Le 17 Octobre 1961, des centaines d'Algériens ont été atrocement matraqués et jetés dans la Seine par la police de Maurice Papon alors que des milliers d'autres ont été arrêtés et mis au cachot après avoir participé à la manifestation pacifique initiée par le FLN pour s'opposer à une décision discriminatoire de couvre-feu imposé à la communauté algérienne vivant en France. Ils sont encore nombreux les travailleurs émigrés de l'époque qui ont pris part à cette manifestation historique à se souvenir de cette tragédie qui avait horrifié toute l'opinion internationale. Saïd Abtout, originaire de Boudjima, dans la daïra d'Ouaguenoune, n'est pas près d'oublier les atrocités subies à l'époque par ces milliers d'Algériens, hommes, femmes et enfants innocents qui ont été sauvagement bastonnés par les policiers du sinistre Papon. À 86 ans, aâmi Saïd partage désormais ses vieux jours entre les deux rives de la Méditerranée, tantôt dans cette vaste banlieue parisienne où il sacrifia sa jeunesse à militer au sein du MTLD puis dans les rangs du FLN, tantôt dans sa Kabylie natale qui a tant donné à la lutte sacrée pour la libération du pays. "Dites-vous bien que, plus d'un demi-siècle après cette terrible tragédie, je suis encore marqué par les atrocités vécues ce jour-là par nos compatriotes qui avaient répondu à l'appel du FLN pour prendre part à une manifestation pacifique dans les rues de Paris", dira aâmi Saïd la gorge nouée, lui qui se rappelle de tous ces cris plaintifs émanant de ses frères de combat, des hommes, des femmes et des enfants qui avaient les mains nues et qui furent victimes d'une répression féroce et d'une ratonnade sans précédent. "Le mot d'ordre pour la marche du 17 Octobre 1961 fut tenu au secret et la police de Papon fut surprise par l'ampleur de la marche et surtout la déferlante jamais vue jusque-là dans les rues de Paris", se souvient Saïd Abtout qui avait à peine trente et un ans en ce temps-là mais qui, comme tous les jeunes Algériens de sa génération, avait décidé de sacrifier sa vie pour libérer la patrie du joug colonial. "À l'époque, j'habitais à Paris dans le 14e et je travaillais à la mairie de Bagneux mais je n'avais pas hésité à répondre à l'appel du FLN pour rallier la marche et dénoncer ce couvre-feu raciste imposé aux Algériens résidant en France. Personnellement, j'étais à quelques mètres du cordon de sécurité dressé par les policiers qui n'avaient pas hésité à réprimer, agresser, voire lyncher sans aucune retenue des frères et des sœurs qui poussaient des cris effroyables. Il y avait même des femmes et des enfants qui étaient matraqués d'une façon hystérique par des policiers déchaînés", se souvient, dans le moindre détail, ce témoin encore vivant de cette terrible tragédie. "Dites-vous bien qu'il y avait plus de deux cents morts et des milliers de blessés et de manifestants arrêtés et pour la plupart amassés au stade du Parc-des-Princes car il n'y avait plus de place dans les prisons et les commissariats", dira encore aâmi Saïd qui conclut que "cette journée historique n'a fait que renforcer la mainmise du FLN en métropole surtout en cette période cruciale des négociations qui devaient aboutir aux fameux accords d'Evian". M. H.