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Ce qu'il faut réformer
SECTEUR BANCAIRE ALGERIEN
Publié dans Liberté le 04 - 09 - 2019

Il est de tradition en temps de crise de revoir émerger comme un serpent de mer la lancinante question de la Réforme du secteur bancaire ou du "système" financier en Algérie. Il serait tentant d'en faire l'historique et d'évoquer les avatars de cette "Arlésienne" qui ne s'est jamais présentée sur la scène ! Plus praticien qu'historien, je souhaiterais examiner ce qui existe actuellement au titre du secteur bancaire, faire le point et plus qu'une monographie, dresser le diagnostic. Cette évaluation du terrain et des "jeux", des procédures, qui s'y pratiquent, permettrait d'esquisser des voies de réforme ou disons tout net de "restructuration".
LE CONSTAT
Les grandes masses
Le secteur bancaire est prépondérant dans le système financier algérien et reste dominé par 6 grandes banques publiques dont une caisse d'épargne : BNA, BEA, BADR, BDL, CPA et CNEP. Les banques publiques jouent un rôle clé en contrôlant une part importante du marché : elles collectent 87% des dépôts et octroient 89% des crédits. Le secteur bancaire compte aussi 14 banques à capitaux étrangers, soit 10 filiales et 3 succursales de banques internationales et une banque à capitaux mixtes. Aucune banque privée à capitaux algériens n'active sur le marché local depuis plus de 10 ans.
Les succursales de banques multinationales sont Citibank Algeria, HSBC Algeria et Arab Bank Plc. Les filiales regroupent Société Générale, BNP Paribas, Natixis Algérie, Crédit Agricole CIB Algérie, Arab Banking Corporation, Housing Bank for Trade and Finance, Fransabank Al Djazaïr, Gulf Bank Algeria, Al Salam Bank et Trust Bank Algeria. Une banque à capitaux mixtes complète le dispositif : Banque Al Baraka.
À titre d'illustration, le secteur bancaire au Maroc laisse apparaître une typologie bien différente : les banques à capitaux privés marocains détiennent 66% de parts de marché, les banques publiques 18% et les banques à intérêts étrangers 16%.
Les fonds propres globaux des banques étrangères étaient de 294 milliards de DZD (2,55 milliards de US$) à la fin de 2017. Le secteur bancaire est donc le second secteur, après celui des hydrocarbures, quant aux montants des investissements directs étrangers (IDE) qui ont été réalisés. Les parts de marché des banques étrangères restent faibles. En 2017, elles contrôlaient 11% des crédits et un peu plus de 14% des dépôts.
Le produit net bancaire (PNB) global dégagé par les banques privées était de 87 milliards de dinars en 2017 soit environ 750 millions de US$. Pour mémoire, ce PNB était proche de 1 milliard de US$ en 2011. Très clairement, le glissement continu du dinar et certaines évolutions réglementaires ont substantiellement réduit l'attractivité du secteur pour les banques étrangères. La hausse en dinar des PNB n'a pas compensé les effets négatifs associés aux variations de taux de change.
Grosso modo, ce PNB se compose en 2017 à 75% par la marge d'intérêt et à 25% par les commissions. Une telle structure est bien différente de celle qui était observée en 2011 et qui est décrite plus en avant dans ce papier. Les banques étrangères ont dégagé un résultat net global de 24 milliards de dinars en 2017 soit environ 208 millions de US$. À titre d'illustration quant aux poids respectifs des banques étrangères sur le marché local, les parts de marché des banques étrangères les plus impliquées étaient les suivantes :
Société Générale : 2.54% des encours de crédit et 3.02% des dépôts,
Gulf Bank Algeria (AGB) : 1.73% des encours de crédit et 2.29% des dépôts,
BNP Paribas : 1.85% des encours de crédits et 2.18% des dépôts,
Natixis : 0.89% des crédits et 1.47% des dépôts.
Aucune banque étrangère ne dispose d'une part de marché significatif et le rôle des banques étrangères demeure un sujet de controverse.On constate le déploiement de modèles économiques (business model) différents allant de la banque mono-agence orientée uniquement corporate et servant une petite niche du marché à la banque universelle à réseau étendu.
Le secteur bancaire s'articulait à la fin de 2016 autour de 1 489 agences. La couverture du marché était assurée à 76% par les banques publiques (1134 agences) et à 24% par les banques privées (355 agences).
À titre de comparaison, le Maroc disposait de 6388 agences en 2018 et la Tunisie de 1860 agences en 2017.
