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Soraya Djermoun, analyste à l'Observatoire des pays de la mer Noire, de la Méditerranée et du Golfe, à Liberté :
"Cheikh Tamim ne portera pas le même regard que son père sur l'Algérie"
Publié dans Liberté le 30 - 06 - 2013

Actuellement consultante sur les questions de développement internationales et analyste à l'Observatoire des pays de la mer Noire, de la Méditerranée et du Golfe, Soraya Djermoun revient sur les leviers d'action du système qatari, tout en expliquant les tactiques adoptées par le palais royal de Doha, ainsi que le devenir des relations algéro-qataries à la lumière de l'intronisation du cheikh Tamim.
Liberté : Présentez votre ouvrage aux lecteurs de Liberté, tout en expliquant les motivations qui vous ont amenée à choisir un tel thème d'actualité qui traite du mode de fonctionnement d'un Etat des pétromonarchies de la région du Golfe ?
Soraya Djermoun : La réflexion de cet ouvrage, Le Qatarisme, essai d'analyse du mode de fonctionnement d'un système", vise d'abord à élucider des questions sur le Qatar et etablir des voies de compréhension récentes et novatrices sur le comportement des micro Etats au XXe siècle. Il y a traditionnellement des approches qui se basent sur l'histoire pour essayer d'expliquer les choix politiques d'un pays, mais aussi et de plus en plus pour des raisons géographiques, d'où l'émergence du concept de géopolitique.
Notre raisonnement va au-delà. Ainsi, on se penche sur le bilan qatari avec comme objectif de mettre au jour le mécanisme sous-jacent qui semble dégager l'esquisse d'un modèle atypique. On postule que, comme la nature des agissements des individus est révélatrice des tenants et des aboutissants de leurs actions, les Etats n'échappent pas à cette règle. En d'autres termes, le qatarisme est une radiographie des combines managériales et tactiques du Qatar.
Je veux rebondir sur le choix de l'intitulé de l'ouvrage, pourquoi avez-vous choisi le qatarisme ?
L'appellation est une cristallisation de notre réflexion. En effet, de fil en aiguille, il nous est apparu évident que l'objet de notre thèse a tendance à troquer son rôle d'Etat contre celui d'une multinationale, en lui empruntant ses aspects conceptuels, organisationnels et stratégiques.
Comment sommes-nous arrivés à une telle conclusion ? Nous avons analysé les facteurs clés de succès et les enjeux de l'Emirat afin de cerner la conduite de celui-ci.
Ensuite, nous décryptons ses leviers et faisons ressortir leurs spécificités. De ces ingrédients nous avons dépeint ouvertement un système, en envisageant ses conditions de transposition, et en esquissant ses limites réversibles.
Une précision à apporter à cette dernière constatation : il nous semble que le système qatari n'a pas encore achevé son évolution et qu'il est en pleine phase d'expansion, c'est pourquoi on évoque prosaïquement les limites sous le prisme du réversible car elles sont, à ce stade, modifiables. Ainsi, la machine du déploiement qatari pourra intégrer ses impotences en les marouflant en forces à l'avenir.
Quelles sont les autres motivations qui vous ont conduit à faire le diagnostic du Qatar ?
En premier lieu, il y avait la curiosité, car cette presqu'île est trop mystifiée, à tort ou à raison. L'autre déterminant est la devanture nébuleuse de cette principauté du Golfe.
Il n'y a pas si longtemps, il n'y avait quasiment pas d'ouvrages traitant la question qatarie, donc aucun sentier d'explication. Ensuite, on avait envie d'innover et de dépasser les stéréotypes au sujet de ce nouveau venu sur la scène internationale : soit ce sont des islamistes rampants, soit ce sont des irréductibles acolytes de l'Occident ! Pourtant, la réalité est plus complexe. Et pour normaliser le sujet du Qatar auprès du stakeholder lambda, il était impératif de proposer autre chose que de la tarte à la crème.
Ce micro Etat ne risque-t-il pas de se casser les dents à la fin, au vu de son aspect physique géographique et sa densité démographique puisque vous dites bien qu'il n'a pas encore atteint l'aboutissement de son système ?
