter. Le réalisateur, Amor Hakkar (qui s'est inspiré d'une photo dans un journal pour imaginer un scénario) a opté pour des plans larges, et des scènes sombres, voire même obscures (les tunnels). D'ailleurs, l'une des premières et plus belles scènes du film est celle où le cinéaste filme l'entrée des comédiens dans un tunnel. Mais à aucun moment en entrevoit le bout de ce long tunnel qui représente l'inconnu, mais également le désarroi des personnages et l'inquiétude qu'inspire le monde moderne. Amor Hakkar a préféré la suggestion, la proposition et fait l'éloge de la lenteur. La lenteur qui caractérise tant les mentalités qui prennent trop de temps pour évoluer. Le réalisateur nous permet de nous interroger sur la vacuité de l'existence et la difficulté de trouver sa place dans un monde qui préfère l'exclusion à l'intégration, le châtiment au pardon, la mort à la vie. C'est le travail de toute une vie. CQFD !