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La dernière gifle faite à M'hammed Yazid
La présidence ne l'a pas invité à la cérémonie du 1er novembre
Publié dans Liberté le 01 - 10 - 2003

Les dernières phrases prononcées hier par M'hammed Yazid, quelques minutes avant son décès, sont celles d'un homme déçu et infiniment peiné. M'hammed Yazid, l'un des derniers pionniers de la Révolution algérienne, n'a pas été invité à la traditionnelle réception offerte par le président Bouteflika à l'occasion du 1er Novembre.
Chagriné par ce geste d'inélégance de la part du Président, M'hammed téléphone en cette matinée de vendredi à un ami à lui, ancien ambassadeur à la retraite. “Wallah ma âardhouni !” (par Dieu qu'ils ne m'ont pas invité !), lui dit-il au téléphone. Le défunt ne cache pas sa déception : “Qu'est-ce qui reste des hommes du 1er Novembre à Alger, à part Bentobbal et moi ?!”
Vivant ou mort, M'hammed Yazid n'aura pas le privilège d'assister à la cérémonie offerte par Bouteflika. Cette année, le Président a décidé de lancer sa campagne électorale le 1er novembre. Plus de 900 associations sont donc invitées à venir saluer le Président, savourer des petits-fours et faire allégeance au Président-candidat.
Hélas pour Bouteflika, M'hammed Yazid n'est pas et ne sera pas de ceux qui applaudiront au maître du moment ! Et comme sans doute rongée par les remords, la présidence prend attache dans l'après-midi avec la famille de M'hammed Yazid pour lui proposer d'enterrer le défunt dans le carré des martyrs. Tard dans la soirée, on ne connaissait pas encore la réponse de la famille. Qu'il repose en paix dans le carré des martyrs ou dans n'importe quel petit coin d'Algérie, M'hammed Yazid restera un brave.
On ne peut pas dire autant de ceux qui l'ont exclu de la cérémonie commémorant le déclenchement de la Révolution.
Farid. Alilat
M'hammed Yazid n'est plus
Un militant jusqu'à la dernière heure
Le négociateur d'Evian, qui s'est éteint hier, à l'âge de 80 ans, a passé sa vie à poursuivre ses idéaux démocratiques.
C'est une grande personnalité historique et surtout un monument de générosité et de droiture qui s'est éteint, hier matin, à l'âge de quatre-vingts ans. M'hammed Yazid laissera incontestablement un immense vide dans les cœurs de ceux qui l'aimaient et l'appréciaient mais aussi dans les rédactions (notamment celles d'El Khabar, Le Matin, El Watan et Liberté) qu'il avait pris coutume d'arpenter de son pas lourd à chaque fois — c'est-à-dire très souvent — qu'il avait envie de retrouver “ses amis journalistes” ou de replonger dans un univers qu'il affectionnait particulièrement. Un univers auquel il appartenait de plein droit, lui qui a occupé, en premier, le poste de ministre de l'Information dans le gouvernement provisoire de 1958 à 1961. M'hammed Yazid était et restera, sans aucun doute, le seul responsable de ce département à demeurer proche des gens du métier et — ce qui est assez rare pour un homme de son âge — à avoir compris les aspirations des jeunes journalistes ayant investi la profession durant les années 1990.
M'hammed Yazid avait l'habitude de s'inviter aux briefings quotidiens, de couper net les discussions en cours et d'en inspirer d'autres, tantôt sur un fait d'actualité, tantôt sur les évènements du passé. En toute honnêteté, ses incursions dérangeaient parfois les responsables de rédaction, tant il avait tendance à ne plus pouvoir s'arrêter quand il se lançait dans un sujet qui le passionnait, retardant ainsi considérablement la confection du menu de l'édition du jour. Mais nul n'avait le cran de lui enlever la parole. L'homme inspirait trop le respect. Les souvenirs de sa silhouette longiligne, de son visage avenant, de sa prolixité verbale, de ses critiques mi-figue mi-raisin (il avait toujours la franchise de dire ce qu'il pensait des articles de presse), de ses analyses politiques… ne s'effaceront pas aisément de la mémoire de ceux avec lesquels il conversait allègrement. Tous ceux à qui il voulait dédier sa Maison des libertés ne l'oublieront pas de sitôt non plus.