À noter que le réseau du Centre des chèques postaux (CCP) disposait de près de 3600 guichets et que les établissements financiers disposaient de 88 agences (fin 2015). À la fin de 2018, les dépôts au sein du réseau des CCP s'élevaient à 864 milliards de DZD. Il serait intéressant de connaître les utilisations qui sont faites de cette masse de ressources qui circule dans le circuit du Trésor. Le taux de pénétration des agences bancaires par habitant est faible.
On relève la présence d'un guichet bancaire pour environ 25 000 habitants contre, par exemple, une agence pour 6154 habitants en Tunisie. Cette donnée est symptomatique d'un niveau de bancarisation insuffisant et qui peut s'améliorer. Un déséquilibre géographique dans la configuration des réseaux est aussi observé.
Les banques publiques sont établies sur l'ensemble des wilayas, alors que les banques privées ont développé leur réseau très majoritairement sur les centres urbains du nord du pays. Certaines banques étrangères, notamment les banques françaises, ont cependant joué un rôle non négligeable dans la densification du réseau d'agences bancaires.
Deux banques privées disposent d'un réseau supérieur à 70 agences : BNP Paribas avec 75 agences et Société Générale avec 89 agences. Elles sont avec Gulf Bank Algeria (63 agences), les seules banques privées à avoir développé une activité significative en matière de banque de particuliers. À noter aussi, le réseau de Natixis Algérie (28 agences) et celui d'ABC (25 agences) qui restent orientés prioritairement vers le segment corporate.
Les effectifs du secteur à la fin de 2016 étaient de 34 297 employés (contre 36.287 employés à la fin de 2015) dont 6500 au sein des banques privées.
Une majorité des collaborateurs du secteur sont des cadres (54%). On estime à environ 12 millions le nombre de comptes bancaires dans le pays (contre 13 millions de comptes auprès des CCP).
La collecte des ressources
Le secteur bancaire collectait, à la fin 2018, un montant total de ressources de 10.565 milliards de DZD qui se répartissait de la manière suivante :
Dépôts à vue : 5.387 milliards de DZD soit 51% du montant total collecté.
Dépôts à terme : 5.178 milliards de DZD soit 49% des dépôts.
Aucune statistique sur la maturité des dépôts n'est actuellement publiée. Les dépôts bancaires représentaient donc 51.90 % du PIB. Pour mémoire le PIB de l'année 2018 est estimé à 20.355 milliards de DZD. Cette donnée illustre bien à nouveau la faiblesse de l'intermédiation bancaire.
Par catégorie de banque, la structure des dépôts pour 2017 était la suivante :
Banques privées : 1.313 milliards de DZD soit 13% du montant global
Banques publiques : 8.706 milliards de DZD soit 87% du montant global.
Les dépôts en devises représentaient à la fin de 2018 un montant global de 650 milliards de DZD soit la contrepartie d'environ 5.5 milliards de US$ (au taux de change DZD / US$ de 118.29 observé à la fin de cette année).
La circulation fiduciaire hors banque est estimée à 4.987 milliards de DZD soit près à 29.50% de M2 à fin 2018 en légère baisse par rapport au 31.5% de 2017. Cette circulation de cash représente plus de 24% du PIB.
Cette donnée démontre le potentiel existant pour la collecte des ressources par les banques, et représente aussi un bon indicateur de l'importance de l'économie informelle.
La distribution de crédit
Le montant total des crédits distribués par le secteur bancaire était de 10.103 milliards de DZD à fin 2018, soit 49.63% du PIB. Ce ratio combiné à celui relatif aux dépôts exprimés en pourcentage du PIB démontre que le niveau d'intermédiation de notre secteur bancaire est faible. Les crédits se décomposent par maturité de la manière suivante :
Crédit à court terme : 2.710 milliards de DZD (26.82% du global).
Crédit à moyen terme : 1.714 milliards de DZD (16.97% du global).
Crédit à long terme : 5.679 milliards de DZD (56.21% du global).
La part importante des crédits à long terme, fortement concentrée sur les banques publiques, démontre l'engagement fort de ces dernières dans le financement des grands projets d'investissements publics notamment d'infrastructures. Un tel niveau d'engagements longs dans le contexte d'une rareté croissante de la liquidité bancaire compliquera à terme la gestion des bilans (ALM) pour la plupart de ces banques publiques. Il convient de relever que l'intermédiation bancaire reste le moyen quasi exclusif de financement de l'économie. Un faible développement des marchés de capitaux explique que l'intervention de la finance directe soit très marginale.
À noter aussi que le taux de pénétration de la microfinance privée, en dehors des dispositifs "aidés" de nature publique, est proche de zéro. Pour l'année 2017, la part des crédits distribués par les banques publiques était de 89% avec un montant global de 7.900 milliards de DZD.
