Au-delà des considérations de légalisme, l'intérêt réside essentiellement dans l'identité et la qualité de celui qui aura la lourde tâche d'assumer une éventuelle validation de la candidature du président Bouteflika dont l'état de santé s'est nettement dégradé. Cela devrait sans doute constituer un véritable casse-tête chinois pour les "décideurs", à deux jours de la fin du délai légal. Qui héritera du poste de président du Conseil constitutionnel, dont le rôle est déterminant pour la validation des candidatures à l'élection présidentielle d'avril prochain ? Depuis le décès de Mourad Medelci, le 27 janvier dernier, un silence abyssal, conforme au serment de ses membres mais également aux mécanismes de fonctionnement du sérail, entoure les activités du Conseil, particulièrement la procédure de désignation de son remplaçant. Jusqu'ici, en vertu du décret présidentiel n°16-201 du 11 chaoual 1437 (16 juillet 2016), c'est le vice-président, Mohamed Habchi — installé en octobre 2016 en compagnie de Lachemi Brahmi, membre, élu au titre de la Cour suprême et Kamel Feniche, membre, élu au titre du Conseil d'Etat — qui assure l'intérim "jusqu'à la date de désignation du nouveau président". Le même décret précise que "le renouvellement ou le remplacement du président du Conseil constitutionnel s'effectue dans les quinze jours" suivant la notification du décès à la présidence de la République. Si l'on considère que "le décès (…) du président du Conseil constitutionnel donne lieu à une délibération du Conseil constitutionnel intervenant sous la présidence du vice-président ou, en cas d'empêchement de ce dernier, du membre le plus âgé et dont notification est faite au président de la République", comme dispose toujours le même décret, il reste que rien ne filtre sur la date de cette notification. Mais si l'on considère qu'elle a dû intervenir le lendemain du décès, étant entendu que la notification est une procédure ordinaire, la désignation du nouveau président devrait avoir lieu théoriquement dans les 48 heures, peut-être même aujourd'hui ou demain. Reste qu'au-delà des considérations de légalisme, l'intérêt réside essentiellement dans l'identité et la qualité de celui qui aura la lourde tâche d'assumer une éventuelle validation de la candidature du président Bouteflika dont l'état de santé s'est sérieusement dégradé, si l'on se fie aux images qui l'ont montré lors de la cérémonie de la célébration du 1er Novembre à El-Alia. Très affaibli depuis son AVC en 2013 qui a affecté son élocution et sa mobilité, Abdelaziz Bouteflika, qui se déplace depuis sur une chaise roulante, n'a pas encore révélé ses intentions, même si ses soutiens, dont l'Alliance présidentielle, se sont déjà mis en ordre de bataille pour lui renouveler un nouveau bail à la tête de la magistrature suprême. Trois figures semblent tenir, pour l'heure, la corde : l'actuel vice-président, le ministre de la Justice, garde des Sceaux, Tayeb Louh, ou encore le conseiller du Président, Tayeb Belaïz. Mais le choix définitif demeure tributaire du "scénario" arrêté par les "décideurs". L'option d'une éventuelle candidature de Bouteflika signifiera que le choix sera porté inévitablement sur un "homme de confiance", comme pour le cas de Medelci, qui aura à assumer des décisions, quitte à tordre le cou à la loi pour valider sa candidature. Comme par exemple valider le bulletin de santé et la déclaration de candidature lors du dépôt du dossier. A contrario, une désignation d'une personnalité "neutre" suggérera que toutes les options seront sur la table, y compris le recours à l'application de l'article 102 qui dispose de l'état d'empêchement. "Lorsque le président de la République, pour cause de maladie grave et durable, se trouve dans l'impossibilité totale d'exercer ses fonctions, le Conseil constitutionnel se réunit de plein droit, et après avoir vérifié la réalité de cet empêchement par tous les moyens appropriés, propose, à l'unanimité, au Parlement de déclarer l'état d'empêchement (…)", dispose l'article en question. Une perspective difficilement envisageable, toutefois, compte tenu de la nature du régime et de l'expérience récente, notamment celle du quatrième mandat. Alors qu'il qualifiait de "blague" un éventuel quatrième mandat, feu Mourad Medelci n'avait pas hésité, contre vents et marées, de valider la candidature de Bouteflika. Mais, assurément, l'identité de celui qui sera désigné à la tête du Conseil constitutionnel, un rôle majeur s'il en est, préfigurera de la suite des événements et lèvera un peu plus le voile sur cet embrouillamini qui caractérise la "guerre de succession". Karim Kebir