Créer un endroit de confluence des journalistes, toutes générations confondues, était son dernier rêve. Un rêve qu'il n'a pu réaliser à cause du refus des autorités compétentes de lui délivrer l'incontournable agrément. Pourtant, il n'avait besoin de rien d'autre puisqu'il devait abriter “cette maison” dans une aile de sa propre maison.
Aujourd'hui, à son enterrement, il y aura certainement grande foule, dans laquelle se mettront en place d'honneur les officiels de ce pays. Ces mêmes officiels qui le dédaignaient de son vivant, lui qui méritait la vénération tant sa stature est incommensurable. M'hammed Yazid était une partie de la mémoire de ce pays, l'un des derniers vétérans de la Guerre de Libération. Très jeune, il a milité au Parti du peuple algérien (PPA). Il a été ensuite, tour à tour, président de l'Association des étudiants musulmans de l'Afrique du Nord (1946) puis membre du comité central du MTLD (Mouvement pour le triomphe des libertés démocratiques). De 1948 à 1950, il est mis en détention pour “incitation à la rébellion”. Dès qu'il recouvra sa liberté, il réinvestit le terrain du militantisme, mais, cette fois-ci, au Bureau du Maghreb arabe au Caire, avec Ahmed Ben Bella, Mohamed Khider et Hocine Aït Ahmed, après qu'il eut quitté le MTLD en signe de protestation contre la politique de Messali Hadj. Au déclenchement de la Révolution en novembre 1954, il rejoignit naturellement le FLN.
Il fut membre du conseil national du Congrès de la Soummam en 1956, ministre de l'Information dans le gouvernement provisoire, puis élu de l'assemblée constituante. Après le coup d'Etat de juin 1965, il quitta les sphères de commandement du pays. Il représenta pendant un temps son pays au Liban en qualité d'ambassadeur, avant d'occuper le poste de directeur d'information de l'Organisation des pays arabes à Paris, puis celui de directeur de l'Institut des études stratégiques à Alger.
Souhila H.
Hommages et Témoignages
SAID SADI
“Présent et debout”
Jusqu'au dernier souffle, il aura mené un combat qui s'est confondu avec sa vie.
La dernière fois que je me suis entretenu avec lui, c'était à la fin du mois de septembre. Il devait intervenir aux côtés de Hadi Bekkouche dans le colloque international que nous préparions sur l'Afrique du Nord et la Méditerranée occidentale. Ce qui frappait chez cet homme, c'est la permanence de son anthousiasme. Il parlait de la conférence de Tanger de 1958, avec la même ferveur qu'il mettait dans la dénomination des abus de la veille. Atypique dans sa génération, il a toujours engagé sa responsabilité dans toutes ces luttes comme s'il devait se porter candidat le lendemain, lui qui a refusé les mandats depuis longtemps. Mais, il resta avant tout l'homme de la communication, et sa dernière initiative à travers “la maison des libertés”. Rappel qu'il avait compris, lui, que rien de durable ne pouvait se faire sans l'information et, éventuellement, l'adhésion du citoyen. Sublime message que cette vie de parole libre, échappée d'un système de pensée clandestine.
RCD
“Tristesse et consternation”
C'est avec tristesse et consternation que nous avons appris la nouvelle du décès de M'hammed Yazid. M'hammed Yazid, qui a été un des plus illustres porte-parole de l'Algérie combattante, s'est éteint la veille de la date anniversaire du déclenchement de la lutte de libération. Sa disponibilité et son combat en faveur de la démocratie et de la liberté d'expression, n'ont jamais fléchi, il est resté fidèle à ses engagements, même par ces temps troubles. L'Algérie et l'opposition démocratique viennent de perdre un de leurs plus grands défenseurs.
Le Président du RCD et l'ensemble du collectif militant du Rassemblement, présentent à la famille du défunt ses condoléances les plus attristées et l'assurent de leur sincère sympathie.
Le RCD
Hamid Lounaouci
Ahmed Ouyahia
“Il a servi le pays avec loyauté”
De son côté, le Chef du gouvernement, M. Ahmed Ouyahia, a exprimé, dans un message similaire, “son soutien et sa compassion” avec la famille du défunt et ses compagnons d'armes, affirmant que l'Algérie vient de perdre l'un de ses valeureux enfants qui “se sont sacrifiés pour elle et ont fait entendre sa voix dans les forums internationaux”. Le Chef du gouvernement a également salué les positions nobles du défunt qui a poursuivi son combat pour la liberté et la dignité de notre pays après le recouvrement de sa souveraineté, avec courage, loyauté et dévouement.
