Le discours prononcé, avant-hier, par le chef de l'Etat, Abdelkader Bensalah, est, visiblement, très loin de convaincre les étudiants de l'université de Tizi Ouzou qui n'y voient qu'une "diversion de trop", "un non-événement", ou "une provocation" auxquels ils comptent répondre aujourd'hui en organisant une nouvelle marche. En effet, un appel à une marche — qui, comme tous les mardis, va démarrer du portail du campus Hesnaoua — a été lancé par la Coordination locale des étudiants, (CLE), pour aujourd'hui à 11h. Comme slogans, les étudiants comptent reprendre les mêmes que ceux déjà déployés et scandés depuis plusieurs semaines pour réitérer le départ du système et exiger une réelle transition démocratique. Interrogés pour savoir si le discours prononcé dimanche soir par Bensalah a convaincu, les étudiants ont répondu par la négative et de ce fait ont décidé d'investir la rue une nouvelle fois. "Chaque mardi on investira la rue avec un seul slogan, à savoir ‘Etudiant s'engage, système dégage'. Et cela pour lui signifier qu'on rejette ces élections et ce pseudo-dialogue, parce que s'ils veulent un dialogue ils doivent d'abord démissionner, à commencer par Bensalah, puis dissoudre les deux Chambres du Parlement et aller vers une transition réelle", nous répondra Youva Gater, un étudiant en génie civil. Pour ce dernier, "certes, concernant cette transition, chacun a sa vision, mais il n'en demeure pas moins qu'il y a déjà un consensus autour de la nécessité d'une réelle transition pour la naissance d'une Algérie nouvelle". Autrement dit "la Constitution actuelle est dépassée. C'est l'avis de la plupart des étudiants qui, comme tout le peuple, rejettent, depuis le début, l'élection du 4 juillet et les propositions de Bensalah", a-t-il encore ajouté. Pour sa part, Yanis Cherrou ne voit dans le discours de Bensalah, qu'"une manière de gagner du temps, histoire de satisfaire son mentor". "Les combats claniques qui se déroulent en ce moment au sommet du pouvoir font que chaque clan essaye de gagner un peu de temps dans l'espoir de ressusciter après tous les coups qu'ils ont reçus depuis le début du mouvement populaire. On ne doit pas aussi perdre de vue, que l'aspiration du peuple parle d'abord d'un changement, voire carrément de l'abolition de la Constitution actuelle. D'ailleurs, dans toutes les marches, les citoyens n'arrêtent pas de scander haut et fort leur refus d'une élection présidentielle avant le changement de la Constitution. Le peuple veut repartir à zéro avant de choisir un président", a-t-il précisé. Mustapha Bacha, un autre étudiant de la même université, rappelle, en premier lieu, que, depuis le 22 février, "tout ce qui vient du gouvernement est rejeté par le peuple". "Durant la semaine ils font leurs déclarations, et arrivé le vendredi le peuple exprime dans la rue leur rejet catégorique car la solution à la crise ne réside pas dans l'élection. Ce n'est pas avec cette élection qu'ils vont étouffer toute cette révolution entamée depuis le 22 février, et nous aussi, étudiants, sommes dans cette logique et comme tout le reste du peuple nous réclamons une réelle transition démocratique dont il reste à définir les contours", a expliqué Mustapha Bacha tout en appelant ses camarades à participer massivement à la marche d'aujourd'hui. Son camarade, Massi Chelmouni, n'en pense pas moins. "Le discours de Bensalah est un non-événement dans le sens où il n'a rien apporté de nouveau, il n'a fait que rappeler ce qui a été déjà dit. Il reparle d'élection alors que le peuple exige son départ et celui de tout le système", a-t-il expliqué rappelant également la dissolution des deux Chambres et la mise en place d'une instance de transition et un gouvernement de salut composé de trois personnes qui vont gérer les affaires courantes. "Notre marche de demain est une réponse à cette provocation de trop de Bensalah et de ce militaire auquel nous réitérons notre revendication de la primauté du politique sur le militaire", a conclu Massi Chelmouni.