L'image est saisissante : un policier bloque la route pour permettre à un véhicule, sur le toit duquel des fans de l'équipe nationale sont installés, de faire demi-tour et griller un feu rouge, chantonnant joyeusement "One, two, three, viva l'Algérie !". Dans d'autres circonstances, le chauffeur aurait pris une amende salée, assortie d'un retrait du permis. Mais le contexte de ce mardi soir invite à ce genre d'escapades. C'est que l'équipe nationale a arraché son ticket brésilien pour aller à la phase finale de la Coupe du monde 2014. D'ailleurs, avant le match Algérie-Burkina Faso, dans tous les quartiers où sont concentrés les Algériens, la police était en alerte, histoire de parer à toute éventualité. C'est le cas de Saint-Michel par exemple. Sur l'artère principale, la rue Jean-Talon, une dizaine de cafés maures sont bondés de monde. L'emblème national orne les devantures. À l'intérieur des cafés que nous avons visités, comme Le Sable d'or, le Figuier ou le 5-Juillet, les clients sont comme hypnotisés par l'écran de télévision, à telle enseigne qu'on a l'impression que les yeux quittent leur orbite. Un silence religieux règne dans ces espaces gagnés par l'adrénaline d'un jour. Les nerfs sont mis à rude épreuve. Même topo au café Tikjda sur la rue Bélanger. Le but de Bougherra provoque une explosion de joie, mais la pression y est toujours. Elle ne prendra fin qu'au coup de sifflet final de l'arbitre sénégalais. Aussitôt, et malgré le froid nordique de ce mardi, des milliers d'Algériens sont sortis dans la rue pour crier leur joie de voir l'EN qualifiée au Mondial. Au point où le Service de police de la ville de Montréal (SPVM) a décidé de fermer la rue Jean-Talon à partir des boulevards Saint-Michel et Pie IX. Même les bus empruntant cette rue à partir de la station de métro ont été contraints de faire un détour sur les rues adjacentes. Le Petit-Maghreb est en fête. "Je suis aux anges aujourd'hui ; l'Algérie ira au Brésil en juin prochain", s'extasie Kamel, un fan des Fennecs. Son copain, la casquette négligemment posée sur la tête, s'affaire à liquider pour pas cher des fanions de l'équipe nationale. Les clients ne manquent pas. La foule grossit à vue d'œil, maintenant que les scolaires sont sortis des cours. "Je savais qu'on allait se qualifier, mais nous étions sous les nerfs durant le match", affirme Amine. Rosa, un fanion des Verts dans la main et la tête enrobée dans le drapeau national, abonde dans le même sens. "Je ne m'intéresse pas au football, mais cela ne m'a pas empêchée de ressentir une montée d'adrénaline durant le match", avoue-t-elle. Pour manifester sa joie de voir l'EN qualifiée, Arezki n'a pas trouvé mieux que de payer une tournée de "mhadjeb" à ses copains. Des cortèges de voitures sillonnent en slalomant les rues dans un brouhaha de klaxons et de youyous stridents. Des chants à la gloire des Verts sont entonnés dans la bonne humeur. La fête continue, malgré la tombée de la nuit et le froid qu'elle charrie (le soleil se couche à 16h20). Le son des pétards ajoute au bruit assourdissant des klaxons. Des fumigènes fusent de partout et percent bruyamment le ciel gris de Montréal dans un feu d'artifice aux multiples couleurs, le tout dans une ambiance bon enfant vécue de manière sincère et spontanée par la communauté algérienne établie dans la métropole québécoise. Y. A Nom Adresse email