Entre actes de bravoure et dérapages

10 ans de présence sur le terrain de la lutte antiterroriste

Ces auxiliaires chargés de faire lien avec les populations, ont apporté une assistance inégalable aux forces de sécurité dans le nettoyage des maquis terroristes. Mais de nombreux cas de dépassements ont entaché leur action.
En dehors des autorités compétentes, nul n’est en mesure de dire exactement combien de civils ont été engagés, bon gré mal gré, dans la lutte armée contre le terrorisme. 80 000 ? 100 000 ? L’information est soigneusement dissimulée.
Une certitude demeure : les plus hautes autorités de l’État ne pouvaient pas faire face à la violence intégriste, à son paroxysme en 1993, sans impliquer la population.
Les militaires et policiers ne parvenaient plus à contrer des attentats de plus en plus violents. Au fil des jours, la liste des victimes se rallongeait à vue d’œil. Le pays se démantelait. Il vivait l’horreur au quotidien.
“La peur doit changer de camp� a asséné un soir le Chef du gouvernement, Réda Malek.
Les citoyens, plus précisément les plus exposés aux exactions terroristes, sont mis à contribution pour en finir avec la terreur.
Les autorités militaires leurs remettent des armes de guerre pour se défendre (GLD) mais aussi pour participer aux opérations (Patriotes).
Avec 54 fusils et une kalachnikov, les habitants de Tidmimine réussirent à éloigner pour toujours les terroristes au bout de quatre jours d’affrontements (25 au 29 mars 1995).
La population d’Idjermine s’astreint à l’exode après la décapitation d’un vieil homme.
Vingt-neuf jours après, elle revient réinvestir ses terres, armée de neuf fusils de chasse. “Les militaires ont doté, ensuite, les villageois d’armes moins précaires. Ils nous ont fait comprendre, néanmoins, que nous ne pouvons prétendre à un statut autre que celui de GLD�, rapporte un résident de ce douar. Les habitants de Haouch-Gros (Boufarik) sont fiers de rappeler qu’aucune femme n’a été kidnappée par les terroristes. “Les victimes tombées dans le quartier, dont deux femmes, ont résisté jusqu’à leur dernier souffle�, indique Mme Sellami. Son époux, le célèbre Mohamed Sellami, est mort les armes à la main. “C’est grâce aux Patriotes que Antar Zouabri et beaucoup d’autres émirs ont été liquidés. Nul ne peut nous dénier le rôle important que nous avons joué dans la lutte antiterroriste�, souligne Djillali, Patriote à Boufarik. Sombre revers de la médaille : de nombreux dérapages, parfois très graves, ont été commis par des Patriotes.
Les services de sécurité ont prouvé que certains d’entre eux ont rejoint le camp ennemi avec armes et bagages, au vrai sens de l’expression. Selon des sources locales, environ 160 Patriotes de Boufarik sont en prison pour des délits mineurs (vol) ou carrément des crimes.
L’un d’eux, un trentenaire qui s’est positionné pourtant du bon côté en dépit de son appartenance à une famille liée au terrorisme, a écopé de 20 ans de prison ferme pour viol d’une jeune fille.
À Chlef, l’on nous a raconté l’histoire du Patriote qui a été condamné à la perpétuité pour avoir tué le père et l’épouse de terroristes.
Le cas de Hadj Ferguène, Patriote de Relizane qui a agressé un citoyen avec son arme, a défrayé la chronique pendant plusieurs jours.
Les cas de dépassements, mêmes minimes, sont innombrables. Comme partout ailleurs, l’ivraie se mêle inexorablement au bon grain.
S. H.