Notre confrère reporter Farid Aït Saâda, exerçant actuellement en free-lance, s'est immergé dans le dispositif de sécurité du Paris Saint-Germain, avec l'autorisation du club, afin d'étudier les normes de sécurité appliquées pour la gestion sécuritaire d'un match de football. A l'heure où des mesures sont annoncées en Algérie pour sécuriser les matchs de football et lutter contre la violence dans les stades, l'expérience du PSG, devenu un grand d'Europe après avoir connu — et vaincu — des formes de hooliganisme, pourrait être prise en considération. Après avoir longtemps pataugé, le Paris Saint-Germain est en train de prendre la stature d'un grand d'Europe. Non pas sur le plan sportif uniquement, mais également sur le plan de la gestion sécuritaire de ses matchs auxquels assistent aussi bien des VIP (de vrais VIP qui peuvent être des princes ou des présidents de république) que des supporters de la classe populaire. Le club a su sortir d'une période de turbulences délicates entre supporters qui avait vu notamment un Français sympathisant du club israélien Hapoël Tel-Aviv être agressé il y a 8 ans à la sortie du Parc des Princes, ce qui avait engendré la mort accidentelle d'un de ses agresseurs, supporter du groupe Boulogne Boys, par un policier qui tentait de s'interposer et aussi la mort d'un autre supporter appartenant au Kop de Boulogne en février 2010 lors d'une bagarre avec des supporters du virage Auteuil. Durant les trois dernières années, aucun incident notable n'a été signalé au Parc des Princes grâce notamment à une politique de tolérance zéro appliquée par le club en étroite collaboration avec les différents corps des services de sécurité. Afin de comprendre comment le PSG a vaincu la violence dans son stade, la direction du club et son département de sécurité nous ont autorisé à suivre pas à pas la gestion sécuritaire du match ayant opposé le club parisien à l'Olympique Lyonnais le 21 septembre dernier au Parc des Princes. 17h : le briefing des services de sécurité à l'auditorium Pour circuler dans l'enceinte parisienne un jour de match, il faut montrer patte blanche. En l'occurrence, nous avons bénéficié d'un badge nous permettant de circuler dans toutes les parties du stade, sauf les vestiaires et le terrain, accompagnés d'officiers de la préfecture de police ou de superviseurs du PSG. Peu avant 17h, nous sommes déjà à la porte principale, dite celle du tapis rouge, sise à la place d'Europe. Le va-et-vient a déjà commencé dans les travées du Parc des Princes entre les agents affectés à la sécurité qui se mettent en position, les hôtesses d'accueil qui mettent leurs tenues et les traiteurs qui préparent le service de restauration prévu dans les différents salons du stade. Il y a déjà des hommes qui sont sur le pont : les responsables des différents services de sécurité. Le briefing de mise est place se déroule à l'auditorium qui, à la fin du match, abritera les conférences d'après-match des entraîneurs. Pour cette rencontre, le coordinateur de la sécurité est Dominique Guiseppi, commissaire divisionnaire qui occupe la fonction de sous-directeur de l'ordre public à la police parisienne. Ce Corse affable est très cordial a pu, en quelques années, venir à bout des supporters fauteurs de troubles après avoir travaillé main dans main avec Jean-Philippe D'Hallivillée, directeur de la sécurité, de la sûreté et des relations avec les supporters. "Après tant d'années d'implication mutuelle pour vaincre les hooligans, tous deux sommes devenus des amis", nous confie-t-il. "Rien ne nous réjouit davantage que de voir un match au Parc des Princes se dérouler et se terminer sans incidents." Une répétition générale avant PSG-Barça de demain Devant les différents chefs d'unité (gendarmerie, police motorisée, superviseurs du club, Protection civile), il détaille le dispositif de sécurité prévu pour le match, plan du stade et points de contrôle aux alentours à l'appui. Comme il s'agissait du dernier match à domicile du PSG avant un match particulier contre le FC Barcelone en Ligue des champions qui aura lieu demain, le dispositif se voulait une répétition générale avant ce rendez-vous qui s'annonce délicat non pas à cause d'un risque de violence (les supporters