L'année 2012, date du cinquantième anniversaire de l'indépendance, est un moment propice pour les dirigeants politiques algériens, les élites intellectuelles, les entrepreneurs et la société civile d'évaluer les réalisations accomplies, mais aussi d'admettre et de reconnaître les erreurs du passé et de mesurer les retards accusés par le pays, notamment dans le domaine économique. Cet exercice du bilan et des perspectives a fait l'objet d'un symposium organisé les 14 et 15 mars dernier par le FCE autour de la thématique “De l'urgence d'une économie moins dépendante des hydrocarbures”. Hasard du calendrier ou calcul politique, à la veille des élections législatives de mai prochain, le FCE, les acteurs économiques et les experts ont délivré un message : l'Algérie doit impérativement diversifier son économie pour rompre avec la rente pétrolière et se diriger vers un nouveau paradigme économique, pour assurer l'avenir et le bien-être des générations futures. Le symposium organisé par le FCE a eu pour mérite de tenter de sensibiliser les pouvoirs publics, les acteurs économiques et la classe politique (actuelle et celle qui émergera des prochaines élections, bien que cette dernière ne semble pas particulièrement préoccupée par les questions économiques de fond) à la nécessité d'un nouveau paradigme, qui rompt définitivement avec la rente pétrolière. Il s'agit de projeter l'Algérie, dans un lendemain plus exigeant, plus compétitif, qui puisse garantir la sécurité des jeunes générations, dans un monde en pleins bouleversements. Comment peut-il en être autrement, sachant qu'après un demi-siècle d'indépendance, les politiques économiques successives menées ont été marquées, traversées et parsemées d'expériences, oscillant entre le “tout-état” et un “libéralisme débridé”, sur fond de fraude fiscale, de prédominance du marché informel et de corruption ? Les incohérences des décisions des dirigeants ont fait hésiter nos partenaires étrangers, pis encore, ont découragé les plus hardis des entrepreneurs nationaux. C'est le constat sans appel que les experts ont établi lors de cette rencontre. “L'économie algérienne passant par différentes phases de tâtonnements n'arrive toujours pas à trouver ses repères et tirer les leçons des échecs précédents et des erreurs passées.” Dans cet esprit, les participants au symposium ont suggéré l'approfondissement des réformes, la restructuration de l'économie nationale ainsi que la refonte du mode de croissance, en réunissant les conditions d'expansion du secteur privé. L'enjeu pour ces derniers est de réhabiliter l'entreprise, notamment privée, dans son rôle de locomotive du développement économique et dans son aptitude à créer des richesses hors hydrocarbures. Ces axes de politique économique ont été consignés dans une “feuille de route” comprenant une cinquantaine de recommandations (largement rapportées et diffusées par la presse nationale) et soumises aux pouvoirs publics. La première réaction de ces derniers est venue de Mohamed Benmeradi, qui a été l'invité de la rédaction de la Chaîne III de la Radio nationale. Au cours de cette émission, il a qualifié les propositions du FCE d'“intéressantes”, et a estimé que certaines d'entre elles sont déjà mises en œuvre. S'agissant de l'appel du FCE à limiter la règle 51/49, jugée contraignante pour les investisseurs étrangers, à certains secteurs stratégiques et à libérer l'investissement privé national, Mohamed Benmeradi a exprimé son incompréhension. “Je ne comprends pas pourquoi certains privés reviennent de façon récurrente sur l'application de cette mesure qui ne les concerne pas, alors que des investisseurs étrangers l'ont acceptée. En fait, objectivement, le secteur privé productif est concerné au premier chef par l'apport de capitaux extérieurs. Les investissements étrangers dans une économie locale créent une dynamique de compétition entre les facteurs et rapports de production — locaux/extérieurs — dans le sillage de laquelle le capital national privé et public peuvent trouver leurs comptes, en termes de transferts technologiques, de formation de la ressource humaine, de développement des activités de sous-traitance, de montage de projets de partenariat et, ce faisant, l'émergence d'un large spectre de PME-PMI avec à la clé la création de l'emploi.” L'adoption de cette règle, motivée selon le ministre, par la faiblesse de l'investissement étranger hors hydrocarbures et l'envolée de la facture d'importation, n'a pas bridé l'engagement étranger. Comme il a affirmé que l'investissement est “libre” et qu'“il n'y a aucune limitation à l'investissement national”. Et pourtant l'on a assisté à des hésitations, des avancées et des reculs, sans que pour autant l'économie nationale n'ait été relancée de façon significative, et d'aucuns ont évoqué la “panne” de vision stratégique et cohérente du développent économique en général et du secteur industriel en particulier. S'agissant des IDE depuis 2008- 2009, l'avènement de la crise financière internationale et son impact sur les économies réelles ont donné un coup de frein aux flux financiers internationaux. Notre pays n'a pas échappé à cette situation de gel de ces flux à l'échelle mondiale. Ainsi, selon le chef de la mission du Fonds monétaire international (FMI), Jeol Toujas-Bernate, l'Algérie aurait enregistré une baisse des investissements étrangers de 60% en 2009 par rapport à 2008. Ainsi, l'année 2012 ne semble pas se présenter sous de bons auspices, notamment en termes de perspectives économiques. En vérité, près de cinquante ans après l'indépendance, l'Algérie, avec toutes les réalisations économiques et sociales qu'il faut tout de même noter et saluer, vit toujours sous l'emprise de la corruption. A. H.