PARTI DU FRONT DE LIBERATION NATIONALE
“Nous perdons un aîné”
M'hammed Yazid, militant nationaliste de la première heure et figure de proue de la diplomatie algérienne durant la Guerre de libération nationale et après l'indépendance, nous a quittés ce jour, après avoir dédié sa vie au service de son pays.
Quelle étape marquante retenir de la vie si riche et si dense de militantisme de M'hammed Yazid ?
Nous garderons de lui, évidemment, le souvenir du militant nationaliste, qui a porté haut et fort la voix de l'Algérie combattante dans les forums internationaux.
Comment ne pas se remémorer, en cette instant de deuil et de recueillement, le professionnel de l'information, qu'il a toujours été et qu'il n'a cessé d'être.
La diplomatie de l'Algérie indépendante gardera de lui le souvenir d'un diplomate chevronné, rompu aux arcanes de la négociation internationale et d'un patriote jaloux de l'image de l'Algérie et de sa crédibilité internationale.
À l'heure où il pouvait légitimement aspirer au repos, M'hammed Yazid se consacra au développement des études stratégiques dans notre pays et nombre de nos experts dans ce domaine lui témoignent une reconnaissance sans limites.
Les militantes et les militants du parti du FLN garderont, pour leur part, l'image de sa fidélité aux idéaux du parti, malgré les vicissitudes et les aléas de l'histoire et encore dernièrement, il a tenu à l'heure de l'épreuve de vérité, à marquer sa présence solidaire avec le parti et ses militants.
C'est avec le sentiment de perdre un aîné, dont la vie s'est mêlée avec l'histoire de l'Algérie, que je m'incline à sa mémoire, au nom de l'ensemble des militants du parti.
Quel meilleur hommage rendre à M'hammed Yazid, que celui de dire, que seule la mort pouvait faire taire cette voix de vérité et de patriotisme, et quel meilleur symbole que celui de nous quitter à la veille du 1er Novembre, toi Si M'hammed, dont la vie et le souvenir constitueront des exemples de l'amour de l'Algérie pour les générations actuelles et futures.
Le secrétaire général, Ali Benflis
Karim Younès
“Une grande perte en cette période décisive”
“C'est avec une grande tristesse que j'ai reçu, ainsi que l'ensemble des députés de l'Assemblée populaire nationale (APN), la nouvelle de la mort du moudjahid M'hammed Yazid. Ce grand militant était un homme de la trempe des nobles, qui est élevé dans les principes de la fidélité à la patrie. Il a sacrifié sa vie en la servant. Il peut être fier, lui qui a choisi la voie la plus ardue, en rejoignant la Révolution pour en devenir un de ses artisans. Il peut être fier, lui qui a assumé un poste sensible au sein du Gouvernement provisoire de la révolution algérienne (GPRA). Ce qui lui avait permis d'être parmi la délégation des négociateurs qui avait conclu les accords d'Evian. Il a été le témoin de l'une des plus grandes victoires réalisées par les révolutions populaires du siècle dernier.
Outre sa grande contribution lors de la Guerre de libération, le défunt compte parmi ceux qui ont contribué à l'édification de l'Etat-nation moderne... Même en atteignant l'âge de retraite, il choisit le combat pour la liberté. Il a défendu la liberté de la presse avec force et sincérité et la Maison des libertés qu'il a créée dernièrement, avec ses propres moyens, témoigne des idées et des principes pour lesquels il a combattus. Il a voulu qu'ils soient partagés par tous les Algériens et Algériennes.
En Monsieur Yazid, nous avons perdu un des hommes qui ont élevé haut l'étendard de l'Algérie, qui l'ont servie dans le silence et avec modestie.
Sa disparition, aujourd'hui, est une grande perte en cette période décisive de l'histoire de notre pays.
En mon nom personnel et au nom des députés de l'Assemblée populaire nationale, je présente mes sincères condoléances au peuple algérien, aux moudjahidine et à la famille du défunt.”
Comité des citoyens pour la défense de la république (CCDR)
“Une figure emblématique”
Avec M'hammed Yazid disparaît une figure emblématique de la Révolution algérienne. Le CCDR s'incline devant la mémoire de ce combattant pour les libertés et présente ses condoléances attristées à sa famille.