du Barça sont réputés comme étant sans problème), mais en raison de l'affluence importante en supporters et en VIP qu'un tel match va certainement entraîner. Parmi les mesures prises : les bus des deux équipes iront stationner dans un parking loin du stade une fois qu'ils auront déposé les joueurs, l'équipe de Lyon entrera par une entrée sécurisée (ses joueurs avaient été hués et insultés au Parc la saison passée), aucun véhicule des VIP (excepté ceux du président et du propriétaire du club) ou des dirigeants de l'Olympique Lyonnais ne seront admis dans le parking souterrain du stade, par ailleurs en pleine rénovation, des voituriers ramèneront les voitures des joueurs du PSG au parking durant la deuxième mi-temps... Décision est prise d'exécuter le plan dès 18h, soit trois heures avant le début du match. "Comme le PSG offre le service Hospitalité, qui consiste à permettre à des supporters et invités de dîner au stade avant le match, les gens commenceront à arriver assez tôt et il faut être prêts", explique-t-il. Une fois le briefing terminé, nous effectuons le tour du stade en compagnie de Louafi, officier d'origine marocaine chargé de l'international (relations avec les polices de l'étranger). Justement, deux officiers émiratis, à Paris depuis plusieurs jours pour une formation de recyclage, étaient présents ce jour-là. "Nous recevons parfois des officiers de la police algérienne et, compte tenu du contexte particulier des matchs de football en Algérie où il n'y a pas des stadiers formés, je peux vous dire que vos policiers sont à féliciter pour supporter toute la gestion sécuritaire à eux seuls", nous a-t-il affirmé. Les policiers algériens apprécieront. Nous faisons un tour sur la main courante du terrain. La police canine est déjà à l'œuvre. Un maître-chien fait faire à son chien le tour de la tribune Borelli, celle qui renferme la tribune présidentielle et les carrés des invités. "C'est le cas à chaque fois qu'il y a des invités de marque qui sont attendus", nous explique-t-il. Justement, un invité est annoncé : le prince Tamim bin Hamad al-Thani, chef de l'Etat du Qatar. Enfin, "invité" est un terme inapproprié puisqu'il est tout simplement le propriétaire du PSG à travers sa société Qatar Sports Investments (QSI). Sur les gradins, des stadiers effectuent le "ratissage" qui consiste en l'inspection des lieux afin de repérer d'éventuels objets déposés à des fin malveillantes (les explosifs, mais aussi les fumigènes). Dans la tribune présidentielle, les agents de sécurité et hôtesses sont déjà en place. Chaque demi-heure, des agents de nettoyage passent à travers les rangs pour s'assurer de la propreté des lieux. Les invitations pour ce carré sont personnalisées. Plus même : en cas d'empêchement de la personne invitée, son invitation ne peut être attribuée à un autre. "On retrouve ici souvent des hommes politiques, de hauts cadres de l'Etat, des invités étrangers... Pas question de prendre des risques avec des inconnus", nous confie-t-on. Un accès spécifique pour les supporters lyonnais vers la "cage" Nous sortons dehors. Le commissaire divisionnaire Guiseppi nous invite à l'accompagner dans un tour d'inspection à l'entrée du secteur réservé aux supporters de Lyon. Le dispositif en l'occurrence est simple : un point de contrôle est installé à l'angle de l'avenue de la Porte de Saint-Cloud et de la rue du Commandant Guilbaut, à une centaine de mètres du stade, et seuls les supporters munis du ticket spécifique des supporters adverses sont admis à passer. Un couloir protégé permet aux supporters lyonnais de rejoindre en toute sécurité leur gradin, situé au virage séparant la tribune Paris (la deuxième tribune) de la tribune Boulogne. Sur place, il y a des toilettes amovibles et un point de vente de sandwiches et rafraîchissants. Bref, ils sont tout à disposition et ne sont pas au contact des supporters parisiens. Plus même : ils en sont séparés par un grillage à gauche et des barricades à droite, sans compter qu'un filet de protection a été mis au-dessus de leur tête pour qu'ils ne soient pas atteints par des projectiles qui seraient lancés des gradins supérieurs. Une «cage» qui ne dit pas son nom, mais indispensable pour la sécurité. Farid Aït Saâda