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Les Tunisiens fiers de leur révolution et inquiets de leur avenir
Ils sont appelés à une élection historique le 23 octobre prochain
Publié dans Liberté le 26 - 09 - 2011

Libérés du joug des Ben Ali-Trabelsi, les Tunisiens sont appelés à élire le 23 octobre prochain l'Assemblée constituante qui aura pour tâche de doter le pays d'une Constitution. Entre temps, chacun y va de sa propre appréciation de la révolution. Virée dans les rues tunisennes de l'après-dictature.
“Maarhaba fi Tounés athawra” (bienvenue à la Tunisie de la révolution), c'est par cette formule, appuyée d'un large sourire que Raouf, un jeune de quarante ans, à l'allure bonhomme, nous accueille, en ce mardi 22 septembre au hall d'attente de l'aéroport de Carthage. “Révolution” : un mot à la mode, un mot aux résonances magiques que notre hôte du jour met presque un point d'honneur à répéter avec fierté, comme un soldat de retour d'une homérique bataille qui afficherait les insignes de la Légion d'honneur. Il fait beau à Tunis. Il y fait surtout bon vivre, depuis que le régime Ben Ali et Trabelsi est tombé. “Mahlaha Tounés, bla Ben Ali oua rabaïn loussos” (qu'elle est délicieuse la Tunisie sans Ben Ali et les 40 voleurs !), lit-on sur un graffiti tagué en gros caractères sur un mur de la rue de France à quelques pas de la célèbre Bab El-Bahr, version locale de l'Arc de Triomphe parisien. Environ minuit, Tunis ne dort pas encore. Tunis respire la liberté. Tunis fait la fête. Les rues sont animées. La circulation est dense. Avenue Habib-Bourguiba, un groupe de jeunes visiblement un peu “allumés” se délectaient à grands éclats de voix à se raconter les frasques du couple présidentiel déchu. “Les Tunisiens sont plus expansifs, plus ouverts et surtout moins méfiants. Ils ont d'une certaine façon retrouvé l'usage de la parole”, admet Adnan Hafnaoui, un célèbre blogueur de la place de Tunis qui revendique aujourd'hui la paternité de la formule “la révolution du Jasmin”. Il a choisi cette plante emblématique du pays comme une allégorie de la révolution, à l'instar des œillets pour la révolution du Portugal en avril 1974 contre le dictateur Salazar. “Les Tunisiens sont plus sereins”, convient pour sa part madame Essid, magistrate à la Cour des comptes de Tunis. En un mot, “les Tunisiens sont sur un nuage”, pour emprunter la formule de la consœur Sophia Hamani qui fait partie de la structure en charge de la sauvegarde de la révolution.
Le revers de la révolution
Mais cette euphorie collective a son revers de médaille : le relâchement de l'autorité qui se manifeste à plusieurs niveaux. Pour quelqu'un qui a connu la Tunisie avant la révolution et maintenant, la comparaison est facile à faire. “Je suis sortie avec mes copines au centre-ville mardi soir, on a dû vite rentrer à l'hôtel”, raconte Assia, une Algérienne qui travaille pour une ONG internationale. Il est vrai qu'à l'époque de Ben Ali, un regard malveillant sur un touriste pouvait conduire son auteur en prison. Au pays de Ben Ali, le touriste était roi. “Avant, je conduisais sans problème, mais depuis quelque temps, les conducteurs, notamment les jeunes, ne respectent plus les feux de signalisation”, déplore de son côté Hanane, militante d'une association qui pointe ainsi “l'incivisme” qui commence à s'installer. La propreté de la ville de Tunis, avec des ruelles jadis lavées chaque matin à grande eau, n'est plus de mise.
Des poubelles aux pieds de certains immeubles, au niveau du grand boulevard Mohammed V, sont en attente du passage des camions du service de la voirie. Mais il y a pire : la violence. “Il y a des braquages en plein jour”, rapporte un chauffeur de taxi
qui fait part de la difficulté à exercer son métier, la nuit surtout où les agressions sont un des sujets traités dans la presse tunisoise. “J'ai vécu huit ans en Italie, après je suis rentré pour travailler en Tunisie, mais croyez-moi, la démocratie et la liberté ne sont pas faites pour les Arabes”, juge un autre chauffeur de taxi qui, le temps d'une course sur la très célèbre avenue Habib-Bourguiba à l'hôtel Golden Tulipe dans la proche banlieue, a eu tout le loisir de déverser sa bile sur la situation actuelle.
Mieux, il n'a aucun état d'âme à regretter l'ancien régime et sa “discipline” spartiate. “Ce type de raisonnement que vous avez entendu chez le citoyen lambda est simpliste et vise à torpiller la révolution”, avertit encore le blogueur Adnan Hafnaoui qui accuse des responsables de la police encore fidèles à Ben Ali d'être responsables de cette situation. Plusieurs journalistes et représentants d'associations rencontrés à Tunis confirment ces accusations. “Ce sont les proches du système qui répandent ce type d'analyses pour faire croire que c'était mieux avant”, prévient encore un militant des droits de l'homme qui a eu longtemps maille à partir avec la police politique dirigée par Ahmed Bennour, de triste réputation. Le pic de l'insécurité est sans doute atteint par le meurtre de six personnes à Sfax, il y a quelques jours.
