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Kamel Daoud, l'affaire de Cologne et le sexe indiscipliné des Nord-Africains
Contribution (Liberte-algerie.com) (*)
Publié dans Liberté le 22 - 02 - 2016

Pour Kamel Daoud, si on croit ce qu'il dit dans sa chronique parue dans le quotidien français, Le Monde du 5 février 2016 (Ce que Cologne dit du sexisme dans le monde arabo-musulman), les Africains, les Arabes et les colonisés seraient des malades sexuels, qui n'aimeraient pas les femmes et qui devraient subir des cures de désintoxication sexuelle et de purification ou, pour reprendre Frantz Fanon, des opérations de « blanchiment » (Peau noire, masques blancs) avant d'être admis comme réfugiés par les Européens qui seraient naïfs parce qu'ils ne comprendraient pas les tendances perverses de ces réfugiés. Un colonisé est un malade, un barbare, que n'a pas pu entièrement civiliser le colonialisme. C'est ce que n'auraient pas compris, selon Daoud, les Allemands dans l'affaire de Cologne et des réfugiés. Je ne sais pas si Kamel Daoud qui se considère comme un islamiste repenti s'il a, lui-même, demandé à subir des séances de blanchiment et de dés-ensauvagement ou a de lui-même usé de poudre blanche lui permettant de changer si facilement et si rapidement de couleur de peau. Je ne sais pas si lui aussi avait vécu l'expérience avant de prendre conscience de la gravité de la chose. Je ne sais pas si les nombreux viols subis par les colonisées en Algérie et dans les autres pays qui étaient l'œuvre des colonisateurs ne comptaient pas parce que dans la tête de Kamel Daoud et des colons, ils ne seraient peut-être que de simples animaux. D'ailleurs, dans la littérature coloniale, on fait énormément usage du vocabulaire zoologique. De nombreux cas d'enfants et de femmes violés en Irak, en Centrafrique et dans d'autres pays africains par des soldats européens et américains, ça ne compte pas pour Daoud qui semble « laver plus blanc », des enquêtes de l'ONU ont pourtant confirmé cette réalité. Mais eux, ce ne sont que des Arabes et des Africains, ils ne valent absolument rien, ce sont des barbares et des sauvages, simples objets exotiques. Kamel Daoud, à l'instar de Boualem Sansal, s'inscrivant dans cette nouvelle tendance indigéniste, reprend un discours essentialiste déjà usité dans la littérature coloniale (notamment chez Randau et Bertrand), présentant le colonisé, aujourd'hui le réfugié, le couteau à la bouche, le sexe à l'air libre et la femme-Fatma soumise et maltraitée (un fantasme qui a la peau et la chair dures). Déjà, Camus donnait à voir un Arabe (avec un grand A, indéfini) sans identité que Meursault finit par tuer. C'est l'image qu'ils veulent renvoyer à leurs éditeurs en fonction d'horizons d'attente particuliers.
Le discours ethnocentriste et essentialiste est souvent intériorisé par les élites et les universitaires arabes et africains qui le reproduisent dans leurs travaux, leurs attitudes politiques en évitant de l'interroger tout en reprenant ses grilles et ses jugements, reproduisant, souvent de manière inconsciente, le racisme ambiant et latent fait de clichés et de stéréotypes. Quand des textes attaquant Zohra Drif et Yacef Saadi prennent comme référence des éléments puisés dans les archives d'officiers des renseignements coloniaux, quand un écrivain reprend le discours colonial, nous ne pouvons qu'être d'accord avec Fanon qui a évoqué le fameux « complexe du colonisé ».
Kamel Daoud reprend à son compte, selon moi, cette lecture essentialiste de Montesquieu sur ce qu'il appelle le « despotisme oriental » et ce sermon teinté d'inhumanité de Jules Ferry.
Montesquieu : « J'avais peut-être un peu cédé au désir de faire de l'effet sur ces gens tour à tour insolents ou serviles, toujours à la merci d'impressions vives et passagères, et qu'il faut connaître pour comprendre à quel point le despotisme est le gouvernement normal de l'Orient. »
Jules Ferry : « Si nous avons le droit d'aller chez ces barbares, c'est parce que nous avons le devoir de les civiliser(...) Il faut non plus les traiter en égaux, mais se placer au point de vue d'une race supérieure qui conquiert. » (A la Chambre, en 1884)
Le discours de Kamel Daoud pose sérieusement problème reprenant cette image construite d'un Arabe et d'un Africain, obsédé sexuel, sauvage, bon à être civilisé et assimilé pour s'adapter à une Europe qui serait parfaite. Ce discours binaire et manichéen est la négation d'une vision historique considérant l'identité comme un mouvement, une structure en construction, vision soutenue par Edward Said que ferait bien de lire Kamel Daoud : « J'ai l'impression parfois d'être un flot de courants multiples. Je préfère cela à l'idée d'un moi solide, identité à laquelle tant d'entre nous accordent tant d'importance. Ces courants, comme les thèmes de nos vies, coulent tout au long des heures d'éveil et si tout se passe bien, n'ont pas besoin de s'accorder ni de s'harmoniser. »
