Dans cet entretien, la présidente de l'Upiam revient sur la 2e édition des Assises de l'industrie automobile et véhicules qui débute demain, décrypte la sortie du ministre de l'Industrie à l'APN, aborde les prix du véhicule neuf et les perspectives du secteur à travers l'instauration des comités de filières. Liberté : Vous organisez la 2e édition des Assises de l'industrie automobile et véhicules. Et vous avez choisi un format différent afin de répondre à la stratégie pour ancrer le contrat de filière. Qu'en est-il exactement ? Latifa Turki Liot : Absolument ! Il y aura la thématique sur la rencontre à Sétif (26 novembre) plasturgie et le caoutchouc pour l'ouverture des assises, ensuite une thématique sur la mécanique et la métallurgie et la verrerie à Annaba (5 décembre) et, enfin, la troisième thématique sur les équipements électroniques, les textiles et les cuirs (19 décembre) à Alger pour la clôture de ses assises. À partir de là, on formulera des recommandations qu'on transmettra au ministère de l'Industrie, notamment sur le cap que préconise l'Upiam. On attend entre 30 et 40 opérateurs à Sétif pour décider qui sera le comité de filière. On va leur présenter le contrat de filière, le planning et les objectifs. La priorité, à mon sens, c'est la plasturgie. Après, on verra avec les donneurs d'ordre comment on pourra avancer sur les autres filières. Justement, le ministre Youcef Yousfi a indiqué, jeudi dernier à l'APN, qu'il faudra entre 20 et 30 ans pour instaurer une véritable industrie automobile. Que pensez-vous Mme Turki Liot ? À l'Upiam, on a toujours privilégié une visibilité pour booster cette industrie naissante. Ce n'est que maintenant que les pouvoirs publics se rendent à l'évidence qu'on ne pouvait pas atteindre ca cap en cinq ans. C'est un déjà un premier pas. Du coup, il faut arrêter de prétendre qu'on fait de l'intégration locale de 30 ou 40%. Un équipementier doit avoir une vision à court et à moyen termes pour qu'il vienne investir en Algérie. Sur ce point, je suis convaincu que ces équipementiers vont venir en 2019. Rien que pour la filière de la plasturgie, on peut travailler sur le moyen terme pour réduire la facture des importations, car nous sommes producteurs d'hydrocarbures. Un équipementier qui investit en Algérie viendra avec un plan business. Il n'y a pas que le coût, il y a aussi les volumes nécessaires. Ensuite, ils vont développer une plateforme pour exporter. À terme, le coût de fabrication sera revu sensiblement à la baisse et on réduira les importations de la matière première. Est-ce que cela s'applique sur les autres filières de l'automobile ? Et que proposez-vous sur les comités de filières ? Il faut qu'on travaille sur les filières capables de produire de la matière première. Pour les comités de filières, puisqu'on dit qu'il faudra 20 ans pour arriver au cap final, il faut savoir que cette industrie concerne tout le monde, pas uniquement le ministère de tutelle. On ne peut pas construire une industrie chacun de son côté. Et c'est quoi l'apport des comités de filières justement ? Les comités de filières sont des groupes de travail qui vont grossir au fur et à mesure que le besoin se fait sentir. L'Upiam plaide pour un travail de groupe et nous n'avons pas le choix. Dans ces comités, il y aura des industriels, des experts, des donneurs d'ordre, des représentants des autorités locales, des ministères et des administrations. C'est comme ça qu'on pourra travailler sur l'intégration locale. Ainsi, on définira les composants des véhicules sur lesquels on pourra travailler et donc générer un projet d'investissement. Là aussi, on va hiérarchiser les choses avant de définir la banque de projets qui correspond à la fabrication de ces composants. Mais dans tout ça, quelle est la priorité aujourd'hui ? La priorité, c'est qu'on définisse avec le constructeur le planning de production. C'est le donneur d'ordre qui réalise ce planning. L'intérêt est que chacun de nous ait sa vision sur ce qu'on peut faire immédiatement. C'est cet échange qu'il faut instaurer rapidement. M. Yousfi avait raison, mais il faut qu'on passe aux propositions et se démarquer du passé. Aussi, il faut arrêter d'avancer des délais aléatoires sur le taux d'intégration et le cap final. J'ai vu les contrats signés. Ils sont vides. Ce sont ces raisons qui font que le véhicule neuf est aussi cher ? La facture augmente, car on importe des kits. Pourquoi le véhicule neuf est aussi cher ? D'abord, dans un pays où les prix sont libres, on ne vérifie pas les prix sortie d'usine. On ne cadenasse pas les prix, car c'est le marché qui les définit. C'est une situation qui me choque, car cela relève de la responsabilité du constructeur. Un gouvernement est censé tracer une stratégie et non imposer par des décrets des taux d'intégration ou le contrôle des prix. Si on avait un cap très clair, on n'aurait pas à revenir en arrière pour changer à chaque fois la législation. Une stratégie est faite pour anticiper. Après, ce n'est pas à un ministre de négocier un contrat. Si les contrats ont été bien négociés, on n'aurait jamais atteint cette situation. On ne peut pas demander à un équipementier qui travaille avec 100 000 personnes de venir s'installer dans cet environnement juridique qui change d'une façon chronique. Il est urgent de substituer la production locale de la matière première, réfléchir à des mécanismes et aller vers l'export et travailler de corps avec les professionnels et les industriels. Tout ça se fait en même temps ! Nous n'avons même pas une cartographie de sous-traitants de notre pays. Vous croyez sincèrement au décollage de l'industrie automobile en Algérie ? Oui, j'y crois et vous verrez, qu'en 2019, il y aura de grands équipementiers qui vont venir. Quant au ministère de tutelle, il nous détache à chaque fois des cadres et nous écoute. Le ministre reprend même des choses qu'on dit sur ce secteur. Après ces assises, on lui présentera, en janvier 2019, une feuille de route. F. B.