Pour la même année, la part des crédits octroyés par les banques privées est de 11% avec un montant global de 978 milliards de DZD. Les données 2018 quant à cette décomposition ne sont pas encore disponibles. L'encours des crédits se répartit de manière quasi équitable entre le secteur privé et le secteur public. Les crédits au secteur public représentent 50.4% (5.090 milliards de DZD) des crédits globaux et la part des crédits au secteur privé est de 49.6% (5.012 milliards de DZD).
À noter que les crédits accordés aux ménages NE représentent que 7.8% du montant des crédits globaux (soit 788 milliards de DZD). Pour une très large part, il s'agit de crédits hypothécaires.
À titre de comparaison, au Maroc, la part des crédits bancaires accordés aux ménages était de 33% en 2017. Le crédit au secteur privé mesuré par le ratio crédits au secteur privé/PIB s'élève à 24.5% en 2018. Il reste faible et très largement inférieur aux niveaux observés notamment au Maroc et en Tunisie.
Par ailleurs, cet encours de crédit au secteur privé porte largement sur des concours relatifs au financement de l'exploitation et pas de l'investissement. Ce faible accès au financement bancaire constitue l'un des blocages du climat des affaires au développement du secteur privé. Le ratio prêts/dépôts est en hausse à 95,50% à la fin de 2018. La liquidité bancaire est en baisse sensible sur les cinq dernières années.
Les banques publiques nourrissent la quasi-totalité des crédits au secteur public et participent à hauteur de 75% aux crédits octroyés au secteur privé.
Une telle situation vis-à-vis du secteur public découle de directives écrites ou non écrites données aux entreprises publiques de cantonner leurs opérations aux banques publiques. Ces directives ont été "abrogées" mais les pratiques anciennes perdurent largement à ce jour.
L'activité de crédit des banques privées est orientée quasi exclusivement sur le secteur privé (entreprises et ménages) avec une concentration forte sur les opérations de court terme comme le financement du besoin en fond de roulement (BFR) des entreprises et le refinancement d'opérations d'importations.
L'incapacité à lever localement des ressources à long terme n'est pas étrangère à cette spécialisation. Pour certaines de ces banques, Citibank, HSBC ou Crédit agricole CIB, l'activité de crédit est essentiellement dirigée vers les filiales algériennes de grands groupes internationaux et cible un groupe restreint d'entreprises locales jugées solvables.
Seules les banques privées ayant développé un réseau, notamment Société générale, BNP Paribas, Gulf Bank Algeria et Natixis interviennent de manière significative sur le marché de la PME et celui des professionnels. Les banques publiques dominent largement le marché du crédit hypothécaire avec une part de marché proche de 95%.
L'encours des crédits hypothécaires auprès du secteur bancaire est d'environ 400 milliards de DZD. Ce montant qui représente 2 % du PIB est très faible.
Une étude récente "La finance en Afrique", parrainée par la Banque africaine de développement et la Banque mondiale relève que le ratio de la dette hypothécaire au PIB s'élève en moyenne à 10% en Afrique, comparé à 70% aux Etats-Unis et 50% en Europe.
La faiblesse du ratio observé en Algérie découle de la politique actuelle d'accès au logement qui coûte très cher au budget de l'Etat et dont le financement n'est certainement pas transparent. Pour mémoire, à la fin des années 90, l'accès au logement a été déconnecté d'un effort d'épargne préalable. Une telle décision, de nature politique, a été dommageable à l'inclusion financière.
Autres caractéristiques du marché bancaire
Certaines autres caractéristiques du marché bancaire algérien méritent d'être relevées :
- La gamme des produits offerts est étroite, et ce aussi bien, en direction des particuliers que pour les entreprises. Elle est quasiment identique d'une banque à l'autre. Le marché est donc dans un contexte de banalisation de produits simples (sans diversité).
- Le développement des services financiers spécialisés est relativement faible, aussi bien pour le crédit à la consommation, le crédit-bail que l'affacturage.
Le leasing est en croissance. Les produits bancaires islamiques émergent progressivement. La faible pénétration du leasing, découlant des difficultés associées à son refinancement, et la non existence de l'affacturage sont des contraintes lourdes à un financement efficient des PME.
- La circulation des espèces reste importante et la manipulation de ces dernières par les banques nécessite des moyens importants qui ne sont pas toujours rémunérés à leur juste prix. On observe une faible transparence dans certains secteurs de l'économie et chez certains opérateurs dont les états financiers ne représentent pas toujours la réalité économique de leurs entreprises. Ces "Muddy waters" créent des opportunités pour les banques mais induisent aussi des risques notamment de conformité.