Pour le bureau national,
Le président du CCDR,
Salah Boubnider
Sa dernière interview à Liberté
“Le Président ne jouit plus du soutien de l'Armée”
Ancien diplomate, grand ami de la presse à laquelle il a dédié une Maison des libertés, M'hammed Yazid était prompt à prendre la parole pour défendre ses idées. Bien plus, il était le seul “homme politique” à se rendre régulièrement dans les salles de rédaction, à donner son point de vue, à prodiguer des conseils. Le 17 septembre dernier, il s'exprimait dans les colonnes de notre journal. Nous avons décidé de republier cet entretien tant il reste, au-delà d'un fidèle portrait en creux de l'homme, d'une brûlante actualité.
Liberté : Comment expliquez-vous les harcèlements et les pressions que ne cesse de subir la presse depuis quelques semaines déjà ?
M'hammed Yazid : Les harcèlements, les mesures d'oppression et les poursuites judiciaires s'expliquent par le fait qu'on continue d'avoir comme gestionnaires des affaires du pays des gens qui ne croient pas à la démocratie, qui sont toujours opposés aux balbutiements de la liberté d'expression, depuis 1988, et qui étaient contre la Constitution de 1989 qui a introduit le multipartisme dans la vie politique. Ces mêmes gens ont été amenés et installés à la tête du pays par un système qui perdure depuis l'indépendance. À partir de 1962, nous avons connu une usurpation du pouvoir par des institutions qui s'inscrivaient dans la logique du parti unique. Et cela explique les développements qui nous ont amenés à avril 1999 où un Président dit de “consensus” a été installé à El-Mouradia à la suite d'une mascarade électorale. Je dois ajouter que ce système politique approche de sa fin. Et que, non seulement parce qu'une institution comme l'armée a décidé de se retirer, disant formellement, de la vie politique, tout en y demeurant, mais également parce qu'elle ne veut plus assumer la responsabilité de la gestion des affaires du pays. Je pense, cependant, qu'il est normal qu'elle préserve son droit à intervenir dans des contextes définis par la Constitution.
Ne voyez-vous pas, à travers ces pressions, comme l'accréditent certains observateurs, les conséquences des luttes de clans au sommet de l'Etat ?
Je considère que les gouvernants du pays réalisent qu'ils ne bénéficient plus du soutien de l'armée. Ils considèrent qu'il ne leur reste qu'une arme : l'administration dont ils veulent faire un instrument, non pas de gouvernement, mais un instrument de pouvoir. Ajoutez à cela, depuis 1999, il a été prouvé que nous avons à la tête du pays des gens qui ne croient pas au dialogue politique, qui ont une approche réductrice de la société politique et de la société civile et qui, plus grave encore, ne sont pas mus par ce qu'on appelle le régionalisme, je dirais entre parenthèses, que j'ai toujours essayé de supprimer la référence au régionalisme dans les projets de Constitution depuis 1962.
Parce que le régionalisme au fond est quelque chose d'acceptable, de compréhensible. Ce n'est pas le régionalisme qui constitue la base des gouvernants actuels, c'est un esprit de clique, un esprit de copinage, de groupes d'intérêts. C'est pour cela que nous avons affaire à un Président qui s'entoure de proches, dans le sens de membres de la famille ; de proches par intérêt ; de proches, non pas par région, mais par douar d'origine.
Alors, ces gouvernants, à leur tête Bouteflika, sont des gens affolés. Des gens qui réalisent que, malgré toutes les tentatives d'étouffer le multipartisme, de supprimer les libertés, il reste une vie politique qui est limitée à la presse privée dite indépendante — l'expression est de l'Unesco pour désigner que cette presse est indépendante de l'Etat.
Ce qui fait d'elle le seul contre-pouvoir dans le pays. Alors, les mesures prises contre la presse traduisent un affolement, une panique. Et je dirais que c'est une tentative qui n'a aucune chance d'aboutir. Le peuple algérien a soif d'informations et de débat politique.
À côté de cela, l'utilisation des médias lourds et de la presse publique qui n'ont aucune crédibilité, ni à l'extérieur ni à l'intérieur, fait que le pouvoir, ne pouvant débattre politiquement avec la presse indépendante, a décidé de la supprimer. c'est une qualité
Donc, pour vous, Bouteflika ne jouit plus du soutien des militaires…
Je pense que ce mythe de l'armée — par mythe, j'entends cette réalité passée de l'armée installant un candidat à El-Mouradia — est dépassé. L'ANP est absolument dépassée. Il y a des indications : ce qu'a dit Mohamed Lamari dans le magazine Le Point, ce sont des choses que j'ai dites en 1998 et je pense qu'il est sincère dans ses propos. Je suis de ceux qui disent que l'ANP est issue du peuple et incarne le peuple.
