Résumé : Après une promenade sur la plage, Farid raccompagne Lamia chez elle et fait un détour par son studio. Il trouve son jeune locataire en train de l'attendre au bas de l'immeuble. Sa jeune copine l'avait quitté. Le jeune homme baisse la tête. Des larmes coulaient sur son visage. Farid lui tapote l'épaule. - Tu es tombé sur une égoïste, mon ami. Cette fille ne te mérite pas. Elle ne mérite pas non plus tes sacrifices et ta souffrance. Je t'avais pourtant donné un bon conseil auparavant, et ce n'est pas les femmes qui manquent, crois-moi. Le jeune homme affichait ouvertement son chagrin et sa déception. - Cela m'a fait très mal, très, très mal. Farid était de bonne humeur. La chance lui souriait, et il pouvait se permettre de consoler cet imbécile. - Allons, allons ! Cela te passera, crois-en mon expérience, mon ami. Il ébauche un sourire et lui tapote encore l'épaule. -Cherche-toi une autre donzelle et tout rentrera dans l'ordre pour toi. Je te promets de te louer encore mon studio, et cette fois-ci je te promets de te faire un bon prix. Le jeune homme hoche la tête et s'en va le cœur gros et l'air triste. Farid monte les escaliers et ouvre la porte de son studio. Il s'allonge sur le canapé un moment et repense à sa journée. La vie lui souriait enfin. Dès demain matin, il ira récupérer un vieux bureau chez un brocanteur et lancera cette agence immobilière. Cette perspective déclenche en lui un grand éclat de rire. Il donne libre cours à son hilarité, puis se redresse et allume une cigarette. Sacrée Lamia ! Il n'avait même pas eu à faire un geste pour déclencher sa générosité. Cela était venu tout bonnement. On dirait que la providence se mêlait maintenant à ses projets. Il scrute la petite pièce et se met à réfléchir quant à la façon de la meubler. C'est simple, il bradera les deux canapés et achètera un vieux bureau et deux chaises. Voilà pour le mobilier. Pour les dossiers, il mettra plein de chemises et de boîtes d'archives un peu partout. Des affiches publicitaires et tarifaires seront collées ici et là sur les murs du studio et, pour couronner le tout, il mettra une pancarte sur la porte d'entrée. Lamia, à coup sûr, n'y verra que du feu. Il jette un coup d'œil à sa montre. Il commence à se faire tard. Il lui faudra restituer le véhicule à Hénia, ou plutôt les clés à Gamra. Il pousse un soupir de satisfaction et fait une moue dubitative devant la glace de la salle de bain. "Tu es toujours un voyou, se dit-il. Mais un voyou qui sait ce qu'il veut quand même." À quelques mètres de lui, le téléphone se met à sonner. Qui peut l'appeler à cette heure-ci ? En tout cas, pas Lamia, puisqu'ils venaient de se quitter. C'est sûrement Houria. Il hausse les épaules. Comme si la sonnerie de l'appareil pouvait trahir sa présence. Il quitte les lieux et referme soigneusement la porte du studio derrière lui. Il arrive au parking du sous-sol de son quartier et gare le véhicule. Il s'assure que les portières étaient bien fermées, puis remonte et suit une artère longeant la mer avant de traverser et de se retrouver enfin à l'entrée de son immeuble, où il n'eut aucun mal à dénicher une Gamra toujours à l'affût du moindre bruit. Elle ébauche son habituel sourire édenté à sa vue. - Alors petit voyou, c'est maintenant que tu rentres ? - Cela ne te regarde pas. Tiens, voici les clés de Hénia. Quand la reverras-tu ? - Demain dans la matinée. - Présente-lui mes sincères condoléances pour l'enterrement de son célibat. - Je n'y manquerais pas. C'est tout ? - Que veux-tu d'autre ? - Un petit quelque chose qui lui fera plaisir. - Je n'ai plus rien, Gamra. Bas les pattes, je t'ai déjà remis un billet de 1000 DA ce matin. Il retourne les deux poches de son blouson. - Je n'ai plus rien sur moi. - Je vois. Elle t'a ruiné celle-là. C'est bien fait pour ta gueule. Sans plus ajouter un mot, Farid monte les escaliers et frappe à la porte de ses beaux-parents. Karima lui ouvre rapidement, et il se faufile directement dans sa chambre. Elle le suit, Feriel endormie dans ses bras. - Aide-moi à la mettre au lit. - Que dois-je faire? - Enlève-lui ses chaussures et rabat le drap. Farid s'exécute. L'enfant, tel un ange, dormait paisiblement. Il lui caresse les cheveux, puis vient se mettre à côté de sa femme. - La journée a été bonne ? - Assez bonne, je suis passée à la banque. Elle se lève et va retirer une enveloppe de l'armoire. - Voilà, c'est toutes mes économies qui sont là. (À suivre) Y. H.