- L'environnement réglementaire est contraignant et instable notamment en matière de contrôle des change, ce qui complique sensiblement la gestion des risques opérationnels par les banques.Le canal essentiel de distribution des produits bancaires reste l'agence.
Un faible développement technologique aussi bien pour les produits monétiques que pour ceux associés à Internet. Un tel état de fait, qui ne dépend pas uniquement de la responsabilité des banques, laisse présager une accélération des mutations technologiques sur les années à venir notamment au travers du GIE monétique. Le niveau de pénétration des TPE en service est faible (3000?) tout comme celui des DAB et GAB (environ 1250).
À titre de comparaison le Maroc dispose de 7025 GAB (Guichets automatiques bancaires) et la Tunisie 2275 DAB/GAB. Un état d'esprit plus ouvert de la part des organes de régulation, notamment dans le secteur des télécommunications, aurait sans aucun doute un effet positif sur l'innovation dans le secteur.
Les revenus et la rentabilité
Les statistiques agrégées sur le Produit Net Bancaire (PNB) global de la place ne sont pas publiées par la Banque d'Algérie et sont compliquées à obtenir. On peut néanmoins relever que la structure des PNB a beaucoup évolué depuis 2012. À titre d'exemple, au-delà des données synthétiques de 2017 pour le secteur privé évoquées plus en avant dans cet article, il convient de relever que pour l'année 2011, le PNB global de la place était évalué à environ 3.3 milliards de US$. Le PNB réalisé par les banques publiques était d'environ 2.3 milliards de US$ soit 70% du PNB global.
Le PNB des banques privées était d'environ 1 milliard de US$ soit 30% du PNB global. La part des banques privées dans les revenus générés par le marché était donc largement supérieure à leur contribution en matière de collecte des ressources et à leur intervention en matière de distribution de crédit.
Deux explications étaient avancées pour expliquer cette distorsion : l'une trouvait sa genèse dans "l'effet d'aubaine" créé par la loi des finances complémentaire pour 2009 qui avait imposé le crédit documentaire comme moyen unique de règlement des importations et l'autre dans la tarification qui était appliquée par les banques privées notamment en matière de "commissions de change".
Pour la même année 2011, le PNB direct associé aux opérations de commerce extérieur était évalué à 700 millions de US$ : 250 millions de US$ réalisés par les banques publiques et environ 450 millions de US$ réalisés par les banques privées.
Pour ces dernières qui disposaient le plus souvent d'un large réseau à l'international, l'activité "commerce extérieur" représentait en moyenne près de 50% de leurs revenus globaux. Dans un tel contexte, les autorités de régulation ont édicté en avril 2013 un règlement qui encadre et plafonne les commissions prélevées au titre des opérations de commerce extérieur et ont progressivement resserré les contraintes associées au ratio des engagements extérieurs qui a été réduit de 4 à 1 en quelques années, réduisant ainsi la marge de manœuvre des banques en matière de commerce extérieur.
De ce fait, on observe un fort rééquilibrage de la structure du PNB des banques privées en faveur des activités de bilan (activités de prêt). Leurs revenus actuels sont ainsi à présent constitués à hauteur de 75 % par la marge d'intérêt et à hauteur de 25 % par les commissions. Les services offerts par les banques privées sont généralement plus chers que ceux des banques publiques mais leur qualité de service est perçue comme meilleure.
Le coefficient d'exploitation des banques étrangères était en moyenne de 44% en 2017. À titre de comparaison, la Direction de la supervision bancaire de Bank Al-Maghreb signale que ce ratio était de 50.6% pour les banques au Maroc en 2017. La rentabilité des banques de la place reste néanmoins appréciable pour l'exercice 2017. Cette dernière peut être appréhendée au travers des deux indicateurs suivants (source FMI) :
Une forte rentabilité des fonds propres (ROE) à 17.8% : 18.7% pour les banques publiques et 14.7% pour les banques privées . À noter que pour l'exercice 2016, ce ROE était de 18.1%. À titre de comparaison, le ROE moyen des 9 groupes bancaires de la place marocaine était de 10.2% en 2017 et de 9.8% en 2016.
Un rendement des actifs (ROA) qui reste élevé à 2% : 1.9% pour les banques publiques et 2.6% pour les banques privées. En 2016, ce ROA était de 1.9 %. Cet indicateur était de 0.90% au Maroc en 2017.
