Une victoire attendue à Oran

La capitale de l’ouest a fait la fête toute la soirée

À 23 h, le Front de mer, la vitrine de la ville d’Oran, a connu jeudi soir un embouteillage de voitures, concert de klaxons, drapeaux au vent, portraits de Bouteflika tenus à bout de bras ou collés sur les capots et les pare-brises.
Les cortèges organisés de voitures ont commencé à converger vers le Front de mer, dès 22 heures, en réalité, pour se regrouper au niveau de la permanence de l’alliance présidentielle qui s’était installée durant toute la campagne dans les locaux d’un ancien bar restaurant qui avait été plastiqué au plus fort du terrorisme islamiste. Cette joie s’est exprimée alors que les résultats officiels n’étaient pas encore connus, mais la tendance, dès la clôture des bureaux de vote à 20 heures, ne laissait aucun doute pour les partisans du président sortant.
Au milieu des noctambules oranais, qui allaient d’un bar à un autre, les membres des comités de soutien sillonnent une ville presque endormie, mais ils n’ont pas l’arrogance que l’on pouvait imaginer pour une victoire attendue en forme de raz-de-marée à l’échelle de la région. D’ailleurs les citoyens étaient rares à être sortis dans la rue. Un petit groupe, d’une dizaine de personnes tout au plus sont restées place des Victoires, les femmes lançant des youyous et les plus jeunes criant “Bouteflika président !� Si certains d’entre eux, qui se rendent au Palais des expositions où a été installé le centre de décompte, des 1 666 bureaux de la wilaya, nous lâchent “mabrouk alina ! dina ha ! dina ha !...� Chez les “officiels� de la multitude de comités de soutien et autres figures locales du RND essentiellement, c’est une surprise, une joie qui semble être retenue comme introvertie. Paradoxalement, les hommes de Bouteflika qui ont des échos sur les résultats à l’échelle nationale sont tout simplement abasourdis par les chiffres que l’on annonce notamment à l’Est et en Kabylie. À croire que cette victoire les effraie. D’ailleurs, ils ne s’attarderont pas au centre des résultats, un observateur nous dira en aparté :“Ils partent parce qu’ils veulent éviter de croiser les autres partis, on ne sait jamais ce qui peut arriver !...�
Pour les adversaires de Bouteflika en effet la soirée fut rude. Et c’est en tout début de soirée que nous avons choisi de débuter notre périple noctambule par la permanence de Benflis. Au pied de l’immeuble qui abrite l’appartement transformé en QG de campagne durant trois semaines, nous croisons des policiers en faction. Cela fait plus d’une heure que les bureaux de vote sont fermés et le va-et-vient des observateurs rapportant les PV se fait plus pressant. Tous ceux que nous croisons ont la mine défaite, le visage sombre, tous semblent groggy par les informations qui tombent peu à peu. Le mouhafadh, la directrice de campagne de Benflis et d’autres personnalités du FLN sont enfermés dans une pièce d’où l’on ne perçoit aucun mot. Les portables sonnent de toutes parts. Nous croisons Djellouli Nourredine, l’ex-maire d’Oran, le visage grave il nous dit “Et oui !… c’est terrible c’est une fraude à grande échelle !…�. Il sera le seul à pouvoir nous dire ces quelques mots à cet instant de la soirée. Pourtant, ici, les jeunes ont cru jusqu’au bout au deuxième tour…
Dans l’escalier c’est le directeur de campagne de Saïd Sadi que nous croisons “voilà c’est une fraude marginalisée… ils ont tout fait pour cela…� consent-il à nous dire alors qu’il cherche à s’informer de la suite des événements à Alger et de l’appel à un rassemblement à la place du 1er-Mai.
La fraude à Oran, les représentants des 3 candidats Benflis, Djaballah et Sadi en sont convaincus. Lors d’un point de presse tenu en commun, 48 heures avant le scrutin, ils avaient dénoncé les prémices de cette fraude. Plus que tout, c’est le fichier électoral qui selon eux a servi de base à cette fraude. Le CD transmis par l’administration contenant les données du fichier électoral, était bloqué, rendant son exploitation impossible, avait-il averti. En dépit de cela, le FLN avait dénoncé le fait que des citoyens étaient inscrits dans plusieurs bureaux de vote. Durant toute la journée du 8, les dépassements étaient répertoriés au niveau des staffs des candidats opposés à Bouteflika.
Ainsi, l’on nous citera le cas de citoyens transportés par des bus affrétés par l’administration à Gdyel, des membres de comités de soutien à Bouteflika affichant des badges et des gadgets à son effigie à l’intérieur des bureaux de vote. Et surtout, le problème de la liste électorale où de nombreux citoyens n’ont pas retrouvé leurs noms alors que pour certains d’entre-eux, ils votent depuis plus de 20 ans au même endroit.
Des recours vont être déposés quoi qu’il en soit. Mais hier, vendredi, les citoyens d’Oran qui étaient allés voter dans la bonhomie comme quand on part en balade, se sont réveillés avec le score plébiscité de 93% des voix pour Bouteflika. À l’annonce des résultats officiels par le canal de l’ENTV, les partisans de Bouteflika sont repartis d’un concert de klaxons.
F. B.