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"La graphie latine pour tamazight est la plus indiquée"
Salim Lounissi, enseignant chercheur en langue amazighe, à "Liberté"
Publié dans Liberté le 25 - 02 - 2018

Les derniers développements qu'a connus la question amazighe continuent de susciter débats et polémiques sur la scène nationale. Si pour certains, la consécration récente de Yennayer fête nationale et la volonté réitérée du gouvernement de poursuivre ses efforts quant à la généralisation de l'enseignement de tamazight dans tout le pays constituent des décisions qu'il faut saluer et des acquis qu'il convient de capitaliser, pour d'autres, il ne s'agit, en fait, que de mesures insidieuses tendant à affaiblir les capacités de résistance de tout un mouvement et à régenter une contestation culturelle qui n'a eu de cesse de mettre à mal le pouvoir algérien. Pour voir plus clair dans cette opacité entourant la question, nous avons sollicité l'universitaire Salim Lounissi, écrivain en langue amazighe mais aussi linguiste exerçant au département de tamazight à l'université de Bouira. Cet enseignant chercheur, originaire des Aurès est considéré, aujourd'hui, parmi les meilleurs spécialistes du berbère dans la région. Son point de vue ne peut alors qu'être bénéfique au débat, surtout qu'il a accepté de répondre, et sans détour, à nos questions.
Liberté : Le gouvernement a consacré récemment Yennayer Fête nationale et journée chômée et payée. Il a réitéré également son engagement à poursuivre ses efforts pour généraliser l'enseignement de tamazight dans tout le pays avec, en sus, la création imminente d'une académie berbère. Que vous inspirent toutes ces décisions qui semblent, a priori, positives pour réconcilier notre pays avec son histoire et sa culture ?
Salim Lounissi : Nous ne pouvons que nous réjouir et saluer ces décisions. La consécration de Yennayer Fête nationale et journée chômée et payée, constitue une étape importante dans un processus historique tendant à réconcilier le peuple algérien avec sa culture et son patrimoine. Ce énième acquis arraché de haute lutte va, sans doute, renforcer la stabilité et l'unité nationale et permettre, par ailleurs, à notre peuple d'affirmer et d'assumer son identité réelle, une identité qui remonte à l'ère pharaonique avec l'intronisation de notre aguellid amazigh Chechnaq 1er comme maître de l'Egypte. Ce n'est donc que justice rendue surtout que Yennayer, cette tradition ancestrale, a une grande symbolique puisqu'elle est fêtée par tous les Algériens, aussi bien par les arabophones que les amazighophones.
Pour ce qui est de la généralisation de l'enseignement de la langue amazighe, il était temps de réaliser le projet que nous avons initié dans le cadre des réunions de la commission mixte HCA/MEN en janvier et août de l'année 2016.
Actuellement l'enseignement de tamazight est présent dans pas moins de 37 wilayas ; sa généralisation va, sans doute, consolider ce processus avec la nécessité désormais de supprimer le caractère facultatif et optionnel de son enseignement, surtout que tamazight est désormais une langue nationale et officielle.
La généralisation de son enseignement sera, par ailleurs, d'un apport important pour la promotion de cette langue. Mais, faut-il le rappeler, le gouvernement n'a fait, à ce sujet, que concrétiser sur le terrain les revendications linguistiques de tout un peuple qui rêve d'accélérer la cadence pour une officialisation effective de sa langue.
L'académie berbère sera incessamment créée. Selon vous, quel sera son rôle ? Et quelles missions aura-t-elle à remplir ?
La création de l'académie constitue aussi un autre acquis que les acteurs du mouvement berbère revendiquent depuis des années. Cette institution va contribuer à affiner et enrichir tout ce qui a été déjà fait par les spécialistes et les universitaires. Elle constitue aussi un grand pas vers une promotion effective de notre langue, notamment sur le plan linguistique.
L'académie doit être une institution scientifique et un véritable laboratoire de recherche dont le premier rôle est de sauvegarder la langue et de fixer les usages à travers, bien sûr, des règles bien définies. Sa tâche principale est, à mon avis, d'aller vite vers une codification en vue de normaliser tamazight, et ce, en passant par tout un processus de planification et de standardisation, tout en veillant à ce que l'on aboutisse à une langue compréhensible par tout le monde, et ce, pour ne pas rééditer l'expérience malheureuse de l'esperanto. Pour ce faire, il y a nécessité de prendre en considération toutes les dimensions de cette langue et de développer toutes les variantes sur un pied d'égalité. Les diverses formes linguistiques et sociolinguistiques seront ainsi prises en compte par l'exploration des vastes territoires des régions amazighophones et l'exploitation de tout ce qui a été déjà réalisé, surtout par les universitaires (mémoires, thèses, ouvrages, dictionnaires, articles, revues, projets audiovisuels, etc.).
Concernant l'unification de la terminologie, il est impératif que cette nouvelle institution mette sur pied des commissions composées de spécialistes en linguistique, en y associant des experts d'autres domaines comme par exemple l'histoire, l'économie, l'informatique, l'anthropologie, les arts, etc.
L'académie doit aussi, étant donné la spécificité de tamazight, faire des publications et, en premier lieu, un dictionnaire général. Comme elle doit créer de multiples réseaux avec les instituts, les universités et même avec des personnalités productives dans le domaine culturel : poètes, écrivains, artistes, philosophes, historiens... Bref, l'académie est appelée à ouvrir plusieurs chantiers pour relever les grands défis de la promotion de la langue amazighe.
