Résumé : Nawel se met à narrer son récit. Le succès de sa rubrique était tel que le journal fait un bond en avant. Elle devenait célèbre et adulée, mais était aussi secrètement amoureuse de Fayçal. Les choses prirent une autre tournure, lorsqu'il l'invite à fêter son anniversaire dans un restaurant où il lui propose de devenir son épouse. Mes joues étaient rouges et je sentais une chaleur envahir tout mon corps. Tout en moi est attiré par le regard enflammé de cet homme assis en face de moi. -Ne tentes pas de mentir. Cela ne te va pas. Ou plutôt si, puisque tu as rougi et tu es devenue plus belle. Je me mordis la langue afin de ne pas crier. Mon cœur palpitait. J'avais l'impression de décoller du sol pour planer dans les cieux. -Dis oui Nawel, dis oui. Cela te fera le plus grand bien et mettra fin à mes angoisses. -Tes angoisses ? -Oui Nawel. J'ai longtemps attendu ce moment, que j'ai cru qu'il n'arriverait jamais. Maintenant, je ne peux plus attendre. Accorde-moi ta main ma chérie, et fais de moi l'homme le plus heureux du monde. Ma langue refusait de remuer dans ma bouche. Je sentais mon sang affluer vers mon visage puis vers ma tête. Je porte la main à ma bouche comme pour atténuer le son de ma voix et murmure dans un brouillard : -Epouse-moi vite Fayçal, je ne peux plus attendre. Je suis folle de toi. Satisfait de ma réponse, Fayçal prend ma main et l'embrasse : -Je suis fou de toi, moi aussi. Mais je serai plus fou si je dois attendre davantage. Marions-nous vite. Je fermais les yeux pour répondre comme dans un rêve : -C'est mon souhait le plus secret qui s'exauce aujourd'hui. Depuis cette soirée, Fayçal et moi nous ne quittions plus. Nous étions devenus une paire inséparable. Fayçal avait informé ses parents de son projet de mariage, et moi les miens. À cette époque, ce n'était pas Salima qui partageait mon appartement, mais Karima, l'avant-dernière de la famille. Elle était en dernière année de psychologie et préparait studieusement son diplôme. Pour ne pas la perturber, je demandais à Fayçal de se déplacer avec sa famille chez mes parents au bled. Ce qui ne le dérangea d'ailleurs pas, étant donné que les siens aussi ne vivaient pas dans la même ville que nous. Les choses se passèrent comme dans un songe. Je me retrouvais fiancée à un homme formidable, et mon esprit galopait à mille lieues. J'avais des projets plein la tête. Je me préparais à une nouvelle vie et à une grande responsabilité. Fayçal habitait dans un studio non loin de la rédaction. Nous décidâmes en commun accord de vivre dans mon appartement. J'avais plus d'espace, et je m'étais très attachée au quartier et au voisinage. Ne restait plus donc que les préparatifs du mariage. Fayçal était impatient. Nous nous mîmes à sillonner les magasins pour comparer les meubles, juger les prix et faire en sorte de réunir la sommes d'argent nécessaire à l'ameublement de notre maison. J'étais aux anges. Aux anges. Rien n'échappait à mon savoir-faire. Je voulais retaper l'appartement et je commençais par des travaux de plomberie et d'électricité, avant de ramener un peintre. Tout devait luire le jour J. Fayçal ne participa pas aux premières dépenses, car je voulais démontrer que je pouvais faire face à cette première épreuve. Après les travaux, je me mets à donner un coup de neuf aux décors. J'avais dépensé une bonne partie de mes économies, mais je me disais qu'avec le temps, Fayçal m'aidera à redresser la barre. Un beau matin, alors que je me rendais au bureau, je trouve ce dernier accoudé à la rampe d'escalier, l'air abattu et triste. En silence, il me tendit un document. C'était une convocation. Fayçal n'avait pas effectué son service national et voici qu'on le rappelle : -Tout est fichu, me lance-t-il d'une voix affectée. On va devoir geler tous nos projets. La nouvelle m'avait anéantie. Mais devant l'air affligé de Fayçal, je me devais d'être plus forte : -Et alors ? Cela va te prendre deux années tout au plus, lançais-je d'une voix que je voulais insouciante, alors qu'en vérité tout mon corps s'était mis à trembler. Une séparation entre nous n'était pas facile à prévoir. Nous étions trop épris l'un de l'autre, trop attachés pout penser à nous quitter. -Deux ans dans une vie c'est beaucoup, me dit-il. Surtout lorsqu'il s'agit de la jeunesse. Nous n'allons pas rattraper facilement ce temps que je vais passer sous les drapeaux. -Qu'à cela ne tienne. Nous sommes encore jeunes Fayçal. Et puis, tu auras de petits congés de circonstance, des permissions... -Et si on se mariait tout de suite ? -Tout de suite ? -Oui. Pourquoi attendre ? Marions-nous. Nous avons perdu du temps à courir pour meubler la maison et dans des projets fantoches, alors que nous aurions pu nous marier voici plusieurs mois. -Nous n'étions pas prêts. Enfin, je veux dire que la famille n'aurait peut-être pas accepté un mariage aussi hâtif. -Nous sommes les deux concernés. Pas la famille. -Certes. Mais vois-tu, personne ne s'attendait à ce revirement de situation. Tu ne m'avais pas dis que tu n'avais pas effectué ton service national. Il hausse les épaules : -Je n'y avais plus pensé depuis l'université. On m'avait convoqué une fois ou deux, et j'ai justifié à chaque fois mon report. Puis je me suis dit qu'à mon âge, maintenant, on ne va peut-être plus me faire appel. -C'est un devoir national Fayçal. Un devoir auquel tu ne pourras pas te dérober. -Qui te parle de me dérober ? Moi je veux qu'on se marie avant mon départ pour la caserne. (À suivre) Y. H.