Effectivement et au regard des données physiques (11 500 km2 et 200 000 citoyens), cet Emirat est un petit pays. Donc, la posture du petit qui veut porter des habits trop grand n'est pas longuement tenable. Cependant, le Qatar a su tirer profit de ses atouts de départ, et dépasser ses manquements à travers un rôle qui produit de la richesse et du pouvoir. Ce petit Emirat est devenu un mercenaire de l'influence, un partenaire économique de choix, un acteur diplomatique qui pèse dans les affaires du monde..., et les "pièces à conviction" ne manquent pas pour justifier ces qualificatifs. Par conséquent, le risque de le voir dégonflé et rogné sur ses ambitions hors-normes est minime, bien que les défis pour maintenir cet équilibre soient nombreux. En outre, je retiendrais que le Qatar n'ambitionne pas à être une puissance régionale, mais plutôt une anti-puissance au frère et rival saoudien, anti-puissance à l'adversaire oriental qui n'est autre que l'Iran, et anti-puissance à toute forme d'hostilité par rapport aux alliés du Qatar. On n'est pas dans des aspirations démesurées ; il est question d'une vision rationnelle et d'un plan habilement orchestré qui le dirigent vers une robustesse au seuil à ne pas dépasser. Ce dernier est tracé par un ensemble de conjonctures et au gré des alliances. Etre une anti-puissance est un exercice de funambule qui fait appel à une grande dextérité intellectuelle et une soigneuse connaissance des frontières du réel.
Avec ce qui s'est passé en Libye, les Qataris ont joué un rôle primordial comme souhaité par les puissances occidentales, à la faveur du printemps arabe. Quel commentaire faites-vous ?
Dès son accession au trône en 1995, le cheik Hamad Ben Khalifa Al Thani a impulsé un nouveau magistère diplomatique à son pays. Cette politique s'est construite sur les capacités financières de l'Emirat et Al-Jazeera.
Dans les années 2000, elle s'est étoffée à travers une série d'entremises, d'alliances hétéroclites et des investissements colossaux, notamment dans les pays clients et prospects de son gaz et pétrole à travers le Qatar Investment Authority (QIA). Souvent perçue comme confuse, sa politique étrangère répond avant tout à une nécessité stratégique : préparer l'après-pétrole, prévenir la sécurité du pays de toute mauvaise intention, construire des centres de gravité afin d'avoir un rôle singulier et de premier plan...
Le sillage du printemps arabe a révélé son sens de l'opportunisme savant, sa capacité à être très audible, et a démontré que les relations internationales ne sont plus de simples échanges interétatiques mais un faisceau complexe qui fait appel à une diplomatie de volonté et de veille. Tout ceci au détriment de bon nombre de pays arabes qui connaissent une évanescence structurelle et pour qui la realpolitik est une notion étrange. Mais ce positionnement en pointe durant cette période, notamment sur le dossier libyen et syrien, l'a exposé à des critiques qui ont significativement ramolli son image.
Ces évènements l'ont mis en porte-à-faux avec sa situation interne des moins démocratiques et l'article 7 de sa Constitution de 2003 qui lui préconise la recherche de la paix et la non-ingérence dans les affaires internes des Etats souverains.
Ce revers de médaille fait constater au Qatar que la précipitation et l'efficacité sont deux notions extrêmement distinctes. Je retiendrais aussi qu'il a eu plusieurs mouvances dans la gestion du printemps arabe et que l'Emir a fait un choix vraisemblablement trop audacieux pour l'heure.
Quelle est la place de l'islamisme dans le système qatari ? Qu'est-ce qui fait courir Doha pour mettre en branle des opérations de charme en direction des islamistes ?
L'islamisme pour les dirigeants qataris n'est pas une finalité, c'est un moyen. Le cheikh sortant est un homme qui a toujours voulu produire de la notoriété, de l'influence et ceci dès son accession au trône. Son cœur de cible est l'opinion publique arabe, et celle-ci est depuis la fin de la guerre froide islamo-islamiste. Dans leur regard, on est sur des marchés de communication.
Donc définitivement, il faut vraiment distinguer la société qatarie qui est très conservatrice (ce qui n'est pas une exception dans sa région) et le staff de l'intendance de l'émirat qui est résolument tourné vers la compétitivité et ses intérêts stratégiques. L'"islamic style" c'est purement un écran du fumé dédié aux masses fortement impactées par les préceptes religieux.
Ce pays utilise extrêmement bien les ficelles de la communication, qui est son principal instrument pour le déploiement de son "soft power". Médias, événementiels, stratégie de marque, égéries... parmi lesquelles on compte Al-Karadhaoui, un personnage extrêmement médiatisé de par sa notoriété et son autorité spirituelle sur le monde arabo-musulman.