En tant que spécialiste de linguistique, la normalisation du berbère, sur laquelle se penchera cette académie, peut-elle rimer avec le maintien d'une polygraphie souhaitée par certains dans la transcription de cette langue ?
Parmi les points les plus importants pour la normalisation d'une langue — qui est une étape fondamentale pour une concrète officialisation — c'est, bien entendu, l'orthographe et la graphie.
Cela dit, il existe, aujourd'hui, trois propositions de transcription. Le tifinagh, une graphie attestée depuis la nuit des temps, est le plus libre de tous les alphabets – à l'image de son peuple d'ailleurs — puisqu'elle est transcrite dans les quatre sens. Elle a une grande symbolique notamment chez les premiers militants berbéristes car elle véhicule toute une histoire. C'est pourquoi, elle doit être préservée et admise notamment dans le domaine de la calligraphie. Elle peut être ainsi utilisée dans les affiches, les enseignes et les panneaux pour mettre en valeur la spécificité culturelle de notre peuple. Malheureusement pour cette graphie, elle n'est pas bien travaillée et son système de transcription reste inadaptable dans le contexte d'aujourd'hui.
Idem pour la graphie arabe puisque celle-ci est tout autant inadéquate pour la transcription de notre langue. En effet, il est très difficile de déchiffrer un texte écrit en cet alphabet, puisque ses utilisateurs font appel à des signes diacritiques, rendant ainsi l'orthographe de tamazight aussi ambiguë qu'illisible. S'ingénier alors à écrire en lettres arabes, en l'absence d'un système de transcription bien étudié, entraînera de nombreux problèmes, notamment d'ordre phonologique.
Dans les Aurès, il y a, certes, une poignée de personnes qui utilisent cette graphie. Mais ce ne sont, en fait, que des enseignants formés dans d'autres matières et qui se sont convertis pour enseigner tamazight. Ils n'ont suivi aucune formation linguistique et n'ont trouvé ainsi que ce moyen pour assurer les enseignements.
Aujourd'hui, beaucoup d'entre eux sont partis à la retraite. Ils sont remplacés au fur et à mesure par d'autres diplômés en tamazight et qui assurent aujourd'hui des enseignements en gréco-latin.
Personnellement, j'estime que la graphie latine universelle est le seul outil qui puisse réellement servir aujourd'hui tamazight. Puisque son système de transcription a été plusieurs fois aménagé et perfectionné par des spécialistes et des universitaires. N'oublions pas que cette graphie a une tradition vieille de deux siècles — le premier document sur le lexique chaoui a été rédigé par le docteur Shaw en 1735 —, ce qui explique cette riche bibliographie constituée aujourd'hui d'une centaine de dictionnaires et d'une multitude d'ouvrages de grammaire et de lexique, ainsi que des milliers de romans, de recueils de poésies et d'ouvrages de spécialité édités dans les différentes variantes de tamazight.
Mais au-delà de toute cette richesse, tous les départements de tamazight en Algérie forment, depuis plus de vingt ans, en gréco-latin. Des milliers de mémoires, de thèses et d'autres publications sont ainsi rédigés en cette graphie.
Est-il aujourd'hui raisonnable de faire abstraction de tout ce parcours et reprendre à zéro la transcription de notre langue ?
Dans les Aurès, des voix s'élèvent pour exiger l'utilisation d'un alphabet particulier. Vous qui êtes de la région, pourquoi, selon-vous, ce forcing à imposer une graphie qui ne fait pas, d'ailleurs, consensus au sein de la communauté universitaire et qui, en outre, n'est pas utilisée dans la formation des enseignants de tamazight ?
Ces voix ne font que dans la surenchère puisqu'elles n'émanent ni de spécialistes ni d'universitaires ayant fait une quelconque étude sur tamazight. Si vous revenez à leur passé, vous trouverez que ces personnes qui s'interfèrent aujourd'hui sur une question aussi académique que celle de la graphie, n'étaient que les pires détracteurs de tamazight et de la culture algérienne authentique.
Face aux avancées sur le terrain de tamazight, ces détracteurs, plutôt que de se repentir et se taire, prennent la fuite mais tentent désespérément, dans leur retraite, de polluer les eaux du fleuve de notre langue. Soulever ce faux problème de la graphie n'est qu'une façon, pour eux, de ruer dans les brancards pour empêcher le fleuve de continuer sereinement son cours de l'histoire.
Mais ce qui reste déplorable dans cette histoire de graphie c'est surtout l'attitude de certains qui, par compromission ou calcul, soutiennent mordicus que la normalisation d'une langue peut s'accommoder avec une quelconque transcription polygraphique. Tamazight est une langue nationale et sa normalisation doit être donc totale, puisqu'elle doit toucher tous les aspects de la langue, y compris celui de la graphie.
En tout état de cause, pour la communauté universitaire, il n'y a pas lieu de débattre de ce sujet, car la question a été bien tranchée par l'usage et la production, et ce, depuis longtemps.
De plus, c'est n'est pas aux hommes politiques, aux militants et encore moins aux parents d'élèves de décider du système de transcription de tamazight.


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