Pour Bouteflika, la révolte d'Octobre ne fut en rien un soulèvement populaire contre la citadelle du parti unique. Il adopte définitivement l'analyse qui réduit ces évènements à un “chahut de gamins” manipulés comme toujours par des forces tapies dans l'ombre. A posteriori ou même en temps réel, le révisionnisme a toujours été est une constante du discours officiel. Depuis 1962, il a toujours fallu justifier une prise du pouvoir par des moyens en complète contradiction avec la vision émancipatrice du monde véhiculée par la guerre de Libération nationale. Si la révolution du 1er Novembre est restée tout de même la référence essentielle, il a fallu en “réviser” les acteurs et les héros. La tendance semble vouloir se perpétuer, y compris pour une période plus récente de l'histoire du pays. Comment interpréter autrement le déni par lequel vient de s'illustrer le président de la République qui, ce faisant, ne semble pas gêné à apparaître comme versatile ? Pour Bouteflika, la révolte d'Octobre ne fut en rien un soulèvement populaire contre la citadelle du parti unique. Il adopte définitivement l'analyse qui réduit ces évènements à un “chahut de gamins” manipulés comme toujours par des forces tapies dans l'ombre. L'analyse vaut à coup sûr son pesant de vérité que de nombreux acteurs politiques en poste à l'époque n'ont jamais contestée. Pour autant, elle reste un expédient par lequel le pouvoir a tenté de se reconstituer. Sans l'existence d'un terreau fertile, la manipulation n'aurait pas pu trouver de puissants relais dans le pays. Les mouhafadhate et kasmate n'auraient pas été les premières cibles des manifestants sans l'existence d'un fort ressentiment contre le FLN alors en pleine reconquête des attributions qui lui avaient été confisquées par l'ancien Conseil de la révolution. Au demeurant, Bouteflika lui-même avait signé la fameuse déclaration des “dix-huit” anciens dirigeants du parti par laquelle ils adjuraient le pouvoir de sortir de son autisme avec la mise en œuvre de réformes démocratiques. Tout le monde admet que la révolte d'Octobre était orpheline d'une direction qui aurait pu lui donner une consistance théorique et un prolongement politique. Si la revendication démocratique ne lui était pas sous-jacente, le multipartisme n'aurait pas connu le succès qui a été le sien malgré les entraves et — là aussi — les manipulations. Le pluralisme s'est aussi traduit sur le terrain syndical et médiatique par une vivacité et une dynamique jusque-là étouffées par le parti unique. Le succès des islamistes qui aurait pu être celui des démocrates sans le jeu malsain du pouvoir n'est pas moins un signe de rejet du FLN par le peuple. Des racines du mouvement national à ce jour, la démocratie a été une revendication constante de la société algérienne. Si la contestation sociale a cristallisé souvent les oppositions au régime, on ne peut pas dire que le peuple ne réclamait que du pain. Y. K.