Un communiqué émanant du procureur de la République confirme l'ouverture d'enquêtes judiciaires contre des hommes d'affaires. Certains sont interdits de quitter le pays. L'arrestation, dimanche 31 mars à l'aube, de l'ex-président du Forum des chefs d'entreprise et patron du groupe ETRHB, l'homme d'affaires Ali Haddad, l'un des plus influents oligarques sous le long règne d'Abdelaziz Bouteflika, a fait découvrir aux millions d'Algériens l'existence d'une caste soupçonnée d'avoir détourné de l'argent et surtout d'avoir transféré des fonds à l'étranger. Ce qui n'était qu'une rumeur populaire, partagée sur les réseaux sociaux avant d'être portée par les manifestants, s'est vite transformée en faits. Quasiment avérés. Pendant que l'ancien patron des patrons se trouvait dans les locaux des services de sécurité, aucune autorité ne voulait communiquer sur les faits. Sur les réseaux sociaux et les journaux électroniques, les spéculations vont bon train. Des listes de personnalités concernées par l'interdiction de quitter le territoire national sont rendues publiques. Des hommes d'affaires, qui ont toujours évolué dans la proximité des Bouteflika, sont particulièrement ciblés. De quoi seraient-ils coupables ? On n'en sait quasiment rien. Peu d'informations ont filtré sur l'origine de ces décisions qui donnent l'impression d'être une chasse aux sorcières. Hier, en début d'après-midi, un communiqué du parquet d'Alger est venu éclairer l'opinion publique sur l'existence d'une enquête préliminaire sur des soupçons de corruption, de détournements de biens publics et de transfert illicite d'argent. Etrangement, le communiqué du procureur général n'est pas signé, ne porte pas de nom. s'agit-il d'une méprise ? Le document a-t-il été fait dans l'urgence ? Pendant ce temps, la brigade de Gendarmerie nationale de Bab Jedid, à Alger, a déjà convoqué certains des suspects pour les besoins de l'enquête préliminaire. Dans le fond, le communiqué du parquet évoque l'établissement d'interdictions de quitter le territoire nationale à l'encontre de certains hommes d'affaires et autres personnalités. Il ne donne aucun détail. Mais on sait au moins que l'ancien président du FCE fait partie des personnes concernées. Cependant, jusqu'à hier soir, aucun communiqué n'est venu évoquer le cas Ali Haddad. Seules des informations données par des sources médiatiques évoquent son transfèrement à Alger pour une présentation devant le procureur de la République en vue d'une éventuelle inculpation. (Lire le papier de A. Allia). Dans le lot des hommes d'affaires concernés par ces enquêtes, figurent d'anciens vice-présidents du FCE, donc des hommes très proches de Saïd Bouteflika. Il s'agit notamment des trois frères Kouninef, de Rebouh, frère d'Ali Haddad, de Mohamed Baïri, de Mahiedine Tahkout, son fils et son frère et d'autres entrepreneurs qui ont soutenu, durant de longues années, les différentes campagnes électorales d'Abdelaziz Bouteflika. Ces hommes d'affaires auraient bénéficié de prêts bancaires sans limites, de quasiment tous les grands marchés publics et de la protection des décideurs. Pis encore, une bonne partie des fonds fournis en prêts n'aurait pas été remboursée. Des informations de plus en plus insistantes ont indiqué que certains de ces hommes d'affaires ont transféré de grosses sommes d'argent à l'étranger. Cela s'est souvent fait par des opérations de surfacturation sur des produits importés. Mais du point de vue pénal, cela est difficile à vérifier. Seule la justice peut démêler les écheveaux d'opérations aussi complexes. Au-delà des noms cités dans ces affaires, se pose la question de savoir qui est derrière ces décisions. Par quel miracle la justice, qui s'est toujours abstenue d'intervenir lorsque la presse et la classe politique évoquaient les dépassements de ces oligarques dont des activités ont conduit jusqu'à la fermeture de certaines entreprises publiques, agit-elle aujourd'hui ? S'agit-il d'une nouvelle chasse aux sorcières ou d'une vraie opération mains propres ? Seuls les jours à venir pourront nous renseigner sur les réelles intentions des autorités. En attendant, la psychose s'est emparée des milieux d'affaires, notamment ceux qui ont profité des largesses du clan Bouteflika. Ali Boukhlef