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Des rescapés racontent les massacres
Manifestations du 8 mai 45 à Guelma
Publié dans Liberté le 08 - 05 - 2018

"Je n'oublierai jamais un certain policier qui éprouvait un plaisir sadique à nous frapper sauvagement à l'aide d'une canne préalablement trempée dans un bassin d'eau", a témoigné ammi Ahmed.
Il est 16 heures ce 8 mai 1945 à Guelma et la manifestation n'a été autorisée que la veille au soir par les autorités et le sous-préfet a prévenu le comité des AML qui organise cette marche pacifique : "Attention à vous ! Je suis blanc comme le lait. Trop longtemps au feu, je déborde !" En voyant le drapeau algérien, le sous-préfet fend la foule, fou de rage, et frappe le porte-drapeau. Les gendarmes tirent dans le tas, provoquant une fuite éperdue : deux morts, une dizaine de blessés. André Achiary, ancien commissaire de police, sous-préfet de Guelma, organise la répression, réunit les colons et leur dit : "Il faut que vous repreniez votre dignité face à ces pouilleux !" Il ne confie pas la répression aux militaires de la garnison car les trois compagnies sont composées de tirailleurs algériens qui seront consignés dans la caserne et leurs armes seront confiées aux Européens. C'est la milice populaire qui va rafler les musulmans, les battre, les torturer et les fusiller par centaines après une mascarade de procès expéditif. En début de soirée, des arrestations massives sont opérées et le couvre-feu est instauré. Le sous-préfet fait exécuter à l'intérieur de la caserne les neuf membres les plus importants des AML.
Les arrestations se poursuivent partout et des avions, volant à rase-motte, bombardent les mechtas et douars et engendrent la mort de centaines de familles de pauvres campagnards. Les prisonniers sont entassés dans un commissariat désaffecté et à la gendarmerie où siège un pseudo-tribunal qui prononce la peine capitale à leur encontre. Chaque matin et soir, des camions emmènent les condamnés qui sont exécutés à l'écart de la ville, notamment à Kef-El-Bomba et Hadj Embarek. Les miliciens abattent froidement des innocents qu'ils traquent. Les cadavres sont arrosés d'essence et brûlés, d'autres disparaissent dans le four à chaux d'un colon à Héliopolis. "Je me souviens de cette odeur comme si c'était hier, on entendait des salves et puis on voyait une fumée noire monter dans le ciel", nous confie un témoin de cette tragédie, enfant à l'époque. Alors que la paix est revenue dans la région, les meurtres continuent à Guelma pendant un mois environ. Les exécutions sommaires au hasard des campagnes ont remplacé les fusillades. Un octogénaire nous confie qu'une bande de miliciens menée par le maire de Millésimo (actuellement Belkheir) a encore massacré toute une famille de fellahs dans une ferme. Guelma a versé un lourd tribut durant ces tragiques évènements qui ont engendré un sursaut nationaliste puisque le 1er novembre 1954, la guerre de Libération nationale a été déclenchée par des hommes aguerris qui ont rejoint le maquis et tenu la dragée haute à l'armée coloniale qui abdiquera quelques années plus tard.

