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Timimoun les ksour naufragés
Des pluies torrentielles sur l’Oasis rouge
Publié dans Liberté le 21 - 04 - 2004

L’oasis rouge a pâle figure. De ses châteaux de sable emportés par l’orage diluvien, subsistent des pans de murs orphelins et vacillants. Dans le ciel du ksar naufragé, les nuages noirs renoncent à la trêve. Depuis deux jours, ils avaient battu en retraite au-delà des dunes. Ce soir, ils sont de retour. Rapidement, l’ombre menaçante couvre la cité et projette ses premières gouttes de pluie sur la foule désemparée. Tenant un ventilateur sous le bras, un adolescent se précipite hors d’une maison en ruine. Des membres de sa famille le suivent dans sa course. Des baluchons, des cartons et une valise les accompagnent dans leur fuite. Il est 18 heures. Timimoun s’évade.
En ce dimanche, J+2 après le déluge, des habitants réduits à l’errance ont tenté de se réapproprier un peu d’intimité dans un coin de leurs maisons inondées. D’autres ont préféré y rester, priant pour la clémence du ciel. “Où aller ?!�, se plaint la vieille Aïcha. Venus à son secours, des jeunes du quartier la pressent de partir. Elle ne veut pas. Recroquevillée au fond de sa cahute, elle attend le salut ou la mort. Dans son cas comme pour bon nombre de ses voisins, le sort est définitivement scellé. Il y avait la misère et la faim, la pluie a noyé leurs dernières illusions. À qui la faute, à la nature véhémente, à leurs mains qui ont élevé des murs fragiles en terre cuite, aux autorités peut-être coupables de non-assistance à des personnes en danger ? Le ksar est à Timimoun, ce que le palais de Versailles est à Paris. C’est le miroir qui réfléchit dans les yeux des touristes les fastes d’antan et le souvenir de ses rois.
Le cœur battant de la cité
Surplombant l’agglomération urbanisée, il est le cœur de la cité. Le ksar rythme la vie des habitants de Timimoun. Depuis jeudi, il s’est arrêté de battre. Réduit en vestige, l’espace d’une nuit d’orage, il est vidé d’une majorité de ses habitants. Près de 600 familles, pourchassées par la pluie ont couru trouver refuge hors de ses murs. Ailleurs, dans les six autres ksour disséminés à travers la localité, l’heure de l’exode a également sonné. Bilan : un millier de familles, 5 109 personnes exactement sont sans toit dans toute la daïra de Timimoun. Jeudi, ils ont frôlé la mort. Depuis, ils ne savent pas ce qu’ils vont devenir. “L’essentiel est d’avoir survécu�, s’exclame Mohamed. En ouvrant la bouche, il découvre des dents noircies par le tabac. À la place du pain, devenu trop cher pour lui, la chique est sa ration quotidienne. Maçon occasionnel et chômeur à plein temps, Mohamed vient également de perdre son logement, une pièce sombre qu’un voisin lui avait louée. “Tout s’est écroulé�, confie-t-il terrassé. À Tazegaght, cet îlot couleur brique, situé au milieu du ksar, s’amoncellent les ruines des maisons. Celle appartenant à Mohamed figure parmi le tas de gravats. “La police est venue et nous a emmenés à bord de camions�, raconte-il. Dans la nuit de ce jeudi dramatique, les ombres des rescapés se bousculaient dans les venelles étroites et obstruées. Retournant sur ses pas, Abdelkader, un autre sinistré, tient à montrer aux journalistes les preuves de l’hécatombe. Encombré de baluchons, le jeune homme est retourné dans la maison familiale pour ramener vêtements et couvertures. Au bout d’un couloir sombre tapissé de boue et couvert de troncs de palmiers dégoulinants, se trouve le logis, du moins ce qu’il en reste. Consolidée à l’aide d’argile et de paille, la terrasse s’est effondrée. Le trou béant laisse entrer une lumière blafarde. Des meubles rudimentaires sont jetés pêle-mêle dans une pièce. Dans une autre, un drapeau algérien pend à un fil électrique. “C’est la seule chose qui me retient dans ce pays�, sourit Abdelkader. Cette réplique dévoile le sentiment d’isolement, d’abandon qui le consume. “Toutes ces maisons que vous voyez sont inhabitables. Le ksar est très vieux. Mais on nous a laissés là , sans craindre pour notre vie�, s’insurge notre interlocuteur plein d’amertume. En 1998, des pluies torrentielles avaient déjà ciblé la ville. Fragilisé, le ksar comptait alors ses premiers sinistrés. En guise de mesures, les autorités locales ont accordé des indemnités aux concernés afin de les aider pour la réfection de leur maison. “On m’a donné 30 000 DA. J’ai préféré nourrir mes enfants avec�, reconnaît sans gêne Mohamed le maçon. Le ventre ou le toit, il a choisi. Une telle sélection aurait pu coûter la vie à sa progéniture. La providence les a sauvés cette fois. Peut-être pas la prochaine.
