Comme il fallait bien s'y attendre, les déclarations du meneur de jeu de l'équipe nationale de football, Sofiane Feghouli, exhortant Benzia et Ounas à rejoindre la sélection algérienne ont suscité des réactions acerbes en France. C'est surtout le fait que Feghouli ait voulu titiller la fibre patriotique des deux internationaux français, leur rappelant le passé douloureux entre l'Algérie et la France qui a le plus déplu du côté de l'Hexagone. "Le fait que Feghouli ait déjà porté les couleurs de la France jusqu'à la catégorie espoirs laisse perplexe sur l'opportunité d'une telle déclaration, alors que Feghouli aurait pu se limiter à l'aspect sportif pour exhorter ses compatriotes binationaux à rejoindre la sélection algérienne", réplique-t-on en France. Et de rappeler même que "si Feghouli tient aujourd'hui ce genre de discours revanchard, c'est juste parce qu'il n'a pas réussi à se chercher un chemin vers la sélection française A, à l'instar de Benzema, courtisé également par la Fédération algérienne". Un argument qui tombe vite à l'eau quand on rappelle qu'un joueur comme Yacine Brahimi, qui aurait pu largement endosser le maillot tricolore, a plutôt choisi de jouer pour son pays d'origine, même s'il lui a fallu trois ans de réflexion pour se décider. Pourquoi donc Feghouli a eu recours à cet aspect historique pour peaufiner sa stratégie de séduction envers les jeunes joueurs binationaux ? À vrai dire, l'explication réside dans le fait que Feghouli craint que l'exemple de Nabil Fekir fasse tache d'huile, après que ce dernier eut choisi la sélection française après avoir donné son accord de principe à la FAF. Il a dû sans doute ressentir toute cette hésitation qui anime Benzia et Ounas, au point de se sentir obligé de leur faire la leçon d'histoire. Mais pas seulement, Feghouli sait pertinemment aussi que ces deux joueurs font l'objet de pressions énormes de la part de leurs clubs quand il s'agit de choisir entre l'Algérie et la France. Assumant ses responsabilités de cadre de l'EN, Feghouli a certes usé des mots qui fâchent, mais il a voulu répondre du tac au tac au lobby français. De son coté, la fédération française voit sans doute d'un mauvais œil la sortie médiatique de Feghouli , elle ne souhaiterait pas évidement perde d'autres talents au profit de l'Algérie d'où cette levée de boucliers en France. Cette polémique renseigne un peu plus sur la guerre en coulisses que se livrent les deux fédérations, française et algérienne, autour des joueurs binationaux depuis la promulgation de la loi des Bahamas qui permet aux joueurs de changer de nationalité sportive à condition de ne pas avoir pris part à un match officiel avec l'équipe nationale A d'origine. Une disposition qui a permis à l'Algérie de récupérer des talents certains, à l'image des Meghni, Boudebouz, Ghoulam, Brahimi... Reste à savoir maintenant si les responsables français vont s'arrêter à ce genre de "réactions protectionnistes" ou vont-ils passer carrément à l'offensive en s'attaquant carrément à la loi des Bahamas par le truchement de la fédération française ? "Après le départ de Blatter de la FIFA, la FAF craint sérieusement que la fédération française et d'autres fédérations européennes ne soient tentées par le désir de revoir la loi des Bahamas, comme ce fut le cas récemment avec la concession faite aux grands clubs européens qui ne sont plus obligés de libérer leurs joueurs pour le tournoi final des Jeux olympiques de Rio. Le comité exécutif de la FIFA a décidé que ce tournoi n'est plus inscrit aux dates FIFA. Du coup, pour faire participer un joueur aux JO, il faudra au préalable aux fédérations négocier avec les clubs pour pouvoir les libérer, ce qui n'était pas du tout le cas du temps de Blatter. Alors, il faudra s'attendre à d'autres remises en cause de puissants lobbies", analyse un responsable algérien qui a pignon sur rue du côté de Zurich. SAMIR LAMARI