Ammi Ahmed et Hadj Brahim racontent les geôles de la rue Mogador
Avant qu'ils ne soient rappelés à Dieu, deux rescapés des massacres nous ont livré leurs témoignages. Ils nous ont relaté ce qu'ils ont enduré, après leur arrestation.
Fatigué, visiblement affecté par ces souvenirs douloureux, on décèle, à travers ses lunettes de vue, une tristesse profonde quand ammi Ahmed évoque cette tranche de sa vie : "Après notre marche qui avait un caractère pacifique et au cours de laquelle nous affirmions nos aspirations pour recouvrer notre identité nationale, nous fûmes dispersés brutalement et beaucoup de compagnons furent massacrés par les balles assassines du colonialisme." Notre interlocuteur enlève ses lunettes, les essuie machinalement et les repose sur la table. Il garde un silence que nous n'osons briser par respect car nous avons ouvert une plaie à peine cicatrisée.
Enfin, il reprend après un profond soupir : "Deux jours plus tard, j'ai été arrêté chez moi par deux agents de police. J'habitais à l'époque la rue du Fondouk, actuellement rue Bouzit-Malika, dans le quartier de Bab Souk. J'ai été emmené pieds nus au commissariat de police de l'époque, sis rue Mogador, actuellement rue Mohamed-Debabi. Nous étions une quarantaine de détenus par cellule et nous souffrions de l'exiguïté, de la chaleur suffocante, de la soif et de la faim. Je me rappelle d'un fût de deux cents litres qui nous servait à faire nos besoins. Je n'oublierai jamais un certain policier qui éprouvait un plaisir sadique à nous frapper sauvagement à l'aide d'une canne préalablement trempée dans un bassin d'eau. Nous souffrions le martyre, mais nous avions la foi, convaincus de la justesse de notre cause ! Nous partagions la nourriture que quelques compagnons recevaient de l'extérieur, de la part de leurs proches." Ammi Ahmed qui nous a livré ce témoignage nous avait évoqué le four crématoire d'Héliopolis, de Kef-El-Boumba et la carrière de Hadj Embarek, qui ont été le théâtre d'atrocités, de crimes barbares, de génocide sur un peuple désarmé et pacifique.
Des colons sanguinaires abattus
Hadj Brahim nous a livré un témoignage poignant : "La veille du 8 mai 1945, fête de l'Armistice qui avait mis fin à la Deuxième Guerre mondiale et à la victoire des alliés sur le IIe Reich, nos responsables nous invitèrent à défiler et à prouver au monde entier que nous voulions notre indépendance. Le rassemblement eut lieu sur les hauteurs de la ville de Guelma à El-Karmet, aux environs de 16 heures. Miltants, sympathisans, gens de la ville et de la campagne participaient à cette marche pacifique. Nous portions des banderoles "Vive l' Algérie musulmane", "L' Algérie libre et indépendante", "Libérez les détenus politiques". Nous descendions la rue d'Announa et nous fûmes stoppés au niveau de la banque de l'époque par les forces coloniales. Le sous-préfet Achiary, le maire Maubert, le procureur de la république, le chef de compagnie de la gendarmerie, le commissaire Tocquart, flanqués de policiers et de gendarmes, nous donnèrent l'ordre de nous disperser. Nous entamions des chants patriotiques et devant notre refus, l'on tira sur la foule. Il y eut 2 morts, Boumaza et Séridi, et de nombreux blessés. Le cortège se disloqua et tout le monde fuyait pour échapper à la fusillade. L'état de siège fut décrété et avec l'arrivée des renforts, dont des tirailleurs marocains et sénégalais, la ville fut encerclée deux jours plus tard et le couvre-feu fut instauré de jour comme de nuit. Les forces coloniales, assistées par la milice armée composée de colons, opéraient des arrestations arbitraires. Des camions acheminaient des innocents au four crématoire d'Héliopolis, à Kef-El-Boumba et à la carrière de Hadj Embarek, qui furent exécutés d'une manière atroce et barbare. La région de Guelma fut mise à feu et à sang et aucun village, aucun douar, aucune mechta n'a échappé au carnage. Les maisons étaient vidées, les occupants assassinés, le butin de guerre emporté (bétail, vivres, bijoux)."
Hadj Brahim a été arrêté quatre jours plus tard.
Il raconte : "Nous étions quatre à être dirigés à la prison civile de Guelma. Jervais, le directeur de la banque, demanda aux policiers d'embarquer dans son véhicule deux d'entre nous. Ces derniers ne revinrent jamais. Mon compagnon et moi-même fûmes jetés en prison où nous passions deux mois dans des conditions inhumaines. Jervais, le colon barbare, qui avait du sang sur les mains, a perdu la raison et s'est tiré une balle dans la tempe. Les colons Chemol, Sultana Joseph et Ditelot furent abattus par nos moudjahidine, en signe de représailles, durant la guerre de Libération nationale." Hadj Brahim, décédé voilà une dizaine d'années, lègue ce témoignage à la génération montante.
Un massacre sans précédent
L'appel du massacre retentit dans la matinée du 10 mai de la bouche du sous-préfet. Les fonctionnaires, les ouvriers, les colons, les jeunes gens, les femmes, les Maltais et même les Italiens reçoivent des armes pour "chasser les ratons, des va-nu-pieds faits pour nous servir, qui osent parler de dignité humaine et qui poussent la prétention à vouloir être nos égaux et vivre comme des hommes libres sur cette terre d' Algérie qui doit nous appartenir pour l'éternité !" Les armes automatiques entrèrent en action jetant l'effroi dans tous les quartiers musulmans. Combien d'Algériens tombèrent ce jour-là ? Des milliers, à en croire des témoignages ! Des avions de chasse se dirigeaient vers les campagnes, lâchant leurs bombes et mitraillant en rase-mottes, tuant les paysans non encore au courant du drame de Guelma. La ville fut épargnée par les bombardements aériens pour la simple raison que tous les Européens s'y étaient rendus.
Les coups de feu continuèrent tandis que les arrestations emplissaient, outre la prison civile, la gendarmerie, le commissariat de police, les locaux des scouts musulmans et d'autres réquisitionnés pour servir de geôles à "l'Arabe" qui subissait les sévices et les tortures dignes de la Gestapo ! Le soir, des détenus étaient désignés pour enterrer, à la faveur de la nuit, des dizaines de cadavres dans des fosses communes, alors que des centaines d'autres étaient incinérés dans le tristement célèbre four crématoire.
Un bilan de 45 000 morts
Officiellement, cette répression aveugle avait causé 1 500 morts algériens et 110 européens. Mais selon le général Duval qui avait organisé cette boucherie, il y a eu 7 500 morts. Quant au général Tubert, membre de la commission d'enquête chargée de faire la lumière sur ces tragiques évènements, il avait annoncé le chiffre de 15 000 morts algériens. Mais selon les nationalistes algériens, ce génocide a enregistré 45 000 morts ! Au-delà de cette querelle des chiffres, le fait est que les manifestations du 8 mai 1945 avaient été impitoyablement réprimées et que les auteurs de ces massacres relevant du crime de guerre, n'ont jamais été inquiétés !
Pis, le général Duval qui avait poussé le cynisme jusqu'à lire une prière à la mosquée de Constantine, avait déclaré : "Je vous ai donné la paix pour dix ans !" Mais, le 1er novembre 1954, débutait la Guerre d'Algérie !
H. B.


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