Comme le peuple, elle est plurielle. Idéologiquement, politiquement et culturellement, plurielle dans sa composante. Elle connaît les mêmes problèmes, celui de l'évolution et des rapports entre générations. Je crois sincèrement qu'aujourd'hui, l'armée a tiré la leçon du passé.
Donc, Bouteflika bénéficiant de l'appui de l'armée, c'est de la fabulation.
Et c'est de la fabulation aussi de dire qu'il a des soutiens extérieurs, que Bush et Chirac seraient ses directeurs de campagne. J'irais même plus loin : je dirais même que les émirs du Golfe vont finir par retirer leur billet du jeu algérien.
Et comment analysez-vous la crise qui secoue actuellement le FLN ?
En ce qui concerne le FLN, je dois rappeler que je me suis retiré du CC volontairement. Après 1988, au début 1989, contre mon souhait, on m'a mis au CC.
J'ai pris la décision de me retirer en disant que le FLN doit s'adapter à l'évolution du pays, qu'il doit passer la main à de nouvelles générations et qu'il doit s'inscrire dans un système de multipartisme, sans se mettre dans l'échafaudage étatique.
À l'époque, j'ai dit qu'il devait se retirer du système Etat-parti, parti dépendant de l'Etat. Après toutes ces années, les derniers développements qu'a connus le FLN, notamment au VIIIe congrès, les décisions du CC, le discours du SG, s'inscrivent dans mes souhaits historiques. Cette tentative du FLN de se libérer du carcan de l'Etat est quelque chose de très positif. La présidentielle, c'est autre chose et c'est trop tôt pour en parler. Mais j'ai dit et expliqué à ceux qui ont brandi l'étendard de la libération du parti de l'Etat que le pays est en jachère, où il n'y a plus de parti politique, de société civile. Quand une plante, comme le FLN, pousse dans cette jachère, il faut l'entretenir et la soutenir. Maintenant, la réaction des gouvernants, de la présidence, du ministre de l'Intérieur, des ministres dépendant de la culture de clique et de douar, l'attitude revancharde de quelques députés non contents de n'avoir pas été retenus au CC et à la députation, c'est une réaction de panique. Quant au ministre de l'Intérieur, Nouredine Zerhouni, dit Yazid, sa réaction est indicative d'un état d'esprit scandaleux. Je n'ai jamais rencontré dans ma carrière un responsable qui utilise l'expression “je”, qui a le culte de “je” : c'est un comportement qui semble ignorer la Constitution, les institutions et même la loi. Donc, quand on déclenche une campagne et on ramasse à droite et à gauche des résidus du système ancien, vomi par la population, par les jeunes, et qu'on veuille redresser le FLN, en faisant appel à des personnes politiquement caméléons, je considère tout cela amusant et inefficace.
Que pensez-vous de la désignation de Belkhadem à la tête du mouvement de “redressement” du FLN ?
Pour être sincère, quand j'ai appris la nouvelle, je me suis posé la question : “Qui est Belkhadem ?” Et, jusqu'à présent, je n'ai pas trouvé de réponse.
La situation est aujourd'hui critique. Tous les indicateurs sont au rouge. Comment appréhendez-vous l'évolution de la situation ?
Je crois que la situation peut être décrite comme un moteur qu'on déboulonne de toutes parts. Il y a une incapacité de gestion du pays, une incapacité de gouvernance. Vous savez, lorsque certaines institutions internationales parlent de gouvernance, elles utilisent cette expression uniquement pour les pays où elles considèrent qu'il n'y a pas de démocratie. L'Algérie est perçue comme un pays qui n'est pas encore en démocratie. Donc, une non-gouvernance. Il y a une absence totale de vision d'avenir et une absence totale du sens de l'intérêt national.