La solidité financière du secteur bancaire
À la fin de 2017, la solidité du secteur bancaire pouvait être appréciée au travers d'une batterie d'indicateurs portant sur sa capitalisation et sur la qualité de son portefeuille de prêts (source FMI)
Les ratios de solvabilité
Le ratio de solvabilité moyen par rapport aux fonds propres de base était de 15.2% (contre 16.3% en 2016). Le ratio de solvabilité moyen par rapport aux fonds propres réglementaires était de 19.60%. Ces deux indicateurs s'affichent donc supérieurs aux normes internationales recommandées par Bâle III. Le secteur était donc à la fin de 2017 correctement capitalisé.
La qualité des portefeuilles et les créances non performantes
Les créances en souffrance sont en hausse à 12.3% par rapport au total des créances en 2017 (12.9% pour les banques publiques et 7.9% pour les banques privées) contre 11.9% en 2016. Le montant des provisions qui était affiché à la fin de 2017 était de 51.4% de l'encours des créances en souffrance. Au total, le taux des créances non performantes nettes de provisions constituées était donc de 6% en 2017 contre 5.4% en 2016.
Mais il est attendu que la qualité des portefeuilles des banques se dégrade prochainement. En effet, certaines banques aussi bien publiques que privées détiennent des encours importants sur les entreprises qui appartiennent aux personnes faisant l'objet de mesures judiciaires.
De plus en 2019, une morosité économique s'installe progressivement dans un contexte politique compliqué où la commande publique, en forte baisse, restera le principal levier de la croissance. Ces éléments se traduiront, au moins à court terme, par un ralentissement économique fort et par une aggravation du risque de crédit notamment à cause d'une accumulation d'arriérés pour de nombreux opérateurs économiques (entreprises).
Un tel contexte conduira inéluctablement à la dégradation de la qualité du portefeuille des banques et à une hausse sensible des NPLs (prêts improductifs) et des provisions associées. La rentabilité des banques publiques et étrangères sera ainsi négativement impactée et leur solvabilité effritée au moins en 2019 et 2020.
Une telle situation va rendre complexe le pilotage du secteur sur les 2 ou 3 prochaines années pour les autorités monétaires et ce dans un contexte où certaines banques publiques laissent apparaître de fortes concentration des risques sur certaines contreparties publiques.Un tel contexte renforce l'urgence d'agir.
La relation banque-entreprise
Dans ma pratique quotidienne ou lors d'échanges avec les participants à mes séminaires de formation, j'ai pu constater que les entraves perçues par les banques et les entreprises à une meilleure intermédiation bancaire étaient nombreuses. Il est néanmoins important de relever que ces constats, ces "feelings" sur la relation banque-entreprise n'étaient pas en Algérie bien différents de ceux rencontrés dans d'autres pays… bien que, souvent, d'intensité plus grande chez nous. Quels sont les griefs des uns et des autres ?
Les critiques des entreprises à l'endroit des banques
La mauvaise connaissance des entreprises et des contraintes qui pèsent sur elles.
La lenteur dans la prise de décision.
L'excès de centralisation et l'opacité des circuits de décision.
Les difficultés à obtenir les motifs d'un refus.
Un traitement identique de la PME et de la grande entreprise en matière d'exigence d'information / Absence de différenciation dans le traitement des dossiers.
Une trop grande frilosité dans la prise de risque et le sentiment d'un soupçon systématique à leur égard.
Des exigences trop fortes en matière de garanties. Religion des garanties (prêteurs à gage).
Trop forte rotation des interlocuteurs et qualité de ces derniers.
Une faible capacité d'écoute et de conseil.
Opacité de la grille tarifaire.
Les critiques des banques vis-à-vis des entreprises
Les dossiers de demande de financement sont très souvent incomplets, mal renseignés et maturés, et caractérisés par une expression imparfaite des besoins à couvrir.
Les plans d'affaires (Business plans) qui sont présentés ne sont pas toujours crédibles et convaincants.
Déficit de projets bancables.
Sous-capitalisation et manque de transparence financière.
Faiblesse de la gouvernance et du management : prédominance des structures familiales, faiblesse des systèmes d'information et donc de la capacité de pilotage et d'anticipation, et modes de gestion archaïques.
Fraude documentaire induisant des risques opérationnels sérieux.
Réactions dans l'urgence et incapacité à produire des données prévisionnelles fiables.
Faible culture bancaire, financière et juridique des dirigeants d'entreprise.
Incapacité à démontrer une bonne connaissance de leurs marchés et de leur environnement.
Le contexte semble être celui d'une incompréhension réciproque et d'un manque de communication entre les parties et les contraintes soulevées ne sont pas insurmontables…si la volonté politique est là et si un effort de formation est déployé pour accroître "la capacité financière" de nos banques et de nos entreprises.

R. S.
(*) Economiste


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