La rançon de la rançon

L’effrayante quantité d’armes et de munitions récupérées par les troupes de l’ANP sur le convoi de terroristes intercepté du côté d’In Salah donne la mesure de l’insouciance avec laquelle l’affaire des otages a été menée. En particulier, quand il s’est agi de la libération du second groupe de touristes kidnappés et retenus par leurs ravisseurs après la délivrance musclée d’une première partie des otages.
Les Allemands pourront maintenant méditer la rançon de leur égoïsme, à travers l’arsenal saisi sur une de ces funestes caravanes — car rien n’indique que d’autres provisions de la mort ne sont pas déjà parvenues à leurs criminelles destinations ou n’y parviendront pas par la suite —, un des effets d’une conception européocentriste de la lutte antiterroriste. Le financement du terrorisme serait donc légitime quand il s’agit de sauver la peau d’un Allemand. Peu importe que ce financement qui, dans ce cas, a pris la forme d’une rançon, serve ensuite à remplir les maquis d’une Algérie offerte aux massacres perpétrés par des terroristes, que la grâce amnistiante attend sans s’impatienter pour le jour où, lassés d’assassiner, ils voudront transformer leurs butins en fonds commerciaux. Le pire c’est que la contrepartie de la libération des otages a peut-être autant servi à sauver la vie de neuf Allemands, quatre Suisses et un Néerlandais qu’à renforcer une coalition politique à Berlin. Cela dit, il fallait une disponibilité algérienne pour que le compromis sur le dos de notre sécurité nationale ait pu se faire. L’Algérie avait, depuis 1999, franchi le pas moral qui permet de composer avec le terrorisme. La concorde civile n’est-elle pas, par certaines de ses implications, un agrément permanent au blanchiment de l’argent du racket et du terrorisme islamistes ? Et rien n’autorise à penser que les “repentis� installés ont cessé de penser à la cause et aux “frères� restés en service. Si l’échange n’a pas pu se faire en Algérie, c’est qu’il restait, malgré la légèreté ambiante, quelque résistance à ce genre de honteux marché. L’Allemagne a tout de même obtenu qu’un boulevard soit ouvert vers le Mali pour que les auteurs du rapt puissent s’y rendre avec leurs victimes et que puisse se réaliser le douteux marché ! D’ailleurs, le silence dans lequel les autorités allemandes, suisses et hollandaises se sont murées au sujet de cette question de contrepartie constitue un assentiment quant à l'amoralité du procédé. Elles n’ont pas assumé cette malsaine transaction devant leur opinion publique. Jamais les Allemands n’auraient accepté de payer une rançon sur leur territoire. Ce serait contraire à la pédagogie de la fermeté antiterroriste dont se prévaut l’Occident.
Mais si cela se passait en pays du tiers-monde, il ne serait pas dramatique que les terroristes prennent goût à la récidive. Pour ne pas faire courir de risque à leurs compatriotes, ils avaient trouvé en Algérie le terrain où ce qui n’était pas bon pour eux serait bon pour nous.
Quitte à violer leur principe de fermeté, constant là -bas, révisable ailleurs. Quitte à nous faire payer la rançon de leur rançon. Avec l’aimable bienvenue de nos disponibles autorités nationales.
M. H.
musthammouche@yahoo.fr