Je vais vous donner un exemple : on parle, ces jours-ci, des ordonnances qui vont être soumises à l'Assemblée et quelle serait l'attitude des partis, notamment sur la plus importante d'entre elles, qui est celle de la monnaie et du crédit qui vise un renforcement du contrôle du gouvernement sur la Banque d'Algérie et mettre fin ainsi à ce qui lui reste comme autonomie. Ce débat ne se pose pas uniquement en Algérie. Il se pose aussi dans certaines sphères internationales et je vous assure que si jamais cette ordonnance passe, nous allons avoir une révision complète de l'attitude du FMI, de la BM (Banque mondiale) et de l'OMC. ça va tout remettre en cause. On parle à l'heure actuelle du secteur bancaire privé algérien. La situation de Khalifa et celle des autres banques relèvent de la seule responsabilité du gouvernement car la Banque d'Algérie a été castrée de ses pouvoirs. Dans le lieu même où je vous reçois, il y a plusieurs mois, un des ambassadeurs d'un des pays les plus importants m'a dit quelques semaines avant son départ : “Les banques privées qui sont chez vous et qui bénéficient de l'indulgence de votre Etat sont des caisses de dépôt à distribuer à des amis.”
C'était un jugement. Vous croyez que le scandale d'El Khalifa Bank a éclaté à la suite du contrôle du ministre des Finances ou de la Banque d'Algérie ? Le début du processus est venu de l'étranger, des institutions financières, qui a attiré notre attention sur la situation de ces banques. Et ça a été la panique. Même les mesures initiées ont été prises dans la panique.
Cette situation, conjuguée aux problèmes sociaux, la pauvreté, le chômage, un système sanitaire moribond, la crise en Kabylie qui du reste n'a rien de régionale, fait que nous ne pouvons pas obtenir des partenaires sérieux étrangers pour régler ces problèmes. Je parle de l'économie et des infrastructures.
Nous n'avons aucune crédibilité en tant qu'Etat sur le plan international. Ce qui est en baisse vertigineuse, c'est la cote de nos engagements comme Etat. On parle beaucoup de nos réserves en devises qui s'accumulent, mais on oublie que nous n'avons aucune réserve en crédibilité. En politique, comme en diplomatie, le plus important c'est ce qu'ils disent en notre absence. En Algérie, l'opinion rejette le système de gouvernement actuel, alors que l'opinion internationale se demande ce que veulent les gouvernants, sinon qu'ils n'ont aucune capacité, voire aucune volonté de tenir leurs engagements. C'est un pays qui est géré par des discours et donc des mois qui viennent dépend notre avenir.
Au regard de tout ce que vous venez d'évoquer, comment se présente à vos yeux la prochaine élection présidentielle ?
Il est trop tôt de dire qui je pense pourrait être le bon Président. Nous n'y sommes pas encore arrivés. Nous sommes loin d'y arriver même. Moi, je dis une chose, qui est une certitude, à laquelle je crois. Le renouvellement du mandat du Président actuel signifie automatiquement la fin de notre avenir. Je ne parle pas uniquement des conséquences, de la fitna, de la désobéissance civile ou de la guerre civile qui risque de s'installer dans ce pays.
L'expérience du candidat du consensus ne risque donc pas d'être rééditée…
Non, je ne le pense pas. À l'époque, j'ai dit son mot d'ordre était le consensus et sa mission la fitna.
Pourquoi, à votre avis, certaines personnalités dont vous êtes proche se complaisent-elles dans le silence ?
Etant moi-même une personne loquace et volubile, il m'est difficile de porter un jugement sur le silence des autres.
Pour finir, que devient le projet de la Maison des libertés ?
Il y a un an, le 18 septembre, j'ai annoncé mon intention de créer la Maison des libertés. Depuis un an, les locaux existent et l'équipement bureautique aussi. Nous avons travaillé avec un noyau de fondateurs. Les textes et les statuts existent. Nous allons bientôt tenir une réunion de finalisation.
Et, lors de cette réunion, j'expliquerai au noyau des membres fondateurs que je me suis rendu compte, grâce à mes contacts au ministère de l'Intérieur, que la première bataille que vous allez engager, c'est celle de notre droit à créer une association.
J'ai été mis au courant d'instructions données par le ministre de l'Intérieur aux services concernés. Je leur dirais que je n'accepterai jamais d'être complice d'un état de fait où mes droits, nos droits, à créer l'association soient soumis à des contraintes qui violent la Constitution et les lois, alors que, pendant les dernières semaines, nous avons vu des récépissés déposés, des agréments donnés à des associations bidons, à des officines appelées associations et autres académies derrière lesquelles se trouvent les appareils de l'Etat.
Lors de la réunion, avant la fin du mois, je les informerai des instructions du ministre de l'Intérieur concernant mon initiative.
K. K.


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