La voie étant pour une fois ouverte à la discussion et aux amendements, la discussion des lois préparatoires aux “réformes” ont permis de découvrir des commissions laborieuses et des élus bardés de convictions : à chaque examen en commission ou débat en plénière, une pluie de propositions d'amendements s'abat sur le texte présenté. En général, la consistance des changements est proportionnelle à leur vitesse de réalisation parce que celle-ci mesure la détermination de leurs animateurs. Dans le cas présent, la vacuité des textes, dans leur version consensuelle, n'a d'égale que l'indolence du travail parlementaire qu'elles suscitent. Aujourd'hui, c'est au tour de la loi sur l'information d'être débattue, une loi toute conçue pour vider de leur contenu les deux avancées consenties : la dépénalisation du délit de presse et l'ouverture de l'audiovisuel à l'initiative privée. À part que le journaliste n'ira plus en prison, sauf quand il ne pourra pas payer les éventuelles et faramineuses amendes, et que la télévision et la radio ne sont plus monopole de l'Etat, tout n'est qu'interdit et censure. Jusqu'à la stratégie économique et la diplomatie, activités ordinaires naturellement vouées au débat démocratique, qui se voient sacralisées ! La vigilance officielle et privée — “toute personne morale ou physique” ayant droit de réponse à tout travail journalistique “portant atteinte aux valeurs nationales et à l'intérêt national”. Il va nous falloir apprendre à écrire et à concevoir des émissions radiophoniques et télévisées en évitant de porter atteinte, en plus de “la défense nationale, de la sûreté de l'Etat et de la souveraineté nationale”, “à la politique étrangère, aux intérêts économiques, à l'histoire nationale…” ; il va falloir apprendre à s'interdire de publier “des propos et des images amoraux ou choquants pour la sensibilité du citoyen”. Et comme “toute personne physique et morale” peut réagir à partir de sa conception “des valeurs nationales et de l'intérêt national, c'est une pression nationale qui pèse sur le rédacteur, l'animateur et le reporter, dans l'exercice de tâche… d'autocensure. Il aurait été plus court de lister les domaines abandonnés à l'exercice de la profession d'information. Maintenant qu'on ouvre globalement, il faut fermer dans les détails : telle semble être la démarche du législateur qui, en guise de réforme, multiplie par deux et demi les articles d'une loi, dans leur immense majorité dédiés aux interdits. La loi ne précise pas si le pouvoir devra se départir du harcèlement judiciaire et fiscal, renoncer aux subventions indirectes à sa clientèle médiatique par le biais de la franchise d'imprimerie et d'allocation prioritaire de la publicité institutionnelle et de toutes ces formes extra-légales de répression de la liberté d'expression. C'est, en effet, au pouvoir de croire d'abord à la force de la loi, au détriment de l'arbitraire, avant de réformer. Sinon, la liberté d'expression restera ce qu'elle est : un enjeu démocratique, un combat. M. H. [email protected]