Ce meurtre, dont les auteurs courent toujours, a jeté l'effroi parmi la population sfaxienne. La presse tunisienne, qui connaît actuellement une verve toute nouvelle, ne trouve pas toujours grâce aux yeux des citoyens qui l'accusent de participer à la confusion. “Les journalistes ont l'habitude d'écrire sous la dictée ; aujourd'hui qu'il y a la liberté de la presse, ils écrivent n'importe quoi, ils ne se rendent pas compte de leur responsabilité dans cette conjoncture particulière que traverse le pays”, estime un universitaire qui en appelle à “la responsabilité et à la lucidité” des journalistes. La corporation des journalistes, qui vit la révolution à son niveau, est consciente de cet état de fait. Jeudi, l'association des journalistes tunisiens, en collaboration avec une ONG bruxelloise, a organisé une journée d'étude sur “le rôle de la presse dans la phase de transition”. Au-delà des uns et des autres, un consensus s'est dégagé en faveur d'“une charte pour mettre de l'ordre” dans la profession “avant le 23 octobre”, date de l'élection de l'Assemblée constituante qui dotera le pays de sa future Constitution.
Le déferlement des libyens
Comme si les Tunisiens n'en ont pas assez avec les dommages collatéraux de leur révolution, voilà que “les frères libyens” viennent apporter leur grain de sel. Ils sont plus d'un million à avoir fui la guerre en Libye. Le chiffre est impressionnant. C'est le Premier ministre Beji Caïd Essebsi qui l'a révélé lors de la rencontre de Gammarth sur le modèle social tunisien. Ce modèle social en a pris un coup du fait de cet exode massif de Libyens qui ont traversé la frontière avec des mallettes de dollars. “Je ne peux pas acheter les fournitures scolaires à mes enfants, les prix ont triplé à cause des Libyens”, s'est emporté un taxieur. Un autre citoyen, rencontré au hasard d'une discussion, accuse les Libyens de tout acheter. “On ne trouve plus d'eau minérale,” enrage-t-il.
L'immobilier connaît également une envolée. Les dollars libyens, s'ils font le miel des grands hôteliers, des commerçants et des promoteurs immobiliers, n'arrangent certainement pas les affaires du Tunisien lambda qui voit son pouvoir d'achat, déjà fragile, être grignoté. Et cela n'est pas sans créer un sentiment de profonde animosité vis-à-vis des Libyens à qui on reproche aussi leur “arrogance” toute “kadhafienne”. La présence massive de Libyens en Tunisie dégénère parfois hélas en violence. Témoin, le cas de cette jeune Tunisienne du quartier chic d'El-Menzah. Son drame est dans toutes les bouches. Après avoir été violée par un groupe, pris du “syndrome DSK”, elle a été balancée de la fenêtre d'un appartement du cinquième étage.
23 octobre : la journée du Destin
Les Tunisiens espèrent dépasser rapidement la situation de confusion actuelle. Une date est cochée sur le calendrier. Dimanche 23 octobre, le peuple tunisien a rendez-vous avec les urnes. Comment se présente la carte politique à un mois de ce rendez-vous avec l'histoire ? Il y a une explosion exponentielle des partis politiques. Ils sont déjà plus de 100 partis politiques, selon des informations informelles. Une situation qui n'est pas sans rappeler celle que nous avions vécue en Algérie, après la révolution d'Octobre 1988. “On s'est libéré du dictateur, mais le système reste,” estime Sophia Hamani qui souhaite que “les élections réussissent à doter le pays d'une constitution”. Mme Hédia Ben Azoun, magistrate à la Cour des comptes lui fait écho en espérant que “les élections se déroulent dans la sérénité”. La sérénité prend tout son sens dans ce contexte pré-électoral car des partis, des représentants d'association, des journalistes qui sont les fers de lance de la révolution, redoutent un coup fourré de l'ancien régime pour torpiller le processus électoral. Dans la mosaïque de partis qui animent aujourd'hui la scène, beaucoup sont soupçonnés d'être des ersatz de l'ex-RCD.
C'est quasiment un truisme d'entendre des Tunisiens dire que “derrière beaucoup de partis, il y a les anciens hommes d'affaires alliés au régime déchu. Ils cherchent à revenir à travers ces partis en les finançant”. Mais c'est l'énigme Nahda qui suscite des inquiétudes légitimes. Surtout chez les organisations féminines. Ce parti est crédité, selon un dernier sondage de 23% des voix. Mais quelle valeur accorder à cette enquête d'opinion dans un pays où ce type d'instruments n'a jamais existé. Le parti de Ghenouchi est accusé d'avoir un discours à deux vitesses. “À destination de l'étranger et de l'opinion, il multiplie les assurances en s'engageant à respecter le statut de la femme, les valeurs démocratiques, mais avec sa base il tient un discours rétrograde en prônant un retour à un islam rigoriste et des valeurs conservatrices”, explique l'universitaire Adel Khmeyés.
L'autre enjeu des élections du 23 octobre, qui n'est pas des moindres est celui de la participation, dans un pays où les consultations électorales étaient des formalités. “Bien sûr qu'on votera, on s'est battu pour cela”, insiste Lotfi qui parle au nom des ses camarades étudiants rencontrés à l'université centrale de Tunis. Ils attendent de la prochaine assemblée qu'“elle donne du travail aux jeunes diplômés, qu'elle fasse un partage plus équitable des fruits de la croissance”. Et si dans les rues de Tunis, l'ambiance électorale ne bat pas encore son plein, tout le monde souhaite la tenue de cette élection “pour parachever la révolution”. Rendez-vous est pris pour dimanche 23 octobre, “le jour du Destin”, selon le mot du blogueur Adnane Hasnaoui.


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