Le réfugié et le colonisé devraient, selon Daoud, subir des cures de purification, ils auraient des sexes trop volages, trop ambulants et trop rebelles, ne pouvant résister à l'appel de la chair, les femmes seraient toutes soumises et vivant un diktat sans merci d'hommes barbares et violents. Il évite d'entreprendre une analyse des causes pour se satisfaire de clichés et de stéréotypes reproduisant le discours colonial et les attitudes de certains orientalistes. La question du sexisme est cruciale, pas uniquement chez nous, même en Europe, elle reste un combat. On se souvient du traitement fait à la femme « agressée » sexuellement par DSK, traitée de tous les noms par la presse française et des hommes et des femmes politiques parce qu'elle était tout simplement femme, noire et simple travailleuse. Seule la grande féministe et femme-courage, amie de l'Algérie, Gisèle Halimi a pris parti contre le lynchage de cette femme. Elle était noire et femme, ce qui serait un double délit. Ce qui est qualifié comme une erreur en « Occident » deviendrait chez Daoud un phénomène naturel chez les "arabo-musulmans", appellation qui ne veut absolument rien dire. Dans tous les cas, il y a crime et comme tous les cas, il devrait-être puni, ici en Algérie, en France ou en Allemagne. Mais il se trouve que l'histoire de Cologne n'était qu'une mise en scène pour fragiliser la chancelière allemande. D'après un article du quotidien, Le Monde, daté du vendredi 19 février, la police allemande n'a pas encore réussi à identifier les véritables auteurs des agressions sexuelles à Cologne lors de la fête du nouvel an. Sur les 73 mis en examen, 12 seulement sont soupçonnés, uniquement soupçonnés, pour "agression sexuelle", les autres pour vols essentiellement. Un seul est détenu pour "agression sexuelle". Voilà ce que dit le procureur général allemand" « Il est beaucoup plus compliqué d'identifier les auteurs d'agression sexuelle. Les femmes ont témoigné avoir été agressées par des groupes d'hommes. Etant donné le faible éclairage des lieux du drame ce soir-là, les victimes ont du mal à reconnaître leurs agresseurs. ». Des silhouettes ! Et Meursault tua l'Arabe. D'autres ont parlé avec certitude de zombies arabo-musulmans. Attendons au moins les résultats d'une enquête qui, pour le moment, infirme les certitudes initiales. La presse américaine, plus professionnelle, a été la première à avoir des doutes sur cette affaire Kamel Daoud qui a été peut-être roulé dans la farine. Kamel Daoud use d'un discours truffé de clichés, de stéréotypes (« Monde d'Allah, « différent ») et de généralisations (monde arabo musulman vs Occident) mettant en opposition deux catégories, un occidental « naïf », « humaniste », parfait et un arabo-musulman agressif réduit à un rapport maladif à « Dieu et à la femme ». Daoud écrit ceci à propos de l' « arabo-musulman » : « L'Autre vient de ce vaste univers douloureux et affreux que sont la misère sexuelle dans le monde arabo-musulman, le rapport malade à la femme, au corps et au désir. L'accueillir n'est pas le guérir. » ou « La femme est niée, refusée, tuée, voilée, enfermée ou possédée. »
Kamel Daoud oppose deux logiques, deux totalités bâties sur l'exclusion d'origine essentialiste : celle d'un monde occidental parfait, heureux, moderne et celle d'une entité arabo-musulmane, masse informe, archaïque, vivant un rapport maladif à la femme et à la sexualité. L'arabo-musulman, une catégorie informe, unique, sans possibilité d'autonomie est un « zombie », un obsédé sexuel qui devrait-être soigné, subir une radicale désintoxication purificatrice avant d'être admis dans le monde de la pureté occidentale. Ce manichéisme est dangereux parce qu'il évacue toute dimension humaniste et toute identité métisse, hybride, faite de traces culturelles multiples. Qu'est-ce qu'un « arabo-musulman » ? Qu'est-ce qu'un « occidental » ? Ce ne sont que de simples constructions idéologiques mises en œuvre pour légitimer un illusoire choc des civilisations. La civilisation humaine n'a que faire de ces oppositions qui profitent aux puissances militaro-industrielles. Fanon qui, à l'instar de Césaire, a dénoncé ces entreprises de blanchiment parlait ainsi, mais à propos de la torture : « Le peuple européen qui torture est un peuple déchu, traître à son histoire. Le peuple sous développé qui torture assure sa nature, fait son travail de peuple sous-développé. » Quand un Européen viole des colonisées ou pratique la pédophilie (Outreau), c'est tout simplement une bavure, mais quand il s'agit de ce que Daoud appelle les « arabo-musulmans », c'est leur nature de violeurs et de zombies qui se réveille.
Il serait bon que chacun de nous accepte le débat pluriel sans agressivité. Evitons le discours fascisant qui veut que chaque fois que quelqu'un n'est pas d'accord avec Sansal ou Daoud ou quelqu'un d'autre, il est insulté par certains qui croient à l'idée unique et à la pensée unique. Un groupe d'anthropologues, de sociologues reconnus partout dans les milieux scientifiques et un journaliste du New York Times et The Nation (où officie parfois le grand Noam Chomsky), Adam Shatz ont dénoncé à juste titre le discours essentialiste de Daoud qui s'était attaqué à ce groupe dont j'ai eu le plaisir et l'honneur de connaître certains d'entre eux à l'occasion de colloques et de rencontres scientifiques. Kamel Daoud devrait comprendre qu'il est un homme public et, à ce titre, il doit s'attendre à des attaques, à des éloges et à des lectures froides, loin de ces postures victimaires et schizophréniques et des sermons nationalistes qui caractérisent le discours dominant. Paradoxalement, Kamel Daoud devient ici, sans le vouloir peut-être, un porte-voix de l'extrême droite et des intégrismes religieux qui tentent de mettre en opposition deux univers informes et monolithiques (« monde musulman » vs « Occident ») qui ne sont, en fin de compte, que des constructions idéologiques suggérant un « choc possible des civilisations ».
Ahmed CHENIKI
Ancien journaliste, Professeur à l'université d'Annaba et professeur invité dans des universités européennes, auteur de nombreux ouvrages

(*): Les contributions publiées sur Liberte-algerie.com relèvent exclusivement de la responsabilité de leur auteurs


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