10 familles par salle
Comme tous ses voisins, Mohamed ne veut pas s’éterniser dans un centre d’accueil. “Soit — les pouvoirs publics (ndlr) — ils nous donne des logements, soit, ils nous aident à en construire�, assène Moussa, une énième victime des inondations. Errant dans les couloirs de la Maison des jeunes, il ne sait à quel saint se vouer. Père de famille, il a une dizaine de bouches à nourrir, dont une sœur divorcée avec ses trois enfants. “Où est-ce que je vais mettre tout ce monde. Ici, comme vous voyez, la vie n’est pas commode. Il n’y pas d’eau, peu de cabinets de toilette, pas de sécurité…�, fait-il remarquer en promenant son regard sur le local. Depuis, jeudi, 65 familles y cohabitent, parfois à dix dans une salle. Débordant dans les couloirs, des sinistrés sont allongés sur des tapis, rescapés du déluge. Quelques couvertures en laine distribuées par le Croissant-Rouge leur servent d’oreillers. À l’entrée, des scouts font office d’agents de sécurité. Ils se chargent par ailleurs du recensement des besoins de l’infortunée communauté. “Pour la nourriture, il n’y a pas de problème. La daïra s’approvisionne chez un grossiste�, soutient le chef scout.
Dans une pièce aménagée en cuisine, des femmes s’affairent autour de divers plats qu’elles remplissent de couscous aux lentilles. Les enfants mangent à même le sol. Au milieu d’un vaste gymnase, Hanane et ses amis plongent de grandes cuillerées dans le mets délicieux. Elles savourent cet instant en jacassant joyeusement. À l’origine de leur euphorie, le prolongement inopiné de leurs vacances scolaires. Comptant parmi les centres d’hébergement des sinistrés, l’école de Hanane a reçu 167 familles. Un hôtelier de la ville a été également mis à contribution pour offrir un toit aux victimes. “Mais lui aussi commence à montrer des signes d’exaspération�, confie un des occupants de l’établissement. Sa plus grande hantise, devoir aller dans les camps de toile implantés à la lisière de la ville. “Pas question !�, tonne el-hadja Khadidja catégorique. “S’il pleut à nouveau, les tentes s’envoleront�, prédit-elle effarée. Dans la mosquée jouxtant le vieux ksar, les 186 familles qui se sont réfugiées sous les arcades partagent la même opinion. Toutes rejettent l’idée d’aller sous les tentes. “On veut des solutions urgentes et définitives�, clame-t-on de toute part. M’barek était là lors de la halte effectuée dans la mosquée, par les trois ministres dépêchés à Timimoun. Envoyés sur les lieux de la catastrophe par le chef de l’Exécutif Ahmed Ouyahia, Ould Kablia, Ould Abbas et H’mimid, respectivement ministres délégués aux collectivités locales, de la solidarité nationale et du logement, devaient s’enquérir des conditions de prise en charge des sinistrés et les réconforter. “Que des promesses�, ironise M’barek. Dénonçant ce qu’il considère comme un statut de seconde zone, il exige une attention particulière et un effort plus soutenu du gouvernement.
