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"On peut considérer Sénac comme un historien de la littérature et un critique d'art"
L'UNIVERSITAIRE HAMID NACER-KHODJA À LIBERTE
Publié dans Liberté le 22 - 11 - 2014

Maître de conférences à l'université de Djelfa, Hamid Nacer-Khodja a consacré une thèse de doctorat à Jean Sénac, la première en littérature française et comparée sur cet auteur, qui a été remaniée et publiée aux éditions El-Kalima sous l'intitulé Jean Sénac, critique algérien. Il revient dans cet entretien sur l'apport considérable du poète dans le domaine de la critique, une facette plutôt méconnue de son parcours.
Liberté : Votre ouvrage s'intitule Sénac, critique algérien. L'apport de Jean Sénac à la critique littéraire et la critique d'art est une facette peut-être méconnue, en tout cas reléguée au second plan par son œuvre poétique...
Hamid Nacer-Khodja : Effectivement, Jean Sénac est connu essentiellement comme poète. L'histoire littéraire l'a retenu en tant que tel, notamment poète du nationalisme algérien et plus tard poète de l'Algérie indépendante. Mais il y a un autre aspect de son œuvre qui est la critique, aussi bien la critique littéraire que la critique artistique et la critique radiophonique (et même à la télévision). Cette activité est d'autant plus importante puisqu'elle a constitué son métier nourricier, notamment le métier de réalisateur d'émissions radiophoniques. Il a commencé très jeune, dès 1946, pour subvenir à ses besoins, parce qu'il n'a pas pu effectuer des études (il a échoué au bac en 1945), il avait comme soutien sa pauvre maman qui était femme de ménage et sa sœur qui ne travaillait pas, donc il était obligé de subvenir à ses besoins et à ceux de sa famille. Pour cela, il a commencé à écrire dans les journaux d'Algérie et d'Afrique du Nord de l'époque, d'abord des critiques sur les écrivains qu'il aimait, ensuite sur les artistes qu'il aimait.
Que retenir de Sénac le critique ?
Au début, la conception de la critique chez Sénac était d'exalter ses amis, qui d'après lui étaient tombés dans une espèce de chape de silence ; on ne veut pas parler d'eux, notamment les écrivains locaux, les écrivains d'Algérie qui étaient plus ou moins méconnus en France. Il voulait donc les réhabiliter. Pour les artistes, à l'époque, l'art était l'orientalisme et le semi-figuratif, qui étaient vraiment considérés comme des arts officieux, parce que aidé par le pouvoir public, la société algérienne d'orientalisme, l'Ecole nationale des beaux-arts, le musée des Beaux-Arts.
Toutes ces institutions encourageaient ce qu'on appelait l'Ecole d'Alger, une école figurative et essentiellement à orientation orientaliste. Et lui, il a introduit l'art abstrait. Contrairement à la littérature où il avait des idées un peu rétrogrades – il est contre le surréalisme, le dadaïsme, l'existentialisme qui étaient des écoles à la mode –, en matière d'art, il était innovateur, il est le premier à parler par exemple d'art abstrait à Alger dans la presse et à le défendre, à défendre aussi ses amis artistes qui étaient la plupart des pieds-noirs (Sauveur Galliero était son ami et a joué un rôle très important dans sa formation et dans sa vie ; Jean de Maisonseul, Louis Bénisti, Louis Nallard, et bien d'autres artistes natifs d'Algérie).
En matière radiophonique, à partir de 1946 Radio Algérie a commencé à réaliser des émissions littéraires, notamment par le biais d'Emmanuel Roblès – qui était aussi un homme de radio – et de Jean Sénac. Sénac a été le premier à parler dans la presse par exemple de Mouloud Feraoun en 1946, et de Mohammed Dib en 1948. A partir de 1950, Sénac va créer, avec des amis de la radio, la revue Soleil qui va jouer un rôle très important, parce qu'elle va publier parmi les premiers textes de Dib et de Kateb, le premier texte de Feraoun. Cette revue introduira aussi des peintres algériens ; elle était illustrée aussi bien par les peintres pieds-noirs français que par les peintres algériens tels que Baya, Guermaz, Mesli...
Dans le monde de la radio, il va innover en parlant des premiers écrivains algériens. Donc il a parlé de cette génération que Memmi appellera plus tard la génération de 52 : Mohammed Dib, Mouloud Feraoun et Mouloud Mammeri. En 1954, par exemple, dans une émission sur Mammeri, Sénac a parlé de patrie algérienne et du roman de Mammeri, La Colline oubliée, où il dit que ce n'est pas uniquement un roman d'amour, c'est un roman qui interroge la société kabyle, un roman sur le devenir de la société algérienne, sur la patrie algérienne, et son jugement va à l'encontre de celui des militants nationalistes (Lacheraf, Sahli, etc.).
