Rédha Malek a eu droit à un hommage à la hauteur de l'homme. Toutes les franges de la société algérienne étaient représentées à El-Alia pour saluer celui qui avait dignement lancé, durant les années 1990, aux Algériens : "La peur doit changer de camp !" L'ancien chef de gouvernement, Rédha Malek, décédé samedi dernier à l'âge de 85 ans, a été inhumé, hier au Carré des martyrs au cimetière El-Alia, à Alger. L'ex-porte-parole de la délégation algérienne lors des négociations des accords d'Evian a eu droit à des funérailles d'Etat très émouvantes, à la hauteur du révolutionnaire, du penseur, du politique, du diplomate et du militant au long cours qu'il était. Dès 12h, plusieurs hauts responsables de l'Etat ont envahi le salon d'honneur d'El-Alia. Des dizaines de diplomates, d'ambassadeurs de pays arabes et européens, tous les ministres du gouvernement Tebboune, mais aussi d'anciens ministres, tels Noureddine Yazid Zerhouni et Abdelaziz Rahabi, tous les conseillers à la présidence de la République, des représentants de syndicats autonomes, de partis politiques, de parlementaires, de l'UGTA, du FCE, du monde sportif, culturel et médiatique sont venus rendre un dernier hommage à celui qui, en sa qualité de chef de gouvernement qu'il était à l'époque, avait résolument pris option pour une lutte ouverte et assumée contre le terrorisme. Dehors, face au Carré des martyrs, des centaines de personnalités, notamment issues de la famille révolutionnaire, de la famille du défunt ou de ses proches, étaient là. Ils étaient venus se recueillir une dernière fois sur la dépouille de Rédha Malek avant son enterrement. Le frère, et néanmoins conseiller du président de la République, Saïd Bouteflika, entouré d'un impressionnant cordon de sécurité, était également au rendez-vous, et ce, au même titre que les présidents des deux chambres du Parlement. On pouvait également relever la présence des deux ex-membres du Haut Comité d'Etat (HCE), Ali Haroun et Khaled Nezzar, de plusieurs patrons d'entreprise, à l'instar du président du groupe Cevital, Issad Rebrab, et Hassen Khelifati, du groupe Alliance Assurance. Devant le portillon d'El-Alia, des centaines d'amis de Rédha Malek affluaient. Ils venaient des wilayas du Grand-Sud, de Kabylie, de l'Ouest, de l'extrême Est algérien et de tout l'Algérois. Parmi eux, il y avait deux nonagénaires qui pouvaient à peine se tenir debout et qui ont fait l'effort de venir saluer un grand homme d'Etat. Le ministre de la Culture, Azzedine Mihoubi, a souligné, dans son oraison funèbre, le parcours de cet homme, estimant que "Rédha Malek a toujours représenté l'élite de la nation. Il a consacré toute sa jeunesse à lutter contre le colonialisme, tant au plan politique qu'idéologique. Rédha Malek a survécu 55 ans après l'indépendance de l'Algérie, a donné le meilleur de lui-même pour fonder un état moderne et a représenté l'Algérie dans le concert des nations. C'était un penseur unique en son genre qui a participé à la prise de conscience du peuple contre le colonialisme, que ce soit en qualité d'étudiant, d'homme de médias, de politique ou de diplomate." Le président du RND, Ahmed Ouyahia, présent à El-Alia, a qualifié Rédha Malek d'"homme d'Etat d'une grande valeur. Il était presque le seul à dire, lors des années de braise, qu'il fallait sauver la République de son effondrement. Il avait de grandes qualités humaines et était d'un grand charisme. C'est Rédha Malek qui avait dit que la peur devait changer de camp. L'Algérie a perdu un digne fils, mais ses valeurs sont toujours là". Même son de cloche du côté du SG du FLN, Djamel Ould Abbes, qui a qualifié Rédha Malek de "grand moudjahid, penseur et politique". Interrogé sur les derniers propos insultants envers le défunt qu'un islamiste ayant pignon sur rue a proférés sur les réseaux sociaux, Ould Abbes s'est suffi de dire que "ces propos constituent un non-évènement". Visiblement ému par la mort de Rédha Malek, le général à la retraite, Khaled Nezzar, lui, a refusé de s'exprimer. FARID BELGACEM