Pas de téléthon pour Timimoun
“Les habitants de Timimoun ne méritent donc pas un télethon ou la création d’une caisse de solidarité�, dit-il railleur. Les sinistrés en ont grandement besoin pourtant. Prise en charge sanitaire, alimentaire, en matière d’hébergement, à tous les niveaux, les carences sont manifestes. Dans un coin de la mosquée, transformée en infirmerie, un aide-soignant s’échine à calmer les maux de nombreux patients. Pic de tension, de diabète, quelques diarrhées, les médicaments préconisés en pareille situation sont disponibles en nombre très réduit. Disposés sur une étagère, ils proviennent de l’hôpital et de l’association locale des diabétiques. Pour le reste, la protection civile tente de pallier au plus urgent. Avec une seule ambulance pour toute la daïra, ses interventions sont limitées. “Hier, il y avait un blessé ici alors que l’ambulance se trouvait à Kali pour l’évacuation de deux victimes�, confie un pompier en poste dans la mosquée. à Kali, un petit village situé dans les environs de Ouled Saïd, une daïra de Timimoun, une femme et son bébé ont trouvé la mort suite à l’effondrement d’une dalle. Le béton servait de toiture sur des murs en pisé. Un crime ! Pour ne pas subir le même sort funeste, indifférente aux engagements des autorités, une catégorie de survivants a préféré prendre son destin en main. Aussitôt après la catastrophe, elle a pris d’assaut des logements neufs construits par l’OPGI dans la banlieue de Timimoun. “On n’a pas d’eau, pas d’électricité, le réseau d’assainissement n’est pas fonctionnel, il n’y pas de porte, mais cela ne fait rien�, rapporte Hamid. Habitant le ksar, il est retourné ce matin dans sa maison pour ramener quelques couvertures. Il est également revenu avec une porte et l’a placée à l’entrée de sa nouvelle demeure. Défiant l’autorité de l’état, il n’a cure des mesures judiciaires qui seront prises à son encontre. Ces cinquante logements en brique et en ciment faisaient miroiter depuis un an des malheureux comme lui. Croupissant dans les tiroirs des services communaux, leurs demandes de logements sociaux sont oubliées, tout comme leur existence d’ailleurs, dans des Ksour devenus des nécropoles.
S. L.
Adrar et Timimoun coupées de l’Algérie
Jeudi puis dimanche, pendant plusieurs heures, Timimoun et toute la wilaya d’Adrar étaient coupées du reste de l’Algérie. Pannes d’électricité, liaisons téléphoniques fixes et mobiles interrompues : l’isolement était total.
Des familles inquiètes étaient dans l’impossibilité de joindre leurs parents à Adrar.
S. L.
Relogement des sinistrés
Les promesses des autorités
“80% vont retourner dans leurs maisons.� Cette assertion est de Moulay Abdelkader, chef de daïra de Timimoun. Selon lui, les premiers éléments d’expertise des maisons affectées par les intempéries ont montré que la plupart des logements sont habitables. Ce constat contredit les affirmations des sinistrés et les images désolantes des ksour en ruine. Pour autant, le chef de daïra n’est aucunement catastrophé. Faisant écho de l’opération pour la réhabilitation des habitations. Il a évoqué un programme à court terme pour la prise en charge, par les services de l’urbanisme, de la réfection des maisons endommagées. M. Moulay a abordé, par ailleurs, un programme “terroir� de restauration des ksour. “Il s’agit d’une opération graduelle. Elle consistera à l’évacuation d’îlots et au relogement de leurs occupants ailleurs, à titre temporaire�, explique-t-il. Le projet est nouveau. Les ksour en déperdition sont en attente de prise en charge depuis des lustres.
S. L.
Qui a vu “eladjna� ?
À chaque problème une commission et pour chaque commission des gens qui y croient. Dans la bouche des sinistrés, une seule préoccupation, la venue d’une “ladjna� qui puisse prendre en charge leurs doléances. De quelle genre de commission parlent-ils ? Ils ne savent pas. L’incursion des journalistes suscite des espoirs. Les témoignages des victimes des intempéries sont autant d’appels au secours. Tous veulent voir leurs noms publiés dans le journal et leurs besoins identifiés. Leur soif de dire atteste de leur isolement. À Zekour, un village situé à 8 kilomètres du chef-lieu de la daïra de Timimoun, les plaintes des sinistrés font écho d’une situation d’abandon. Portant les stigmates des intempéries de 1998, la localité est de nouveau affligée. Embourbé, piégé par le sable, Zekour se meurt. Son unique école a été mise à la disposition des sinistrés. Mais, elle s’est avérée trop exiguë. En l’absence d’autres refuges, des familles n’ont pas eu le choix sinon que de rester dans les maisons menaçant ruine. Moulay n’est pas en reste. Avec ses deux frères, leurs enfants et ses neveux orphelins, il occupe deux pièces aux murs délabrés. Aux premiers grognements du ciel, il a pris, comme ses voisins, l’initiative de construire des digues de sable au seuil de sa demeure pour empêcher les infiltrations d’eau. De pain et de thé sont constitués les repas de sa famille. “Jusqu’à maintenant, des vivres ne nous sont même pas parvenus�, souligne-t-il avec une pointe de résignation dans la voix. Des camions devaient être acheminés à Timimoun. Ce dimanche, aucun n’était encore en vue.
S. L.


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