Dans le cadre de ses prestations, il apparaît en compagnie des émirs et est diffusé sur Al-Jazeera. Tous ces ressorts appartiennent au registre du marketing et font partie des outils qu'il utilise pour asseoir ses positions et les faire connaître. N'oublions pas que le Qatar est sous protection américaine, donc indirectement sous monitoring. Cette observation me permet d'avancer avec certitude l'idée que dans le système qatari, l'islamisme est un input (intrant) de plus !
L'émir Hamad Ben Khalifa Al Thani vient d'annoncer officiellement une passation du pouvoir en douceur avec l'investiture du prince héritier Tamim. Quelles seront les conséquences envisageables sur sa politique étrangère ?
Depuis l'opération "palais blanc", le pays a terriblement gagné en compétitivité, gain à mettre sans nul doute sur le compte de l'émir sortant. Plusieurs axes nous permettent d'expliquer cette tournure historique : la santé de l'émir qu'on décrit comme valétudinaire, sa volonté de sortir par la grande porte et de se démarquer des autres monarchies du Golfe, apporter du changement à l'intérieur de son pays après en avoir fait la promotion sur d'autres terres.
Cette passation c'est pain bénit pour son marketing politique.
Ainsi, cette étape ravivera sa notoriété éclaboussée par la séquence des révolutions arabes et lui octroiera des allures de modernité. Le nouveau chef d'Etat, la trentaine, à la tête du soft power qatari depuis un moment, est le fils de l'épouse la plus influente, cheikha Moza. Il assurera certainement un même modus operandi en matière de gestion nationale.
En revanche, concernant les affaires du monde, le dosage pourra être reconsidéré. Le pacte américano-qatari devrait être préservé. Quant à l'axe Paris-Doha, il disposera d'une configuration des plus idoines : l'annonce de l'abdication est intervenue à cheval sur la visite de François Hollande. De plus, le cheikh Tamim, francophone et francophile, est un fin connaisseur de l'Hexagone. Il est d'ailleurs l'initiateur des investissements importants de son pays dans ce dernier.
Dans le même registre, il faudra s'attendre à une agressivité stratégique, à une intensité aussi élevée des fonds souverains de la principauté. Dans la régionale Mena, les cartes seront à recomposer : son action hyperactive n'a pas contenté le plus grands nombres de ses confrères, d'autant que ce renouvellement pacifique de génération au Qatar vient mettre une pression d'image et de morale sur les régimes en place afin de faire leur propre lifting.
En outre, le nouvel émir devra d'abord acquérir ses lettres de noblesse et une stature avant de poursuivre l'offensive diplomatique de son père. Il sera plus prévisible d'assister à une implication de moindre amplitude dans le conflit syrien. L'art de la médiation qatarie et son aptitude au relationnel sans faille risquent d'être ressortis des tiroirs.
Comment voyez-vous l'avenir des relations algéro-qataries, à la faveur de l'intronisation de cheikh Tamim ?
Les relations algéro-qataries traversent une zone de turbulences depuis les événements liés au printemps arabe. Les divergences sur les approches politiques sont dures. Les liens entre notre chef d'Etat et l'émir sortant avaient formé un cordon sanitaire qui a évité la confrontation ouverte, mais surtout a maintenu un bon niveau de coopération, notamment économique, malgré une conjoncture loin d'être propice. Le nouvel émir ne portera pas le même regard que son père. J'estime que l'Algérie devra se montrer créative pour pallier l'absence de cheikh Khalifa Al Thani, car les paradigmes de la relation vont incessamment bouger. Afin d'éviter de tomber dans une tendance platonique, j'estime qu'il sera souhaitable d'étoffer la coopération commerciale qui reste timide au regard du potentiel, créer une réelle correspondance du mangement des enjeux énergétiques afin rassasier les appétits de rivalité, ouvrir de nouveaux chemins d'interconnexion autour de la culture ou l'éducation. Tout ceci permettra un meilleur abordage des problématiques stratégiques et d'actualité. La période de flottement au Qatar est une aubaine pour l'Algérie qui peut reprendre la main sur bon nombre de thèmes et inspirer le mouvement, tout en renouvelant les concordants entre Alger et Doha.
H. H.
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