Le professeur des universités, Lahouari Addi, a animé hier un café-littéraire au théâtre de la ville de Béjaïa, en compagnie de Djamel Zenati. Le premier à intervenir, Djamel Zenati, a indiqué que le livre de Lahouari Addi, qu'il a préfacé, a avoué son embarras quand il s'était attelé à cette tâche : le professeur de mathématiques appréhendait de s'aventurer dans une discipline dans laquelle il se dit profane : les sciences humaines. Cependant, il a d'emblée indiqué que le livre, publié chez La Découverte en 1994 et republié en 2014 chez les éditions Maârifa, demeure d'actualité. Il dévoile, selon lui, les enjeux et dynamiques en œuvre dans la société algérienne. Djamel Zenati estime, en outre, qu'il y a lieu de réapprendre à faire de la politique et a plaidé, à ce propos, pour une réflexion critique, qui soit la plus rigoureuse possible. Et comme s'il appréhendait la tournure qu'allaient prendre les débats, il dira en guise de transition : "Avec la fermeture du champ politique, on a perdu le réflexe de s'écouter. Il faut se ressaisir. Ecoutons-le." Lahouari Addi a d'emblée souligné que la venue d'un nombreux public à ce débat avait une signification : "Il ne faut pas désespérer de ce pays." Et d'enchaîner : "Les sciences sociales ne sont pas universelles. Car il s'agit de sciences empiriques." Il citera l'exemple de Pierre Bourdieu, qui a élaboré sa sociologie à partir des villages kabyles. Pierre Bourdieu avait été frappé par le racisme du discours académique français sur l'Algérie. Et par son travail, il a démontré que la société algérienne "est une société normale qui a sa propre rationalité. Il y a une sociologie maghrébine, comme il y a une sociologie américaine, allemande." Et à ce propos, il dira qu'on a besoin de produire un discours sur la société algérienne. Pour cela, les sciences sociales doivent être ancrées dans les préoccupations algériennes. Les sciences sociales, poursuivra-t-il, participent à l'élévation de la culture générale. Et si le niveau s'élève, c'est l'agressivité qui diminuera. Il dira, en outre, qu'"on ne peut pas construire notre société si on ne place pas la vie humaine au-dessus de tout. La vie humaine est sacrée". Et de rappeler que le monopole de la violence appartient à l'Etat. Toutefois, il faut qu'elle soit exercée, insistera-t-il, dans le cadre de la loi. Cela nous éloignera des aliénations religieuses. "Si nous sommes sous-développés, c'est parce que nous n'avons pas connu le basculement intellectuel qu'a connu l'Europe avec Emanuel Kant. En terre d'islam, la philosophie musulmane s'est arrêtée avec Ibn Rochd", a expliqué M. Addi. "On peut produire une modernité islamo-berbéro-algérienne avec la sensibilité de chez nous. Et là, on va toucher au problème de l'Islam. Car il n'existe pas une seule et vraie interprétation. Et il n'y a pas une seule lecture du Coran", a ajouté le conférencier. Et d'affirmer dans la foulée que la société algérienne est en train de se séculariser. Elle suscite d'ailleurs une réaction violente de la conscience religieuse. Une sécularisation qu'il juge inéluctable. La raison : elle est, selon lui, la nouvelle modalité d'être musulman dans notre société. M. O.