Quelle a été la contribution de Sénac pendant la guerre de Libération et à l'indépendance ?
Pendant la guerre d'Algérie, Sénac a été l'un des rares à publier dans des revues et des ouvrages la poésie algérienne de résistance, déjà dans les numéros spéciaux de deux revues sur la littérature d'Afrique du Nord, pour montrer justement aux Français qu'il y avait une littérature authentique, que la culture algérienne n'est pas française, qu'elle est profondément algérienne, arabo-berbère – il a été le premier à prononcer cette expression. Dans l'essai Le soleil sous les armes, publié en 1957, il dit que la poésie algérienne a longtemps, depuis 1830, chanté l'exploit d'un peuple martyrisé, d'un peuple colonisé.
Dans ce recueil, il pose le problème de langue et il dira que la vraie littérature algérienne sera celle de demain qui sera écrite en arabe et en berbère, celle en français n'est que transitoire – il s'est trompé comme beaucoup de gens sur l'avenir de la langue française en Algérie. A l'indépendance, dans le cadre de l'Union des écrivains où il était secrétaire général, il a agi beaucoup pour les poètes et les peintres. Pour les poètes, il a créé des émissions de radio : "Poète dans la cité" et "Poésie sur tous les front" ; pour la peinture, il a créé la Galerie 54, qui a duré quatre mois, où a exposé le premier Denis Martinez, Aksouh, Jean de Maisonseul... Dans un des catalogues de cette galerie, il a écrit la formule qui aura une fortune considérable, "l'Ecole du signe". Donc, on peut considérer Sénac comme étant un historien aussi bien de la littérature d'Algérie que de la littérature algérienne et un critique d'art tout à fait remarquable.
Avec le titre de votre ouvrage, vous semblez insister sur l'algérianité de Sénac. Pourquoi ?
Il fallait insister sur l'algérianité de Sénac parce qu'il a dit : je vais défendre les écrivains et artistes d'Algérie ; à l'époque, le mot Algérie à ses débuts signifiait les Français d'Algérie. Mais lui voulait intégrer une Algérie de plusieurs langues avant 1954.
En 1953, il a créé sa revue Terrasses avec des contributions de Camus, René Char, Senghor, et les auteurs algériens. Il a commencé à défendre une Algérie algérienne bien avant 54. Déjà, dans son journal de 54, il s'est dit je me sens algérien, et pour l'Algérie il faut une révolution profonde, il n'y a qu'une Algérie algérienne et il n'y que les Arabo-Berbères qui doivent gouverner, les Algériens d'origine européenne dans une future Algérie auront une place minoritaire. Malheureusement, pendant la guerre et après la guerre, certains esprits chagrins, malintentionnés, réducteurs, ont toujours contesté son algérianité. Tous les Algériens d'origine européenne sont plus ou moins considérés par certains comme des citoyens de deuxième zone, bien qu'ils aient pris la nationalité algérienne, donc ils sont algériens en droits et en devoirs. Pendant la guerre d'Algérie, Malek Haddad lui a dit qu'il ne sera jamais accepté dans l'Algérie indépendante.
Après l'indépendance, que de fois Malek Haddad, Kateb Yacine et Issiakhem lui faisaient des misères, notamment à propos de la nationalité. Alors que Sénac se sentait pleinement algérien. Il a constitué au début son dossier de nationalité, mais il ne répondait pas aux critères des accords d'Evian. Il devait se naturaliser. Il a constitué un dossier de naturalisation au niveau du ministère de la Justice qui s'est égaré, et on lui a répondu l'année de sa mort, en 1973. Il est mort sans avoir la nationalité algérienne, mais il se sentait pleinement algérien : il était en relation avec les prisonniers de Fresnes, a participé à la traduction de Qassaman, a traduit des poèmes de Moufdi Zakaria et Ibn Badis qu'il revendiquait, etc.
L'apport de Sénac a été considérable, aussi bien pour la peinture que pour la littérature. Est-ce qu'on peut parler d'école Sénac de la critique ? A-t-il des héritiers ?
Disons qu'il y a une filiation mais pas un héritage. Parce que Sénac n'était pas un critique dans le sens traditionnel du terme. Ce n'était pas un critique avec une méthodologie. Il a parlé de ceux qu'il aimait.
S. K.
Jean Sénac, critique algérien, de Hamid Nacer-Khodja. Document, 560 pages, éditions El-Kalima. 1500 DA.


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