Au moins 900 personnes ont perdu la vie en Méditerranée depuis janvier. Une tragédie qui aurait pu être évitée si l'UE avait assumé pleinement sa responsabilité politique. Les autorités italiennes ont une nouvelle fois saisi un bateau humanitaire près de ses côtes, rendant ainsi la mission des ONG de sauvetage de migrants en Méditerranée de plus en plus difficile, sinon impossible. Le navire Mare Jonio, de l'ONG Mediterranea Saving Humans, à bord duquel se trouvaient 98 personnes, secourues au large de la Libye, s'apprêtait à poser l'ancre hier près de l'île de Lampedusa (sud de la Sicile), avant que les autorités italiennes ne décident de sa saisie. Parmi les 98 migrants, 67 personnes, essentiellement des femmes, des enfants et des personnes malades ont été débarquées. L'ONG a affirmé sur les réseaux sociaux que son bateau était entré dans les eaux territoriales italiennes "avec l'autorisation formelle des garde-côtes", en ajoutant qu'il s'agissait de "l'ultime vendetta de ceux qui ne tolèrent pas que l'humanité puisse prévaloir". L'Italie dont la politique migratoire est l'une des plus répressives d'Europe a déjà saisi, avant-hier, un autre navire humanitaire, l'Eleonore, de l'ONG allemande Lifeline, avec une centaine de migrants à bord. Les autorités italiennes ont accusé cette ONG d'avoir violé l'interdiction d'entrée dans les eaux territoriales en accostant au sud de la Sicile, à Pozzalo. Elles refusent systématiquement le débarquement de bateaux ayant secouru des personnes hors de leurs eaux territoriales, se conformant à un décret du ministre de l'Intérieur, Matteo Salvini, le chef du parti d'extrême droite La Ligue du Nord. Ce dernier, rappelle-t-on, a fait adopter ces derniers mois un décret (qualifié de décret de la honte par plusieurs ONG) renforçant l'arsenal répressif contre les navires portant assistance aux migrants. "Un acte irresponsable" selon l'ONU. Matteo Salvini doit certes quitter ses fonctions dans les prochains jours à la suite de la crise gouvernementale qu'il a provoquée début août en faisant éclater la coalition, mais rien ne dit que son pays allègera sa politique anti-migratoire. Et quand bien même elle le ferait, il reste que les pays de l'Union européenne adoptent eux aussi une politique des plus restrictives contre les migrants. Un mécanisme de solidarité entre quatorze membres de l'Union visant à répartir l'immigration en Europe a été créé il y a quelques mois, mais son efficacité demeure très limitée voire inopérante. Pendant ce temps, au moins 900 personnes ont perdu la vie en Méditerranée depuis janvier. Ces derniers, faut-il le rappeler, transitant essentiellement de Libye, fuient un pays en état de guerre et devenu depuis 2011 une véritable passoire pour les migrants en quête de terre d'asile. La responsabilité de certains pays de l'Europe dans le chaos libyen n'est plus à démontrer. Au lieu de renvoyer les migrants secourus en Méditerranée en Libye, ces pays de l'Europe ont été appelés par les experts à s'attaquer au problème à la racine. Des solutions existent : régler la crise des migrants passe nécessairement par un règlement politique de la situation dramatique en Libye, mais aussi dans d'autres zones de conflits en Afrique.